Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février et 13 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRISES DU SECTEUR PRIVE MARCHAND DE LA FILIERE EQUESTRE DES LOISIRS ET DU TOURISME, dont le siège est Les Ecuries d'Uscla à Les Obits (09700) ; le syndicat requérant demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07PA01828 du 11 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0208625 du 18 mai 2005 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 avril 2002 du ministre de l'agriculture et de la pêche lui refusant la qualité d'organisation syndicale représentative sur le plan national dans le secteur des centres équestres, ainsi que des décisions du même jour reconnaissant cette qualité au Groupement hippique national (GHN), au Syndicat national des exploitants d'établissements professionnels d'enseignement de l'équitation (SNEEPEE) et au Syndicat national des entreprises de tourisme équestre (SNETE) et, d'autre part, à l'annulation de ces décisions ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 99-555 du 2 juillet 1999 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christine Grenier, chargée des fonctions de Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRISES DU SECTEUR PRIVE MARCHAND DE LA FILIERE EQUESTRE DES LOISIRS ET DU TOURISME et de Me Balat, avocat du Groupement hippique national et autres,
- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRISES DU SECTEUR PRIVE MARCHAND DE LA FILIERE EQUESTRE DES LOISIRS ET DU TOURISME et à Me Balat, avocat du Groupement hippique national et autres ;
Considérant que, par cinq décisions du 16 avril 2002, le ministre de l'agriculture et de la pêche a reconnu la qualité d'organisations syndicales représentatives sur le plan national au Groupement hippique national (GHN), au Syndicat national des exploitants d'établissements professionnels d'enseignement de l'équitation (SNEEPEE), au Syndicat national des entreprises de tourisme équestre (SNETE) et a refusé cette qualité au SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRISES DU SECTEUR PRIVE MARCHAND DE LA FILIERE EQUESTRE DES LOISIRS ET DU TOURISME (SNEFELT) ; que cette dernière organisation syndicale a demandé l'annulation de ces décisions ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal administratif de Paris qui avait rejeté sa demande ;
Considérant, en premier lieu, que s'il appartient au ministre chargé du travail et, le cas échéant, aux agents placés sous son autorité, de prendre les décisions administratives prévues par les dispositions, alors en vigueur du titre III du livre Ier du code du travail relatives aux conventions et accords collectifs de travail, s'agissant notamment de déterminer les organisations représentatives admises à prendre part à la négociation, il résulte des dispositions de l'article L. 131-3 du même code qu'en ce qui concerne les professions agricoles, les attributions dévolues au ministre chargé du travail par les dispositions de ce titre sont exercées par le ministre chargé de l'agriculture ; qu'il résulte de la combinaison de l'article L. 131-2 de ce code, en vigueur à la date des décisions litigieuses, avec celles du 1° de l'article L. 722-1 du code rural, que les dispositions du titre III du livre Ier du code du travail sont applicables notamment aux professions agricoles qui utilisent les services des salariés occupés, dans les " exploitations de culture et d'élevage de quelque nature qu'elles soient, exploitations de dressage, d'entraînement, haras " ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les entreprises du secteur des centres équestres devaient être regardées comme des professions agricoles en application de ces dispositions et que le ministre de l'agriculture était, par suite, compétent pour déterminer les organisations représentatives susceptibles de siéger au sein de la commission mixte de négociation de la convention collective ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en application de l'article 7 du décret du 2 juillet 1999, les décisions relatives à la représentativité des organisations syndicales entraient dans le champ des compétences de la direction des exploitations, de la politique sociale et de l'emploi du ministère de l'agriculture et de la pêche ; que, par suite, et après avoir relevé que son directeur avait reçu délégation, par un arrêté du 1er mars 2002 régulièrement publié, pour signer, au nom du ministre de l'agriculture et de la pêche, tous actes, arrêtés et décisions concernant les affaires relevant de son autorité, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que les décisions litigieuses n'avaient pas été signées par une autorité incompétente ;
Considérant, en troisième lieu, que l'existence de l'accord du ministre du travail, requis par les dispositions de l'article L. 131-3 du code du travail, peut être établie sans que la preuve de cette existence résulte nécessairement de la production d'une décision expresse signée par un fonctionnaire disposant d'une délégation ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en se fondant, pour juger établie l'existence d'un tel accord, sur le compte-rendu de la réunion du 21 février 2002 relative à la représentativité des organisations d'employeurs dans le secteur des centres équestres, tenue entre les services du ministre chargé du travail et ceux du ministre de l'agriculture, énonçant les propositions de ce dernier quant à la représentativité de chacune de ces organisations et faisant état d'un accord des participants ; que, ce faisant, elle a porté sur les pièces qui lui était soumises une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 133-2 du code du travail, en vigueur à la date des décisions litigieuses : " La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères suivants : / - les effectifs ; / - l'indépendance ; / - les cotisations ; / - l'expérience et l'ancienneté du syndicat ; / - l'attitude patriotique pendant l'occupation " ; que ces dispositions s'appliquent tant aux organisations d'employeurs qu'aux syndicats de salariés, y compris pour ce qui est du critère d'indépendance ; que la satisfaction à ce critère par une organisation d'employeurs suppose de vérifier que les conditions de son organisation, de son financement et de son fonctionnement permettent d'assurer effectivement la défense des intérêts professionnels qu'elle entend représenter, notamment dans le cadre de la négociation des conventions et accords collectifs ;
Considérant, d'une part, qu'après avoir relevé que le SNEFELT ne regroupait qu'une dizaine d'adhérents et n'était implanté que dans six départements et estimé qu'eu égard à sa faible audience, le ministre pouvait légalement refuser de lui reconnaître la qualité d'organisation syndicale représentative, la cour, qui a porté sur ces faits une appréciation souveraine, ne leur a pas donné une qualification juridique erronée ni commis d'erreur de droit ;
Considérant, d'autre part, qu'en énonçant qu'eu égard à l'implantation dans près de soixante-dix départements du SNEPEE, le ministre avait légalement pu lui reconnaître la qualité d'organisation professionnelle représentative sur le plan national et que l'absence de caractère représentatif du SNETE n'était pas établie, la cour, qui a porté sur les faits ainsi énoncés une appréciation souveraine, ne les a pas inexactement qualifiés ; qu'en jugeant qu'était sans incidence sur la légalité des décisions du 16 avril 2002 le placement de la Fédération française d'équitation sous administration judiciaire, intervenu postérieurement à ces décisions, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, toutefois, qu'en estimant que la circonstance que les cotisations de certains des adhérents du GHN soient versées par la Fédération française d'équitation, laquelle était alors chargée d'une mission de service public comportant notamment l'élaboration de la réglementation pour la filière équestre, n'avait pas pour effet de priver ce groupement de la disposition effective de ces cotisations et ne permettait pas, en conséquence, d'établir qu'il ne répondait pas au critère d'indépendance fixé par l'article L. 133-2 précité, la cour a donné aux faits ainsi énoncés une qualification juridique erronée ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé, en tant qu'il statue sur la décision du 16 avril 2002 reconnaissant la qualité d'organisation syndicale représentative au GHN ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de ces dispositions, dans la mesure de l'annulation prononcée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la convention conclue entre le GHN et la Fédération française d'équitation (FFE), en vigueur à la date de la décision litigieuse, que la FFE offrait à chaque établissement équestre l'adhésion au GHN, que la cotisation au GHN était perçue par la FFE qui la reversait au GHN, que le montant de cette cotisation était soumis chaque année à la FFE, et que les représentants du GHN au sein des différentes instances professionnelles étaient désignés pour moitié en concertation avec la FFE ; que, par suite, si le GHN comporte un nombre très important d'adhérents et dispose d'une audience réelle, il ne peut être regardé comme indépendant à l'égard de la FFE qui, ainsi qu'il a été dit, était alors chargée d'une mission de service public comportant notamment l'élaboration de la réglementation pour la filière équestre ; qu'ainsi, en reconnaissant au GHN la qualité d'organisation syndicale représentative, le ministre chargé de l'agriculture a méconnu les dispositions de l'article L. 133-2 du code du travail ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le SNEFELT, dont le président avait qualité pour faire appel au nom de celui-ci, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision du 16 avril 2002 reconnaissant le caractère représentatif du GHN ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la disparition rétroactive de cette décision entraînerait des conséquences manifestement excessives, de nature à justifier une limitation dans le temps des effets de son annulation ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'assortir l'annulation de ces dispositions d'une telle limitation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement au SNEFELT de la somme de 2 000 euros ; qu'en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge du SNEFELT le versement au SNEEPEE et au SNETE de la somme de 2 000 euros chacun ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du SNEFELT le versement au GHN d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 11 décembre 2007 est annulé, en tant qu'il statue sur la décision du 16 avril 2002 reconnaissant la qualité d'organisation représentative au Groupement hippique national.
Article 2 : La décision du ministre de l'agriculture et de la pêche du 16 avril 2002 reconnaissant au Groupement hippique national la qualité d'organisation syndicale représentative sur le plan national dans le secteur des centres équestres est annulée.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 18 mai 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera au SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRISES DU SECTEUR PRIVE MARCHAND DE LA FILIERE EQUESTRE DES LOISIRS ET DU TOURISME une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRISES DU SECTEUR PRIVE MARCHAND DE LA FILIERE EQUESTRE DES LOISIRS ET DU TOURISME versera au Syndicat national des exploitants d'établissements professionnels d'enseignement de l'équitation et au Syndicat national des entreprises du tourisme équestre une somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions du Groupement hippique national tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 8 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES ENTREPRISES DU SECTEUR PRIVE MARCHAND DE LA FILIERE EQUESTRE DES LOISIRS ET DU TOURISME, au Groupement hippique national, au Syndicat national des exploitants d'établissements professionnels d'enseignement de l'équitation, au Syndicat national des entreprises du tourisme équestre et au ministre l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Copie en sera adressée pour information à la Fédération française d'équitation.