Vu les procédures suivantes :
1° M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 novembre 2017 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle n°1 des Alpes-Maritimes du 27 juin 2017 refusant d'accorder à la société Intel Mobile Communications France SAS (IMC) l'autorisation de procéder au transfert de son contrat de travail à la société 843 Corporation dite Newco et, d'autre part, autorisé ce transfert. Par un jugement n° 1800310 du 16 juin 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20MA02783 du 7 mai 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.
Sous le n° 454355, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 juillet et 7 octobre 2021 et les 4 mars et 11 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du 16 juin 2020 et la décision du 24 novembre 2017 de la ministre du travail ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sous le n° 454356, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 juillet et 7 octobre 2021 et les 4 mars et 11 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du 16 juin 2020 et la décision du 24 novembre 2017 de la ministre du travail ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Sous le n° 454360, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 juillet et 7 octobre 2021 et les 4 mars et 11 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du 16 juin 2020 et la décision du 24 novembre 2017 de la ministre du travail ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Fraval, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de M. A..., à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Intel Corporation, au cabinet Munier-Apaire, avocat de M. F... C... et au cabinet Munier-Apaire, avocat de Mme D... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la société Intel Mobile Communications (IMC), appartenant au groupe Intel, a sollicité le transfert du contrat de travail de dix salariés protégés dans le cadre de la cession à la société 843 Corporation dite " Newco ", le 1er juillet 2017, de l'activité de recherche et développement des logiciels embarqués. Par trois décisions du 27 juin 2017, l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle n° 1 des Alpes-Maritimes a refusé l'autorisation de transférer les contrats de travail de M. A..., ingénieur développement, représentant syndical au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et délégué du personnel, de M. C..., ingénieur micrologiciel, membre du comité d'entreprise et délégué du personnel, et de Mme B..., assistante de gestion finances et membre du CHSCT. Par trois décisions du 24 novembre 2017, la ministre du travail a annulé les décisions de l'inspecteur du travail et autorisé le transfert des contrats de travail de ces salariés. Par trois jugements du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annulation des décisions de la ministre du travail autorisant le transfert de leur contrat de travail. M. A..., M. C... et Mme B... se pourvoient en cassation contre chacun des arrêts du 7 mai 2021 par lesquels la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté leurs appels respectifs contre les jugements du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Nice.
2. Les pourvois présentés par M. A... sous le n° 454355, M. C... sous le n° 454356 et Mme B... sous le n° 454360 présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
3. Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ". Aux termes de l'article L. 2414-1 du même code, dans sa version applicable au litige : " Le transfert d'un salarié compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement par application de l'article L. 1224-1 ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail lorsqu'il est investi de l'un des mandats suivants : (...) / 2° Délégué du personnel ; / 3° Membre élu du comité d'entreprise ; / 4° Représentant syndical au comité d'entreprise ; (...) / 7° Représentant du personnel ou ancien représentant au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2421-9 du code du travail : " Lorsque l'inspecteur du travail est saisi d'une demande d'autorisation de transfert, en application de l'article L. 2414-1, à l'occasion d'un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, il s'assure que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire ".
4. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation du transfert du contrat de travail d'un salarié protégé présentée en application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, en premier lieu, de vérifier que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail sont applicables au transfert partiel d'entreprise ou d'établissement en cause, ce qui suppose qu'il concerne une entité économique autonome. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre, conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie par le nouvel employeur, peu important à cet égard que cet ensemble soit issu de plusieurs parties d'entreprises distinctes d'un même groupe. Lorsque les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail sont applicables, l'autorité administrative doit, en second lieu, contrôler que le salarié protégé susceptible d'être transféré ne fait pas l'objet à cette occasion d'une mesure discriminatoire. A ce titre, elle doit s'assurer, d'une part, que le contrat de travail du salarié protégé est en cours au jour de la modification intervenue dans la situation juridique de l'employeur, d'autre part, que ce salarié exerce ses fonctions dans l'entité transférée.
5. En premier lieu, en jugeant qu'une entité économique autonome au sens des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail peut résulter de deux parties d'entreprises distinctes d'un même groupe, la cour administrative d'appel n'a, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, pas commis d'erreur de droit.
6. En deuxième lieu, après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que l'activité de recherche et développement des logiciels embarqués, développée par les sociétés IMC et Intel Corporation sur les sites de Toulouse et Sophia-Antipolis, constitue une activité autonome, distincte des autres activités exercées par le groupe Intel France, dotée d'équipes dédiées dont l'expertise est spécifique, et poursuivant un objectif propre, que les fonctions supports nécessaires à l'exercice de cette activité ont été transférées, ainsi que les moyens corporels et incorporels spécifiquement affectés à l'activité de recherche et développement des logiciels embarqués, tels les équipements et les licences informatiques, le matériel de laboratoire audio encore utilisé, les baux et les contrats de maintenance, de sous-traitance ainsi que les contrats conclus avec les fournisseurs, la cour a jugé que l'activité de recherche et développement des logiciels embarqués devait être regardée comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre. En statuant ainsi, la cour administrative d'appel de Marseille, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. En outre, dès lors qu'elle a ainsi caractérisé l'existence d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels poursuivant un objectif propre, susceptible de faire l'objet d'un transfert au sens des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit, en ne recherchant pas si l'intégralité des salariés affectés à cette entité avaient été transférés.
7. En troisième et dernier lieu, en estimant que l'activité de recherche et de développement des logiciels embarqués transférée à la société 843 Corporation dite " Newco " en vue de sa reprise ultérieure par la société Renault Software Labs avait conservé son identité et avait été effectivement poursuivie, quand bien même l'activité de certains salariés avait été temporairement interrompue et l'organisation des équipes quelque peu modifiée, la cour, qui n'a pas commis d'erreur de droit dans la dévolution de la charge de la preuve et qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas dénaturé les pièces des dossiers qui lui étaient soumis.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les pourvois de M. A..., de M. C... et de Mme B... ne peuvent qu'être rejetés, y compris en ce qu'ils comportent des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme que la société Intel Corporation demande au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois de M. C..., de M. A... et de Mme B... sont rejetés.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Intel Corporation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. E... A..., à M. F... C..., à Mme D... B..., à la société Intel Corporation et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.