Vu 1°), sous le n° 339478, le recours, enregistré le 12 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1002691 du 23 avril 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 mars 2010 refusant à M. Youssef A l'admission au séjour en France au titre du droit d'asile, a enjoint au préfet de réexaminer, dans un délai de cinq jours, la demande d'admission présentée par M. A et a mis à la charge de l'Etat à la somme de 500 euros à verser au conseil de M. A au titre des frais de procédure ;
il soutient que l'ordonnance contestée est entachée d'erreur de droit et de fait, dans la mesure où il est établi M. et Mme A ont été informés tant à l'écrit qu'oralement des conditions d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, conformément à ce règlement et à l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en particulier la décision du préfet des Bouches du Rhône a été traduite dans la langue que les époux A comprennent et que la notification de cette décision a été effectuée oralement par un interprète ; qu'en outre, un document d'information sur la procédure de réadmission Dublin leur a été remis le 12 janvier 2010 ; que, pour le surplus, il se réfère aux observations produites en première instance par le préfet ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2010, présenté par M. Youssef A, qui demande à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; il conclut au rejet du recours du ministre et à ce que l'Etat verse une somme de 1 500 euros à son conseil, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; il soutient que la notification de la décision du préfet a été faite par un interprète mais non par écrit, ce qui méconnaît les dispositions de l'article 3 du règlement (CE) n°343/2003 ; que l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable à la décision contestée ; qu'il n'a pas été informé dans sa langue d'informations substantielles de la procédure Dublin ; qu'aucun des documents qui lui ont été remis ne mentionnait, parmi ces informations essentielles, le délai de six mois au terme duquel, en l'absence de prise en charge par la Grèce, la France sera compétente pour traiter sa demande d'asile ; qu'en cas de censure de l'ordonnance, il entend reprendre ses moyens de première instance ;
Vu 2°), sous le n° 339479, le recours, enregistré le 12 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le même ministre, qui demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1002692 du 23 avril 2010 par laquelle le même juge des référés a ordonné les mêmes mesures, s'agissant Mme Radayna A ;
il invoque les mêmes moyens que ceux soulevés dans la requête n° 339478 ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 19 mai 2010 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;
- Me Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant que les recours n° 339478 et n° 339479 présentent à juger des mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ;
Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; qu'aux termes de l'article 3 de ce règlement : (...) 4. Le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets (...) ;
Considérant qu'en application de ces dispositions, M. et Mme A ont fait l'objet d'une décision de refus de séjour et de réadmission vers la Grèce, par décisions du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 mars 2010, après que cet Etat eut fait connaître qu'il acceptait leur prise en charge ; que, pour suspendre ces décisions, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, et enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer, dans un délai de cinq jours, leurs demandes d'admission au séjour, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a estimé que l'administration avait porté une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit d'asile en ne leur fournissant pas par écrit, dans leur langue, les informations prévues par l'article 3 du règlement du 18 février 2003 ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que, le 12 janvier 2010, M. et Mme A ont été informés par écrit, dans leur langue, que le préfet allait mettre en oeuvre la procédure de réadmission vers la Grèce, cette information étant assortie d'indications sur cette procédure et sur ses délais de mise en oeuvre ; que, lors de la notification des décisions litigieuses du 22 mars 2010, ils ont été assistés d'un interprète mis à disposition par l'administration, qui a contresigné les documents qui leur ont été remis, les informant de leurs droits et des voies de recours ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et alors même que ces informations n'auraient pas expressément fait mention du cas où la Grèce ne donnerait pas suite à son accord pour leur prise en charge, et du délai de six mois au terme duquel, dans cette hypothèse, la France serait compétente pour traiter leurs demandes d'asile en vertu de l'article 19 du règlement du 18 février 2003, les circonstances de l'affaire ne font pas apparaître d'illégalité manifeste dans la procédure de traitement, par l'administration, de leur droit d'asile ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les ordonnances attaquées, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article 3 du règlement du 18 février 2003 pour faire droit aux demandes de M. et Mme A ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au juge des référés du Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par les requérants ;
Considérant, d'une part, que la Grèce est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, s'il en résulte que des documents d'ordre général relatifs aux modalités d'application des règles relatives à l'asile par les autorités grecques ne sauraient suffire à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers la Grèce serait, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités grecques répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de certificats médicaux et de plusieurs témoignages circonstanciés relatifs aux conditions dans lesquelles M. et Mme A et leurs enfants ont été traités par les autorités grecques lors de leur transit par ce pays, que l'absence de respect, par ces autorités, des garanties exigées par le respect du droit d'asile doit, en ce qui les concerne, être tenu pour établi ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, leur réadmission vers la Grèce serait de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile ;
Considérant, d'autre part, qu'une décision de remise à un Etat étranger, susceptible d'être exécutée d'office en vertu des articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, crée, pour son destinataire, une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par les ordonnances attaquées, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a fait droit aux demandes de M. et Mme A ;
Considérant, enfin, que dans le dernier état des conclusions de M. et Mme A , telles qu'elles ont été précisées à l'audience par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation qui les représente, leur demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle, ainsi que celle que l'avocat au barreau qu'ils avaient initialement mandaté a présentée sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être regardées comme abandonnées ;
O R D O N N E :
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Article1er : Les recours du MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE sont rejetés.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE et à M. Youssef A et Mme Rudayna A.