N° P.20.1093.N
K. Z.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Me Serge Defrenne, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 1er octobre 2020 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 22 janvier 2021, l'avocat général Bart De Smet a déposé des conclusions écrites au greffe de la Cour.
À l’audience publique du 9 février 2021, le conseiller Antoine Lievens a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le second moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, é du Code pénal social, 23 et 23bis de l’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints aidants : en considérant que le demandeur, qui a allégué devant les juges d'appel devoir décrire en détail les activités exercées dans la déclaration, était dans tous les cas tenu d’annoncer la reprise générale de ses activités professionnelles et qu’il ne pouvait nullement prétendre à des allocations partielles d’invalidité puisqu’il s’agit de faits illégaux de trafic de drogues, l’arrêt assortit, selon le demandeur, les articles 23 et 23bis de l’arrêté royal du 20 juillet 1971 de conditions supplémentaires et méconnait ainsi la notion d’incapacité partielle de travail.
2. Le moyen ne précise pas en quoi l’arrêt viole l’article 149 de la Constitution.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable, à défaut de précision.
3. En vertu de l’article 66, alinéa 1er, 2° de l’arrêté royal du 20 juillet 1971, tel qu’applicable en l’espèce, le titulaire doit signaler dans les deux jours à son organisme assureur la reprise d'une activité professionnelle.
4. Cette obligation vaut aussi bien pour la reprise partielle que pour la reprise complète d’une activité professionnelle. À cet égard, le titulaire n’est pas tenu de préciser quelle activité professionnelle il a reprise.
5. La circonstance que cette information puisse être nécessaire si, en application des articles 23 et 23bis de l’arrêté royal du 20 juillet 1971, le titulaire souhaite demander l’autorisation de reprendre une certaine activité professionnelle pendant une période d’invalidité tout en conservant l’allocation et que cela puisse avoir pour conséquence qu’il fasse des déclarations incriminantes, ne l’exempte pas de l'obligation imposée par l’article 66, alinéa 1er, 2° de l’arrêté royal du 20 juillet 1971, qui ne le contraint pas à faire de déclarations incriminantes.
6. Dans la mesure où il procède d’autres prémisses juridiques, le moyen manque en droit.
7. L’arrêt qui considère que le demandeur ne doit pas faire de déclarations auto-incriminantes ni communiquer des éléments qui peuvent mettre à jour ses activités liées à la drogue pour satisfaire à l’obligation imposée à l’article 66, alinéa 1er, 2°, de l’arrêté royal du 20 juillet 1971, n’ajoute pas de condition supplémentaire aux articles 23 et 23bis de l’arrêté royal du 20 juillet 1971 et ne méconnait pas davantage la notion d’incapacité partielle de travail, mais justifie légalement sa décision. Ce motif fonde la décision critiquée.
Dans la mesure où il est dirigé contre un motif surabondant et où il ne peut donc pas entrainer la cassation, le moyen est irrecevable.
Sur le premier moyen :
8. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, § 1er, et 14, § 3, g, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que de la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs au droit à un procès équitable et au respect des droits de la défense.
Quant à la première branche :
9. Le moyen, en cette branche, fait valoir que l’arrêt considère, à tort, que l’article 6 de la Convention n’est pas applicable en l’espèce ; selon le demandeur, une menace de poursuite pénale est suffisante pour bénéficier de la protection juridique pénale garantie par l’article 6 de la Convention ; le demandeur ne peut pas être puni parce qu’il a omis de mentionner à l’organisme assureur qu’il se rendait coupable de faits liés à la drogue ; en condamnant le demandeur, l’arrêt oblige le demandeur à collaborer à sa propre incrimination ; en effet, il pouvait raisonnablement présumer qu’il serait poursuivi pour des faits liés à la drogue sur la base des informations qu’il aurait dû communiquer, selon l’arrêt ; le demandeur a également été effectivement poursuivi et condamné de ce chef.
10. L’arrêt ne considère pas que le demandeur a omis d’indiquer à l'organisme assureur qu’il s’est rendu coupable de faits liés à la drogue, mais bien qu’il n’était pas dans l’obligation de le faire et qu’il devait uniquement informer son organisme assureur de la reprise d’une activité professionnelle.
Dans la mesure où il se fonde sur une lecture erronée de l’arrêt, le moyen manque en fait.
11. Pour le surplus, les griefs sont déduits de cette lecture erronée et sont, par conséquent, irrecevables.
Quant à la seconde branche :
12. Le moyen, en cette branche, fait valoir que l’arrêt considère, à tort, qu’il ne serait pas question d’une déclaration auto-incriminante du fait que le demandeur n’était pas tenu de mentionner que les activités professionnelles reprises étaient liées au trafic de drogues ; cela signifie, selon lui, que le principe de non-incrimination est complètement vidé de sa substance et est contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme selon laquelle les droits prévus dans la Convention doivent être garantis de manière concrète et effective ; en effet, la communication que le demandeur a de nouveau généré des revenus signifierait qu’il était tenu de déclarer à un organisme public les revenus tirés du trafic de drogues, ce qui constitue une déclaration auto-incriminante ; le demandeur pouvait raisonnablement s’attendre à ce que la communication à l’organisme assureur qu’il se rendait coupable d’importation et de trafic de stupéfiants entrainerait une inculpation, mettant en péril sa position dans l’instruction pénale ; il s’agit d'informations pouvant être utilisées ultérieurement dans la procédure pénale, alors que les fonctionnaires de l’Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants et de l’Institut national d'assurance maladie invalidité sont soumis à l’obligation de dénonciation prévue à l’article 29 du Code d’instruction criminelle.
13. Dans la mesure où le moyen a la même portée que le second moyen, il y a lieu de le rejeter par les motifs énoncés en réponse à ce moyen.
14. Il ne résulte pas de la circonstance que la communication par le demandeur de la reprise d’une activité professionnelle à son organisme assureur l’obligerait à indiquer les revenus générés par son activité criminelle dans sa déclaration d'impôt, qu’il s’incrimine lui-même en faisant la déclaration imposée par l’article 66 de l’arrêté royal du 20 juillet 1971 ni qu’il peut être déduit de cet élément de fait qu’il s’agit d’une activité criminelle.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
15. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Antoine Lievens, Erwin Francis, Sidney Berneman et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf février deux mille vingt et un par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Bart De Smet, avec l’assistance du greffier Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.