Vu le pourvoi, enregistré le 10 mai 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par M. Mohamed A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat, d'une part, d'annuler l'arrêt du 19 janvier 2007 par lequel la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône du 3 février 2005 déclarant que M. A avait été rempli de ses droits à pension militaire d'invalidité par l'arrêté du 14 juin 2004 du ministre de la défense décidant de lui verser les arrérages de pension dus à compter du 1er janvier 1999 et, d'autre part, de renvoyer l'affaire devant une cour régionale des pensions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu la loi de finances pour 1960 (n° 59-1454 du 26 décembre 1959) ;
Vu la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) ;
Vu le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 ;
Vu le décret n° 2003-1044 du 3 novembre 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Lallet, Auditeur,
- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 71 de la loi de finances pour 1960 applicable en l'espèce : A compter du 1er janvier 1961, les pensions, rentes ou allocations viagères imputées sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics, dont sont titulaires les nationaux des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous protectorat ou sous la tutelle de la France, seront remplacées pendant la durée normale de leur jouissance personnelle par des indemnités annuelles en francs, calculées sur la base des tarifs en vigueur pour lesdites pensions ou allocations à la date de leur transformation (...) ; que, s'il résulte des dispositions des I et II de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 que les prestations servies en application de l'article 71 de la loi de finances pour 1960 sont calculées, lorsque le titulaire n'a pas sa résidence effective en France, sur la valeur du point de base de sa prestation, telle qu'elle serait servie en France, affectée d'un coefficient proportionnel au rapport des parités de pouvoir d'achat dans le pays de résidence et des parités de pouvoir d'achat de la France, le IV du même article prévoit que ce dispositif s'applique à compter du 1er janvier 1999 sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des contentieux contestant le caractère discriminatoire des textes visés au I, présentés devant les tribunaux avant le 1er novembre 2002 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, ressortissant tunisien résidant en Tunisie, a demandé au tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône, par une demande enregistrée le 3 avril 2002, la révision de l'indemnité qui lui était versée sur le fondement de l'article 71 de la loi de finances pour 1960, en raison de l'incompatibilité de cette loi avec les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel, et le versement des arrérages correspondant, depuis 1960, à la différence entre le montant de cette indemnité et celui de la pension versée aux ressortissants français placés dans la même situation ;
Considérant que, pour confirmer le jugement du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône du 3 février 2005 déclarant que M. A avait été rempli de ses droits par l'arrêté du 14 juin 2004 du ministre de la défense décidant de faire droit à sa demande de révision à compter du 1er janvier 1999 et de lui verser les arrérages correspondants, la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence s'est notamment fondée sur ce que le IV de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 faisait obstacle à ce que M. A puisse se prévaloir des dispositions des I et II de cet article pour bénéficier d'une revalorisation de son indemnité ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en statuant ainsi, alors que l'action contentieuse de M. A avait été engagée avant le 1er novembre 2002, la cour régionale des pensions a commis une erreur de droit ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé en tant qu'il confirme le jugement du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône du 3 février 2005 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que les personnes titulaires d'une indemnité fixée en application de l'article 71 de la loi de finances pour 1960 qui ont, dans le cadre d'une action contentieuse engagée avant le 1er novembre 2002, invoqué l'incompatibilité de cette loi avec les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel ont droit, sous réserve de l'application des règles de prescription fixées à l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, au versement des arrérages correspondant à la différence entre l'indemnité qu'elles ont perçue depuis la concession de leur pension ou, si elle est postérieure, depuis la date d'entrée en vigueur de ces stipulations à la suite de la publication du décret du 3 mai 1974 portant publication de cette convention, et le montant de la pension militaire d'invalidité servie aux ressortissants français placés dans la même situation au cours de la même période ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par son arrêté du 14 juin 2004, le ministre de la défense a accordé à M. A le versement d'une somme correspondant à la différence entre l'indemnité qui lui a été versée à compter du 1er janvier 1999 et celle à laquelle il avait droit en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre applicables aux ressortissants français placés dans la même situation ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures ;
Considérant, d'une part, que M. A ne peut utilement se prévaloir de l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait au jugement du 29 mars 2007 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé un arrêté du 3 juin 2006 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie au motif que la prescription avait été interrompue le 23 janvier 1992, sur le fondement de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'égard d'arrérages de pension militaire de retraite, dès lors que ce jugement porte sur une créance distincte de celle dont il demande le paiement dans la présente instance ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que, si M. A a déposé, de 1961 à 2002, de nombreuses demandes de revalorisation de l'indemnité qui lui a été accordée sur le fondement de l'article 71 de la loi de finances pour 1960, ces demandes tendaient à la prise en compte de l'aggravation d'infirmités au titre desquelles il était indemnisé ou d'infirmités nouvelles ; qu'il n'a sollicité le versement des sommes qui lui étaient dues en raison de l'incompatibilité des dispositions de cet article avec les stipulations rappelées ci-dessus que dans le courrier du 18 décembre 2001 qu'il a adressé au ministre de la défense et que ce dernier ne conteste pas avoir reçu avant le 31 décembre suivant ; que, dans ces conditions, M. A ne peut prétendre au versement des arrérages qu'il réclame qu'à compter de l'année 1998 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône a refusé de lui accorder le paiement des sommes qu'il réclame et les intérêts capitalisés y afférents que pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1998 ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence du 19 janvier 2007 est annulé en tant qu'il confirme le jugement du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône du 3 février 2005.
Article 2 : L'Etat versera à M. A les arrérages correspondant à la différence entre le montant de la pension militaire d'invalidité revalorisée selon les modalités précisées dans les motifs de la présente décision et celui de l'indemnité qui lui a été versée du 1er janvier au 31 décembre 1998, ainsi que les intérêts capitalisés y afférents.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A devant la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence est rejeté.
Article 4 : Le jugement du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône du 3 février 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed A et au ministre de la défense.