Requête de Mme X... tendant à :
1° l'annulation du jugement du 13 mai 1982 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 124 000 F en réparation du préjudice résultant de la carence des services de la police de l'air et des frontières ;
2° la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 124 000 F avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts ;
Vu le code civil ; le code des tribunaux administratifs ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Sur la responsabilité. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 20 septembre 1977, le ministre de l'intérieur a diffusé auprès des services de la police de l'air et des frontières une opposition à la sortie de France des jeunes Hamel et Dalila, nés de l'union de Mme X... et de M. Y..., ce dernier de nationalité algérienne, époux divorcés par jugement du tribunal de grande instance de Lyon en date du 15 novembre 1974 ; que néanmoins, M. Y... a pu, sans en être empêché par les services de la police de l'air et des frontières, quitter le territoire français à destination de l'Algérie en compagnie de ces deux mineurs en s'embarquant le 12 novembre 1977 à l'aéroport de Lyon-Satolas ;
Cons. que si, en raison des difficultés particulières que présente l'activité de surveillance des frontières, la sortie du territoire français de personnes en situation irrégulière ne suffit pas, en elle-même, à établir l'existence d'une faute lourde, seule de nature à engager la responsabilité de l'Etat en raison des activités de surveillance des frontières, ces difficultés n'exonèrent pas les services de la police de l'air et des frontières de l'obligation qu'ils ont de prendre des mesures appropriées pour que les interdictions de sortie de territoire soient respectées ;
Cons. qu'au cas d'espèce, la sortie du territoire des jeunes Hamel et Dalila n'a été rendue possible qu'en raison de l'absence de vérification sérieuse, par les services de la police de l'air et des frontières de l'aéroport de Lyon-Satolas, des fichiers d'opposition à la sorite du territoire ; qu'en l'absence de circonstances particulières, de nature à justifier un allégement de la surveillance qui doit être normalement exercée, en particulier sur les mineurs ou d'une manoeuvre susceptible de tromper la vigilance des autorités de police, la négligence ainsi commise par ces autorités a été constitutive d'une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il s'en suit que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur le montant du préjudice : Cons. que la suppression des allocations familiales pour la période d'absence hors de France de ses enfants étant la conséquence du fait que Mme X... ne supportait plus la charge matérielle de l'éducation de ceux-ci, cette suppression n'est pas un élément du préjudice dont la requérante peut demander réparation ;
Cons. qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de diverses démarches entreprises en Algérie par Mme X..., un accord est intervenu avec M. Z..., aux termes duquel la jeune Dalila a été rendue à la garde de sa mère, à charge pour celle-ci de renvoyer l'enfant en Algérie pour les vacances scolaires, Mme X... devant, d'autre part, exercer en Algérie son droit de visite concernant son fils ; que les dépenses que la requérante devra supporter de ce fait ont un caractère aléatoire et ne sauraient non plus ouvrir droit à indemnisation, à l'exception toutefois des sommes que Mme X... justifie avoir effectivement déboursées par l'achat d'un billet d'avion destiné à sa fille ;
Cons. en revanche qu'à la suite du départ de ses enfants la requérante a dû se rendre à plusieurs reprises en Algérie et engager diverses dépenses dont elle est fondée à demander le remboursement ; que Mme X... a subi, du fait de la séparation d'avec ses deux enfants et des démarches qu'elle a dû entreprendre, des troubles dans ses conditions d'existence dont elle est également fondée à demander réparation ;
Cons. qu'il sera fait une équitable évaluation des divers chefs de préjudice ci-dessus décrits en allouant à Mme X... une indemnité de 30 000 F ;
Sur les intérêts : Cons. que Mme X... a droit aux intérêts afférents à cette somme à compter du 3 juillet 1979, date de réception de sa demande par l'administration ;
Sur les intérêts des intérêts : Cons. que la capitalisation des intérêts a été demandée le 10 septembre 1982 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ; ... annulation du jugement ; condamnation de l'Etat à payer à Mme X... la somme de 30 000 F avec intérêts à compter du 3 juillet 1979 et capitalisation des intérêts échus à cette date ; rejet du surplus des conclusions de la requête .