Vu, 1°, sous le n° 384903, la procédure suivante :
Le Groupement national des chaînes hôtelières (GNC) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté ses demandes du 6 juillet 2010 tendant à ce que soit diligentée une enquête de représentativité de trois organisations professionnelles d'employeurs de la branche hôtellerie-café-restauration. Par un jugement n° 1104493 du 21 novembre 2012, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 13PA00351 du 31 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande du GNC, annulé la décision du ministre en tant qu'elle refuse de diligenter une enquête de représentativité de la Fédération autonome générale de l'industrie hôtelière touristique (FAGIHT), enjoint au ministre de diligenter une telle enquête dans un délai de deux mois, réformé le jugement du tribunal administratif de Paris en ce qu'il avait de contraire à son arrêt et rejeté le surplus de l'appel du GNC.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 septembre 2014, 30 décembre 2014, 16 septembre 2015 et 2 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la FAGIHT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 31 juillet 2014 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il la concerne ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter les conclusions correspondantes de l'appel du GNC ;
3°) de mettre à la charge du GNC la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu, 2°, sous le n° 384904, la procédure suivante :
L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté ses demandes du 9 juillet 2010 tendant à ce que soit diligentée une enquête de représentativité de trois organisations professionnelles d'employeurs de la branche hôtellerie-café-restauration. Par un jugement n° 1104531 du 21 novembre 2012, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 13PA00350 du 31 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande de l'UMIH, annulé la décision du ministre en tant qu'elle refuse de diligenter une enquête de représentativité de la Fédération autonome générale de l'industrie hôtelière touristique (FAGIHT), enjoint au ministre de diligenter une telle enquête dans un délai de deux mois, réformé le jugement du tribunal administratif de Paris en ce qu'il avait de contraire à son arrêt et rejeté le surplus de l'appel de l'UMIH.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 septembre 2014, 30 décembre 2014, 16 septembre 2015 et 2 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la FAGIHT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 31 juillet 2014 de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il la concerne ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter les conclusions correspondantes de l'appel de l'UMIH ;
3°) de mettre à la charge de l'UMIH la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Thoumelou, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la Fédération autonome générale de l'industrie hôtelière touristique, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat du Groupement national des chaînes hôtelières, et de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie ;
1. Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par lettres des 6 et 9 juillet 2010, le Groupement national des chaînes hôtelières (GNC) et l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) ont demandé au ministre chargé du travail de diligenter une enquête sur la représentativité de plusieurs organisations professionnelles d'employeurs du secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration ; qu'ils ont contesté devant le tribunal administratif de Paris les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par le ministre sur leurs demandes ; que, par deux jugements du 21 novembre 2012, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes ; que, par deux arrêts du 31 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Paris a annulé les décisions implicites de rejet du ministre chargé du travail en tant qu'elles refusent de diligenter une enquête sur la représentativité de la Fédération autonome générale de l'industrie hôtelière touristique (FAGIHT) et a enjoint au ministre de diligenter cette enquête dans un délai de deux mois à compter de la notification des arrêts ; qu'elle a revanche rejeté les conclusions des requérants sur la représentativité du Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (SYNHORCAT) et de la Confédération des professionnels indépendants de l'hôtellerie (CPIH) ; que la FAGIHT se pourvoit en cassation contre ces arrêts en tant que, par leurs articles 1er, 2 et 3, ils statuent sur les demandes d'enquête portant sur sa représentativité ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2261-19 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions en litige : " Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, doivent avoir été négociés et conclus en commission paritaire. / Cette commission est composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré " ; que l'article L. 2261-20 du même code dispose que : " A la demande de l'une des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, ou de sa propre initiative, l'autorité administrative peut provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire. / Lorsque deux de ces organisations en font la demande, l'autorité administrative convoque la commission mixte paritaire " ; que l'article L. 2121-1 du même code définit les critères en fonction desquels est appréciée la représentativité des organisations syndicales, qu'il s'agisse des organisations de salariés ou, jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 5 mars 2014 relatives à la représentativité patronale, des organisations d'employeurs ; qu'enfin, selon l'article L. 2121-2 du même code : " S'il y a lieu de déterminer la représentativité d'un syndicat ou d'une organisation professionnelle autre que ceux affiliés à l'une des organisations représentatives au niveau national, l'autorité administrative diligente une enquête. / L'organisation intéressée fournit les éléments d'appréciation dont elle dispose " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'il appartient au ministre du travail d'apprécier, suivant la procédure définie à l'article L. 2121-2 du code du travail et dans le respect des critères définis par la loi, la représentativité d'une organisation syndicale d'employeurs ou de salariés, non seulement lorsqu'en application de l'article L. 2261-20 du code du travail, il détermine la composition d'une commission mixte dont il provoque la réunion ou lorsqu'il envisage de procéder à l'extension d'une convention signée, mais également dans l'hypothèse où est contestée, dans le cadre d'une négociation engagée sur le fondement de l'article L. 2261-19, la représentativité d'une organisation syndicale au regard du champ d'application de la convention collective susceptible d'être étendue ou de celui d'un avenant ou d'une annexe à une telle convention ;
4. Considérant que lorsqu'elle est saisie par une organisation d'une demande d'enquête portant sur la représentativité d'une autre organisation, en vue de contester la faculté pour celle-ci de participer à la négociation d'un accord ou d'une convention, c'est sous le seul contrôle, par le juge de l'excès de pouvoir, de l'erreur manifeste d'appréciation, que l'autorité administrative décide, notamment au vu des éléments qui lui sont présentés et de l'intérêt général qui s'attache au bon déroulement de la négociation collective, s'il y a lieu de donner suite à cette demande ;
5. Considérant qu'après avoir relevé la faiblesse des cotisations, des effectifs et du cadre d'intervention géographique de la FAGIHT, la cour administrative d'appel de Paris en a déduit que le ministre du travail n'avait pu légalement rejeter les demandes du GNC et de l'UMIH tendant à ce que soit diligentée une enquête de représentativité de cette organisation ; que le syndicat requérant est fondé à soutenir qu'en statuant ainsi en exerçant un contrôle de la décision de refus du ministre qui ne se bornait pas à celui de l'erreur manifeste d'appréciation, la cour a commis une erreur de droit ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, les articles 1er, 2 et 3 de ses arrêts doivent en conséquence être annulés ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GNC et de l'UMIH une somme de 1 500 euros à verser chacun à la FAGIHT, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la FAGIHT qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 des arrêts de la cour administrative d'appel de Paris du 31 juillet 2014 sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Le GNC et l'UMIH verseront à la FAGIHT une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du GNC et de l'UMIH présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Fédération autonome générale de l'industrie hôtelière touristique, au Groupement national des chaînes hôtelières et à l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie.
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.