Conclusions de l'avocat général
M. MAURICE LAGRANGE
14 décembre 1961
Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
Mme Leda De Bruyn, actuellement épouse de M. Giorgio Cerioni, avait été engagée à titre temporaire par l'Assemblée parlementaire européenne en qualité de dactylographe, groupe 3 a, par un «contrat temporaire» du 11 février 1959 pour la période du 11 février au 10 mars 1959. Le régime applicable était celui résultant d'un document intitulé «conditions d'engagement des auxiliaires», régulièrement mis en vigueur par le bureau de l'Assemblée et auquel le contrat se référait expressément.
Le 11 mars 1959, c'est-à-dire le lendemain de la date d'expiration de ce contrat temporaire, l'intéressée apposait sa signature sur une «lettre d'engagement» du secrétaire général lui faisant savoir que l'Assemblée parlementaire européenne était disposée à utiliser ses services
«dans les conditions pécuniaires ci-dessous»
(suivent l'indication du montant de la rémunération et des indemnités qui s'y ajoutent); puis la mention suivante :
«les présentes dispositions… sont résiliables à tout moment de part et d'autre, sur préavis d'un mois. La présente lettre ne préjuge pas de l'établissement ultérieur d'un contrat».
C'est là, vous le savez, la base juridique de ce qu'il est convenu d'appeler le «régime de Bruxelles». Vous savez aussi que, malgré les dispositions impératives de l'article 246, paragraphe 3, du traité C.E.E. et de l'article 214, paragraphe 3, du traité Euratom, aucun «contrat de durée limitée» n'a été passé avec les agents nouvellement recrutés.
On ne peut pas ne pas être frappé, dès l'abord, par la différence entre la netteté de la situation juridique résultant du contrat d'auxiliaire et l'imprécision dont s'enveloppe (volontairement, paraît-il) le régime dit de Bruxelles. Il ne faut pas s'étonner, dans ces conditions, que l'application de ce «régime», dont le fondement est d'ailleurs bien un contrat (encore que la lettre d'engagement essaie de faire croire le contraire), soit une source abondante de difficultés contentieuses, ainsi que
votre jurisprudence est là pour en témoigner.
Le 3 juillet 1959, la dame De Bruyn se voyait notifier, sans motifs, le préavis d'un mois, son engagement devant cesser le 3 août au soir.
Le 14 juillet, elle adressait une réclamation au secrétaire général, à laquelle il ne fut jamais répondu. L'affaire, en effet, était devenue contentieuse dès le 25 juillet, date à laquelle l'intéressée avait saisi le tribunal arbitral du canton de Luxembourg. Celui-ci, par jugement du 22 janvier 1960, se déclara incompétent. Le 7 décembre 1960, Mme Cerioni adressa à notre Cour une demande d'assistance judiciaire, puis, celle-ci lui ayant été accordée, déposa sa requête le 23 mars 1961.
Nous croyons devoir tout d'abord examiner d'office, mais très rapidement, un certain nombre de questions de compétence et de recevabilité.
L'Assemblée est une institution commune aux trois Communautés et, comme telle, relevant de l'application simultanée des trois traités. Il n'y a pas lieu, cependant, en l'espèce, de se demander si, en attendant la mise en vigueur du statut du personnel prévu à l'article 212 du traité C.E.E. et à l'article 186 du traité Euratom, le statut du personnel de la C.E.C.A. demeure applicable au personnel des institutions communes, y compris celles de ses dispositions concernant le recrutement: en effet,
l'Assemblée parlementaire européenne a entendu se placer elle-même, pour le recrutement de ses agents pendant cette période intermédiaire, sous le régime dit «de Bruxelles», appliqué par les Commissions, c'est-à-dire sous un régime relevant uniquement des deux traités de Rome, bien que, nous l'avons vu, les dispositions de ces traités afférentes à la matière (articles 246, paragraphe 3 C.E.E., et 214, paragraphe 3 Euratom) n'aient pas été observées.
L'article 42 du traité C.E.C.A., qui exige, pour fonder la compétence de la Cour, une clause compromissoire dans le contrat, laquelle fait défaut en l'espèce, n'est donc pas applicable. La compétence de la Cour résulte de l'article 179 du traité C.E.E. et de l'article 152 du traité Euratom, qui ne réclament pas de clause compromissoire, ainsi que vous l'avez reconnu, pour des agents de la Commission de la C.E.E., par votre arrêt Lachmüller et autres.
Une autre question se pose alors. Le recours ne serait-il pas «mal dirigé»? Vous savez, en effet, que si, d'après l'article 6 du traité C.E.C.A.,
«la Communauté a la personnalité juridique»
et
«est représentée par ses institutions, chacune dans le cadre de ses attributions»,
le système des deux traités de Rome est différent: seule, sans doute,
«la Communauté a la personnalité juridique» (articles 210 C.E.E. et 184 Euratom)
mais (articles 211 C.E.E. et 185 Euratom),
«dans chacun des États membres, la Communauté possède la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par les législations nationales; elle peut notamment acquérir ou aliéner des biens immobiliers et mobiliers et ester en justice. A cet effet, elle est représentée par la Commission».
Nous pensons, toutefois, que cette compétence exclusive attribuée à la Commission pour représenter en justice la Communauté, personne morale, ne vise que les rapports avec les tiers et, en particulier, ce qu'on pourrait appeler la «vie civile» de la Communauté. Ceci ne saurait avoir pour conséquence de conférer à la Commission le monopole de la représentation en justice, notamment devant la Cour, pour les litiges mettant en jeu les diverses compétences attribuées aux institutions conformément à
l'article 4 du traité C.E.E. et à l'article 3 du traité Euratom. C'est ainsi qu'on ne concevrait pas que la Commission défende à un recours formé en vertu de l'article 173 C.E.E. ou de l'article 146 Euratom contre un acte du Conseil. En l'espèce, les articles 179 C.E.E. et 152 Euratom disposent que
«La Cour de justice est compétente pour statuer sur tout litige entre la Communauté et ses agents dans les limites et conditions déterminées au statut ou résultant du régime applicable à ces derniers.»
Or, les «conditions… résultant du régime applicable» aux agents d'une institution impliquent une compétence de l'institution, sans aucune intervention de la Commission, pour exercer à l'égard de ces agents les pouvoirs de l'«employeur» : nomination, licenciement, etc. Cette compétence propre et exclusive de l'institution implique à son tour une compétence parallèle et non moins exclusive pour ester en justice au sujet des litiges qui peuvent naître de son exercice. Il doit en être ainsi même s'il
s'agit d'un litige de caractère pécuniaire susceptible d'entraîner la condamnation de l'institution à payer des allocations ou indemnités à la charge de la Communauté, sur le budget de laquelle, vous le savez, la Commission a un rôle prééminent par rapport à celui des autres institutions, contrairement à ce qui en est dans la C.E.C.A.
Arrivons- en maintenant à l'examen du litige. Les conclusions de la requête tendent: 1o à l'annulation de la décision de licenciement du 3 juillet 1959; 2o à la condamnation de l'Assemblée à payer à la requérante a) un montant de 60.000 francs au titre de dommage moral; b) un montant égal à trois mois de traitement au titre de préavis ; c) l'indemnité d'installation.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation, elles ne doivent pas être prises au pied de la lettre, si l'on en juge par ce qui est dit dans le corps de la requête (page 3) :
«Attendu que le défaut d'indication des motifs constitue, dans le chef de l'Assemblée parlementaire, une faute contractuelle engageant sa responsabilité; qu'étant donné que la résiliation est devenue définitive, l'obligation de l'Assemblée doit se résoudre en dommages-intérêts.»
Cette interprétation des conclusions a d'ailleurs, vous vous le rappelez, été confirmée à la barre.
Il s'ensuit qu'aucune déchéance tirée de l'expiration de délais ne peut être opposée. Il s'agit, en effet, d'une action en indemnité qui ne pourrait être l'objet que d'un délai de prescription, lequel n'existe pas, un tel délai (de cinq ans) n'ayant été prévu qu'en matière de responsabilité non contractuelle (article 43 du protocole C.E.E. sur le statut de la Cour, article 44 du protocole Euratom).
Au fond, la première question est de savoir si le contrat liant la requérante à l'Assemblée comportait l'accomplissement d'un stage et, si oui, quelle en était la durée et les effets juridiques.
La lettre d'engagement n'en souffle mot, ce qui paraît bien normal pour un contrat à durée illimitée, résiliable de part et d'autre sur préavis d'un mois. Si, en effet, l'administration estime que l'agent ne satisfait pas aux exigences du service, il lui est loisible d'user, même dès le premier mois, de son droit de résiliation, et l'on ne voit pas, a priori, s'il existait un stage, quels nouveaux rapports juridiques pourraient s'instituer entre les parties postérieurement à l'accomplissement de ce
stage.
Cependant, l'existence d'un stage dans les rapports contractuels entre la requérante et l'Assemblée paraît bien établie. Tout d'abord, la défenderesse affirme, sans être formellement contredite sur ce point, que tel était l'usage et que la requérante n'a certainement pas manqué d'en être avertie. D'autre part, il n'est pas contesté que la requérante a reçu communication, en même temps que de sa lettre d'engagement, d'un document A.P.E. 926 relatif au remboursement des frais de déménagement et à
l'indemnité d'installation et d'où résulte que ces avantages sont accordés aux agents bénéficiant
«depuis au moins deux mois d'une lettre d'engagement type Bruxelles et dont le rapport sommaire de stage serait favorable».
Il n'est pas contesté non plus que la requérante a eu connaissance d'une nouvelle communication, no 59-13, datée du 12 mars 1959 (donc le lendemain de son engagement), et qui fait état, elle aussi, de la nécessité d'un «rapport de stage favorable» pour obtenir l'indemnité d'installation.
Quelle était la durée de ce stage? Deux mois, nous dit-on dans la réponse à la question no 2 posée par la Cour. Cependant, en l'espèce, l'Assemblée considère qu'il a été de trois mois, puisque la résiliation est intervenue le 3 juillet, alors que la lettre d'engagement était du 11 mars, le délai étant toutefois allongé de 22 jours pour tenir compte de deux congés de maladie obtenus dans l'intervalle: trois mois à compter du 11 mars, plus 22 jours, cela nous mène bien au 3 juillet. Sous réserve de la
prolongation, dont elle ne fait pas état, la requérante reconnaît dans sa demande d'assistance judiciaire que le stage était de trois mois. Nous relevons, en effet, dans cette pièce la phrase suivante :
«… ce contrat n'ayant pas été résilié avant le 11 juin 1959, fin de la période de stage».
Nous admettrons donc, en l'espèce, l'existence d'un stage et sa durée, trois mois.
Mais se pose alors la question: quels étaient les effets juridiques de ce stage dans les rapports entre les parties? Vous connaissez la thèse de l'Assemblée à cet égard: l'appréciation de la valeur du stage par l'administration est purement discrétionnaire et ne peut être motivée. Si l'autorité compétente, en l'espèce le secrétaire général, estime que l'intéressé n'a pas fait preuve dans son comportement, soit du point de vue des qualités professionnelles, soit même d'un point de vue «humain», des
aptitudes nécessaires, elle est en droit de mettre fin purement et simplement au contrat, sans avoir à motiver sa décision. Dans le cas contraire, elle s'abstient de prendre une décision de licenciement, ce qui implique qu'un licenciement ultérieur devra être dûment motivé, selon la jurisprudence de la Cour. Cette jurisprudence ne serait donc pas applicable au cas où le licenciement est prononcé à l'expiration du stage. La seule obligation de l'administration en ce qui concerne le stage, ou plus
exactement, dit la défenderesse, la «période d'essai», est de mettre l'intéressé à même de faire preuve de ses aptitudes (arrêt Mirossevich), mais cette condition étant remplie, le résultat du stage ne peut être apprécié que discrétionnairement; les motifs véritables conduisant à une décision défavorable ne sont pas nécessairement et uniquement de caractère technique: un grand nombre de considérations d'une autre nature peuvent légitimement intervenir et certaines d'entre elles peuvent être
impossibles à expliciter sous peine de porter préjudice à l'intéressé lui-même, à exposer l'administration à un procès en diffamation, etc. Toutes ces considérations ont été développées avec beaucoup de force par l'éminent défenseur de l'Assemblée parlementaire européenne.
Elles ne nous ont cependant pas convaincu.
Sans doute, nous admettons que, malgré l'absence de toute décision plus ou moins analogue à une titularisation, malgré l'absence de tout changement dans la nature juridique et les modalités d'exécution du contrat, à l'exception toutefois du droit à l'indemnité d'installation, l'existence du stage, concrétisée par un «rapport de stage», rend impossible ultérieurement une décision de licenciement qui ne reposerait pas sur des motifs légitimes, motifs sur lesquels le juge doit avoir un certain
contrôle. Mais cette exigence existe dès le début : pas plus après le premier mois qu'après plusieurs années le licenciement ne doit être arbitraire: votre jurisprudence n'a jamais fait une telle distinction.
Ce qui est vrai est que les premiers mois, correspondant au stage, ayant le caractère d'une période d'essai, sont destinés à permettre à l'intéressé de «donner sa mesure». Il est en quelque sorte en observation, et c'est à l'issue de cette période que doit avoir lieu l'appréciation globale qui autorise à dire si oui ou non il semble présenter les aptitudes requises. C'est à cette fin qu'un rapport de stage a été prévu. Mais comme, précisément, aucune décision de titularisation ou de refus de
titularisation n'intervient et que c'est par la voie soit d'un licenciement avec le préavis contractuel normal, soit d'une absence de licenciement que la décision doit se traduire, il est essentiel que des motifs soient donnés. Il faut qu'on sache si le licenciement est motivé par une appréciation défavorable des résultats du stage ou par une autre cause.
Or, en l'espèce, vous le savez, il existe au dossier un rapport de stage favorable: c'est la note du directeur des services généraux, M. Neujean, en date du 3 juillet 1959, qui s'appuie sur l'appréciation du chef adjoint du bureau de traduction, laquelle fait elle-même état d'une note du chef direct de l'intéressée, Mlle Liliana Moggio.
Deux remarques à ce sujet: tout d'abord, cette dernière note relate non seulement les qualités techniques de la requérante (« ses travaux dactylographiques révèlent attention, précision, une parfaite connaissance de l'orthographe italienne et une vitesse satisfaisante — discreta n'a pas de sens péjoratif en italien), mais relate aussi les fameuses qualités «humaines» auxquelles l'Assemblée paraît, à juste titre, attacher tant d'importance :
«bonne volonté, désir de se rendre utile, qualités très appréciables pour établir et maintenir les meilleurs rapports de collaboration».
Que peut-on exiger de plus d'une dactylographe?
La deuxième remarque, qui ne vous a certainement pas échappé — et qui a été, nous pouvons dire cette fois «discrètement» soulignée par l'avocat de la requérante —, a trait aux termes quelque peu insolites employés par la note du directeur des services généraux, et d'où on ne peut pas ne pas garder l'impression que l'initiative de la résiliation du contrat de Mme De Bruyn avait été prise à un échelon supérieur où l'on aurait, semble-t-il, souhaité provoquer un rapport de stage défavorable. Cette
impression pèse inévitablement sur l'affaire et il faut reconnaître que rien n'a été fait pendant le cours du procès, du côté de l'Assemblée, pour la dissiper.
Il est vrai que la défenderesse ne paraît pas considérer la note du directeur des services généraux comme le «rapport de stage» prévu dans la communication 59-13. Il s'agirait d'une note «technique», et le véritable rapport ne pourrait être établi que par le secrétaire général; or, comme il ne peut évidemment s'adresser de rapport à lui-même, il en résulterait que la décision de licenciement, quoique non motivée, devrait être regardée comme se substituant implicitement à l'avis favorable résultant
de l'avis «technique», dûment motivé quant à lui, émis par le chef de service responsable.
Nous ne pouvons suivre la défenderesse sur ce terrain. Un rapport de stage est normalement établi par le chef de service dont relève l'intéressé, en l'espèce le directeur des services généraux, dont dépendait le service des traductions. L'Assemblée le reconnaît d'ailleurs elle-même dans sa réponse à la question no 2 posée par la Cour, où nous lisons ceci :
«Le stage relevait, en l'occurrence, d'une pratique qui consistait pour chaque directeur à fournir normalement au secrétaire général, au bout de deux mois de fonctions effectives de l'intéressé, un rapport de stage sur la base duquel le secrétaire général décidait du maintien en service de l'agent ou de son renvoi.»
En l'espèce, le rapport du directeur des services généraux était favorable. Sans doute, le secrétaire général n'était-il pas tenu de l'approuver, mais il lui aurait alors fallu dire pourquoi il ne l'approuvait pas. A tout le moins, devait-il dire: ou bien qu'il avait au sujet des qualités professionnelles et «humaines» de l'intéressée, par rapport aux nécessités du service, une appréciation différente de celle des chefs directs de la requérante et que celle-ci n'avait pas accompli un stage
satisfaisant, ou bien qu'il fondait sa décision sur d'autres motifs. Dans ce dernier cas, la précarité du stage n'était plus un argument valable, puisque, par hypothèse, le motif aurait été étranger à la manière dont l'intéressée s'était acquittée de ses obligations professionnelles pendant la durée de son stage. Les difficultés ou les désagréments d'une motivation appropriée ne peuvent être mis en balance avec la protection des droits élémentaires de l'agent. Il ne faut d'ailleurs pas exagérer les
difficultés de la motivation: les quatre langues officielles de la Communauté, et la langue italienne en particulier, comportent assez de nuances pour permettre une énonciation correcte de n'importe quel motif justifié.
En définitive, nous estimons donc que votre jurisprudence Lachmüller et autres est ici encore d'application. La motivation que cette jurisprudence exige n'a rien de formel; comme le disent vos arrêts, elle est seulement destinée à permettre au juge d'exercer son contrôle. L'absence de motivation n'est donc pas un vice de forme, et il pourrait y être suppléé par des motifs suffisamment pertinents donnés devant la Cour, celle-ci ayant en la matière les pouvoirs d'un juge de pleine juridiction. Mais,
en l'espèce, nous attendons encore l'énoncé des motifs du licenciement de la requérante.
L'appréciation du dommage est évidemment difficile. Dans l'arrêt Lachmüller et autres, vous vous êtes fondés uniquement sur le «dommage moral» éprouvé par les requérants
«du chef des soucis que leur causait la situation aléatoire créée par la faute de la Commission»;
vous aviez reconnu, en effet, que les requérants avaient
«soit réintégré leurs fonctions pristines, soit trouvé un nouvel emploi»
(dont l'arrêt ne dit d'ailleurs pas s'il était moins rémunérateur), et, pour ce dommage moral, vous avez accordé 60.000 frb. à chacun des intéressés. Dans l'affaire Fiddelaar, il n'est pas fait état d'une réintégration ni d'un nouvel emploi, mais, là encore, de la «situation aléatoire créée par la faute de la Commission», motif auquel s'ajoute «l'âge et la situation de famille», mais tout cela est considéré comme un «dommage moral», lequel est évalué à 100.000 frb.
En l'espèce, nous savons que la requérante a retrouvé un emploi dans son pays d'origine, mais nous ignorons tout de sa nature et des conditions qu'il comporte. Nous pensons qu'une réparation équitable pourrait consister dans l'allocation d'une indemnité de 30.000 francs égale grosso modo à trois mois de traitement.
Faut-il ajouter une indemnité de congédiement? Nous ne le pensons pas. En effet, si vos arrêts Lachmüller et autres et Fiddelaar ont évalué le délai normal de préavis à trois mois, délai qui avait été observé en fait, nous sommes ici en présence d'un délai préfixe mentionné expressément au contrat: un mois. C'est une des rares stipulations expresses de ce contrat, lequel fait tout de même la loi des parties, et il convient de s'y tenir.
Dernier point, l'indemnité d'installation.
Aux termes de la communication no 59-13 du 12 mars 1959, à laquelle nous avons déjà fait allusion,
«l'indemnité d'installation n'est due que lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1) rapport de stage favorable,
2) examen médical favorable,
3) justification d'installation».
La première condition est remplie: un rapport de stage favorable, nous l'avons vu, a été établi par le directeur des services généraux et communiqué à l'intéressée. Il n'est pas contesté qu'un examen médical favorable a eu lieu. Quant à la «justification d'installation», elle résulte suffisamment, d'après les déclarations formelles faites à l'audience par le défenseur de l'Assemblée, de l'existence d'un contrat de location d'un an intervenu le 8 mai 1959. Le fait que cette date se place avant la fin
de la période de stage prouve simplement que la requérante a pris un certain risque, encouragée d'ailleurs en cela par l'administration qui conseillait aux agents de s'installer le plus tôt possible: peu importe, en l'espèce, puisque le rapport de stage a été favorable.
Les trois conditions ayant été remplies, la requérante pouvait prétendre à l'indemnité d'installation.
Nous concluons :
— à ce que le montant réglementaire de l'indemnité d'installation soit versé à la dame De Bruyn;
— à ce que l'Assemblée parlementaire européenne soit condamnée à payer à la dame De Bruyn une somme de 30.000 francs luxembourgeois;
— au rejet du surplus des conclusions de la requête,
— et à ce que les dépens soient supportés par l'Assemblée parlementaire européenne.