Vu le pourvoi, enregistré le 28 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC NATIONAL DES PRODUITS DE L'AGRICULTURE ET DE LA MER (FRANCE AGRIMER), dont le siège est 12, rue Henri Rol-Tanguy à Montreuil-sous-Bois cedex (93555) ; FRANCE AGRIMER demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 9 juin 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant en application de l'article L. 551-13 du code de justice administrative, a ordonné la résiliation des lots nos 5, 23, 38, 39, 41, 52, 54 et 65 du marché de fourniture et de livraison de produits alimentaires passé par FRANCE AGRIMER ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société France International Trade (FIT) ;
3°) de mettre la somme de 2 500 euros à la charge de la société FIT en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu l'ordonnance n°2009- 515 du 7 mai 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Auditeur,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de l'ETABLISSEMENT PUBLIC NATIONAL DES PRODUITS DE L'AGRICULTURE ET DE LA MER (FRANCE AGRIMER) et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société France International Trade,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de l'ETABLISSEMENT PUBLIC NATIONAL DES PRODUITS DE L'AGRICULTURE ET DE LA MER (FRANCE AGRIMER) et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société France International Trade ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ; qu'aux termes de l'article L. 551-4 du même code : Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu'à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle. ; qu'aux termes de l'article L. 551-13 du même code : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section. ; qu'aux termes de l'article L. 551-14 du même code : Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Toutefois, le recours régi par la présente section n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l'article L. 551-1 ou à l'article L. 551-5 dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours. ; qu'aux termes de l'article L. 551-18 de ce code : Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. / (..) Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre (..) si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 (..), et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 27 janvier 2010, FRANCE AGRIMER a engagé une procédure de passation d'un marché ayant pour objet la fourniture et la livraison de quatre-vingt-douze lots de produits alimentaires ; que la société FIT a déposé une offre pour une vingtaine de lots ; que cette société a saisi le juge du référé précontractuel le 27 mai 2010 d'une demande d'annulation de la procédure ; que, dans son mémoire en défense du 3 juin 2010 produit dans l'instance de référé ainsi ouverte, FRANCE AGRIMER a apporté l'information de ce que tous les lots du marché avaient été signés ; que, par un mémoire en réplique du 4 juin 2010, la société FIT a alors demandé au juge des référés contractuel l'annulation des lots nos 5, 23, 38, 39, 41, 52, 54 et 65 sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-18 du code de justice administrative relatives au référé contractuel ; que, par une ordonnance du 9 juin 2010 contre laquelle FRANCE AGRIMER se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions de la société FIT fondées sur l'article L. 551-1 précité du code de justice administrative et, faisant droit aux conclusions de cette société fondées sur les articles L. 551-13 et L. 551-18 du même code, résilié les lots litigieux ;
Sur la recevabilité des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative :
Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 551-14 précité du code de justice administrative, qui prévoient que le recours contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel dès lors que le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours, n'ont pas pour effet de rendre irrecevable un recours contractuel introduit par un concurrent évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel alors qu'il était dans l'ignorance du rejet de son offre et de la signature du marché par suite d'un manquement du pouvoir adjudicateur au respect des dispositions de l'article 80 du code des marchés publics qui prévoit l'obligation de notifier aux candidats le rejet de leurs offres et fixe un délai minimum de seize jours, réduit à onze jours dans le cas d'une transmission électronique, entre cette notification et la conclusion du marché ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société FIT n'avait pas été informée du rejet de son offre lorsqu'elle a saisi le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative ; que dès lors, les dispositions du second alinéa de l'article L. 551-14 du code de justice administrative ne faisaient pas obstacle à ce qu'elle forme le 4 juin 2009 un recours contractuel, sur le fondement de l'article L. 551-13 de ce code, après avoir été informée, par le mémoire en défense de FRANCE AGRIMER dans le cadre de l'instance en référé précontractuel, de ce que les contrats avaient été signés pour les lots litigieux le 26 avril 2010 ;
Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la société FIT n'a été informée de la signature des lots litigieux que par le mémoire produit en défense par FRANCE AGRIMER ; que, dès lors elle a valablement pu saisir le juge des référés sur le fondement de l'article L. 551-13 par un mémoire qui ne contenait que des conclusions fondées sur cet article, sans que les dispositions du chapitre 1er du titre V du Livre V du code de justice administrative, selon lesquelles les demandes formées devant le juge des référés sur le fondement de l'article L. 555-1 sont présentées et jugées selon des règles distinctes de celles applicables aux demandes présentées sur le fondement de l'article L. 551-13, y fassent obstacle ; que, par suite, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit ni méconnu son office en jugeant recevables ces conclusions ;
Sur les autres moyens du pourvoi :
Considérant que l'article 25 de l'ordonnance du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique exclut l'application des dispositions des articles L. 551-13 et suivants insérées dans le code de justice administrative aux contrats dont la procédure de passation a été engagée avant le 1er décembre 2009 ; que l'envoi d'un avis de pré-information à l'office des publications des Communautés européennes, qui se borne à faire connaître les intentions d'achat de la personne publique, ne peut être regardé comme l'engagement d'une procédure de passation au sens de ces dispositions ; que par suite, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'envoi par FRANCE AGRIMER, le 4 juillet 2009, d'un tel avis ne saurait donc avoir pour effet d'exclure l'application des dispositions des articles L. 551-13 et suivants ;
Considérant que le juge des référés n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en retenant que la société FIT avait été empêchée de présenter de façon suffisamment éclairée son offre de prix faute d'avoir été préalablement informée que les offres des candidats seraient jugées en fonction du rapport entre d'une part, les quantités multipliées par les prix proposés par les candidats et, d'autre part, les quantités de produits d'intervention multipliées par les prix d'intervention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de FRANCE AGRIMER tendant à l'annulation de l'ordonnance du 9 juin 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil doivent être rejetées ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par FRANCE AGRIMER au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la société FIT, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche, il y a lieu en application des mêmes dispositions de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de France AGRIMER au titre des frais exposés par la société FIP et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de FRANCE AGRIMER est rejeté.
Article 2 : FRANCE AGRIMER versera la somme de 3 000 euros à la société FIT au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à FRANCE AGRIMER et à la société FIT.