Vu, enregistrée à son secrétariat le 28 octobre 2015, l'expédition de l'arrêt du 23 octobre 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, statuant sur la requête de M. d'Anjou tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 12 décembre 2013 du tribunal administratif de Rouen ayant rejeté sa demande d'annulation du titre exécutoire du directeur de la caisse de crédit municipal de Rouen mettant à sa charge la somme de 21 134,09 euros, et d'autre part, à l'annulation de ce titre exécutoire, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu, enregistré le 22 décembre 2015, le mémoire présenté pour la caisse de crédit municipal de Rouen tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente pour connaître de cette demande et à ce que soit mis à la charge de M. d'Anjou le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 par le motif que les appréciateurs doivent être regardés comme des agents publics et que leur responsabilité est similaire à celle des comptables publics ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée à M. d'Anjou et au ministre de l'économie et des comptes publics qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code monétaire et financier ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould , membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton pour la caisse de Crédit Municipal de Rouen,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
Considérant que la caisse de crédit municipal de Rouen a prêté, en 1992, la somme de 200 000 francs (30 489,80 euros) à MmeA..., après la remise en gage d'une collection de statues africaines, évaluée à 250 000 francs (38 112,25 euros) par M. d'Anjou, commissaire-priseur appréciateur ; qu'en 2010, en l'absence de remboursement de ce prêt, la caisse a fait procéder à la vente de cette collection aux enchères et obtenu la somme de 11 490 euros ; que le 24 février 2011, son directeur a mis à la charge de M. d'Anjou la somme de 21 134,09 euros, correspondant à la différence entre le montant obtenu lors de la vente et la somme due par l'emprunteur ; que M. d'Anjou a relevé appel du jugement du 12 décembre 2013 du tribunal administratif de Rouen qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire ; que par un arrêt du 23 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Douai a renvoyé au Tribunal, sur le fondement de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de trancher la question de compétence ;
Considérant que les caisses de crédit municipal, établissements publics communaux de crédit et d'aide sociale, ont reçu de la loi la mission de combattre l'usure par l'octroi de prêts sur gages corporels dont elles ont le monopole et d'assurer, sous le contrôle des communes, un service public à vocation principalement sociale et locale ; qu'elles constituent des établissements publics de caractère administratif ; que les biens, déposés en gage, sont préalablement évalués par des appréciateurs, qui sont des commissaires-priseurs judiciaires, nommés par le directeur de chaque caisse de crédit municipal ; qu'aux termes de l'article D. 514-3 du code monétaire et financier : " Les appréciateurs sont responsables vis-à-vis de la caisse des suites de leurs évaluations. En conséquence, lorsqu'à défaut de dégagement d'un objet ou de renouvellement du gage il est procédé à sa vente et que le produit de cette vente ne suffit pas à rembourser la caisse des sommes qu'elle a prêtées au vu de ces évaluations ainsi que de ce qui lui est dû, tant pour les intérêts afférents à la durée du prêt, augmentée d'un mois si cette durée est de six mois et de deux mois si elle est d'un an, que pour les droits accessoires dus pour la durée du prêt, les appréciateurs sont tenus de lui rembourser la différence. Toutefois, si cette différence est imputable en tout ou partie à des circonstances particulières et indépendantes de la capacité des appréciateurs, le conseil d'orientation et de surveillance pourra accorder la remise totale ou partielle du débet aux appréciateurs (...) " ;
Considérant qu'en évaluant les biens déposés en gage, pour le compte d'une caisse de crédit municipal, l'appréciateur participe à l'accomplissement de la mission de service public de prêts sur gages corporels ; qu'il s'ensuit que la responsabilité qu'il encourt à la suite cette évaluation doit être appréciée par la juridiction administrative ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. d'Anjou la somme que demande la caisse du crédit municipal de Rouen en application de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître du litige opposant M. d'Anjou à la caisse de crédit municipal de Rouen.
Article 2 : Les conclusions de la caisse de crédit municipal de Rouen tendant à l'application de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la caisse de crédit municipal de Rouen, à M. B...d'Anjou et au ministre de l'économie et des comptes publics.