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16/02/2021 | BELGIQUE | N°P.20.1040.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 février 2021, P.20.1040.N


N° P.20.1040.N
1. R. V.R.,
2. TRANSPORT V. R., société anonyme,
prévenus,
demandeurs en cassation,
Me Philip Kempeneers, avocat au barreau du Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre des arrêts rendus le 22 novembre 2016 (ci-après : arrêt I) et le 22 septembre 2020 (ci-après : arrêt II) par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L’av

ocat général Dirk Schoeters a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pour...

N° P.20.1040.N
1. R. V.R.,
2. TRANSPORT V. R., société anonyme,
prévenus,
demandeurs en cassation,
Me Philip Kempeneers, avocat au barreau du Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre des arrêts rendus le 22 novembre 2016 (ci-après : arrêt I) et le 22 septembre 2020 (ci-après : arrêt II) par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L’avocat général Dirk Schoeters a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la recevabilité du pourvoi formé par la demanderesse 2 :
1. L’arrêt II considère que la demanderesse 2 ne peut être déclarée civilement responsable du chef de l’amende infligée au demandeur I.
Dans la mesure où il est également dirigé contre cette décision, le pourvoi de la demanderesse 2 est irrecevable, à défaut d’intérêt.
Sur le premier moyen :
2. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, et 6, § 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 2, § 1er, du protocole additionnel n° 7 à cette Convention : les arrêts I et II considèrent, à tort, que le droit à un procès équitable des demandeurs n’a pas été violé ; l’auditorat général a, en appel, eu l’occasion de procéder à une nouvelle enquête ; une enquête complémentaire a été menée et des pièces complémentaires ont été déposées ; les demandeurs ont, en appel, été confrontés à un tout nouveau dossier comportant 631 pages complémentaires ; ainsi, les demandeurs ont été privés de leur droit à un procès équitable et à un examen par une juridiction supérieure ; l’arrêt considère, à tort, que le droit à un procès équitable et les droits de la défense n’ont pas été violés ; en effet, toutes les parties n’ont pas eu connaissance des pièces complémentaires en temps utile et n’ont, s’agissant desdites pièces, pu opposer leur défense ni en première instance, ni devant la cour d’appel.
3. L’arrêt I ne statue pas ainsi que l’énonce le moyen.
Dans la mesure où il s'appuie sur une lecture erronée de l'arrêt I, le moyen manque en fait.
4. Dans la mesure où il allègue que toutes les parties n’ont pas eu connaissance des pièces complémentaires en temps utile, le moyen impose à la Cour un examen des faits pour lequel elle est sans pouvoir et est irrecevable.
5. L’article 2, § 1er, du protocole additionnel n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L'exercice de ce droit, y compris les motifs pour lesquels il peut être exercé, sont régis par la loi.
6. Cette disposition conventionnelle n’interdit pas que, pendant la procédure en appel, une enquête complémentaire soit menée et que le ministère public, tout comme chacune des autres parties, produise, en appel, des pièces complémentaires relatives à la responsabilité pénale d’un prévenu.
7. Aucune violation de l’article 6, § 1er, ou 6, § 3, de la Convention ou des droits de la défense ne peut être déduite de la circonstance que, pendant l’examen en appel d’un dossier répressif, une enquête complémentaire soit menée et de nouvelles pièces soient produites.
8. Dans la mesure où il procède d’autres prémisses juridiques, le moyen manque en droit.
(...)
Sur le cinquième moyen :
24. Le moyen est pris de la violation des articles 3 de la directive 2002/15/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 relative à l'aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier (ci-après : la directive 20002/15/CE), 19, alinéa 2, de la loi du 16 mars 1971 sur le travail et 3 de la convention collective du travail du 27 janvier 2005 fixant les conditions de travail et les salaires du personnel roulant occupé dans les entreprises du transport de choses par voie terrestre pour compte de tiers et de la manutention des choses pour compte de tiers, conclue au sein de la Commission paritaire du transport et rendue obligatoire par arrêté royal du 24 septembre 2006 : les juges d’appel ont considéré, à tort, que le deuxième chauffeur présent dans la cabine n’est pas libre de disposer de son temps comme il l’entend et considèrent, à tort, sa présence comme du temps de disponibilité indemnisable ; si le temps dont le travailleur peut disposer librement et le temps que le travailleur s’octroie ne sont pas considérés comme du temps de travail, les demandeurs ont, après concertation avec les inspecteurs sociaux J.M. et M.C., convenu avec eux de considérer, à partir de janvier 2009, un tiers du temps passé dans la cabine par un deuxième chauffeur comme du temps de disponibilité ; dès lors qu’aucun duo de chauffeurs dans le chef duquel une infraction a été constatée n’a été entendu, les juges d’appel étaient dans l’impossibilité de décider que la présence du deuxième chauffeur devait être considérée comme du temps de de travail indemnisable.
25. L’arrêt I ne statue pas ainsi que l’énonce le moyen.
Dans la mesure où il s'appuie sur une lecture erronée de l'arrêt I, le moyen manque en fait.
26. En vertu de l’article 3, b), de la directive 2002/15/CE, on entend entre autres par « temps de disponibilité », pour les travailleurs mobiles conduisant en équipe, le temps passé pendant la marche du véhicule à côté du conducteur ou sur une couchette.
En vertu de l’article 19, alinéa 3, 1°, de la loi du 16 mars 1971, le Roi peut, à la demande de la Commission paritaire compétente, déterminer le temps pendant lequel le personnel est à la disposition de l'employeur, en ce qui concerne les entreprises de transport.
En vertu de l’article 3.2.1 de la CCT du 27 janvier 2005, on entend par « temps de disponibilité » entre autres le temps passé pendant la marche du véhicule à côté du conducteur ou sur une couchette.
En vertu de l’article 3.2.2 de ladite CCT, ne sont jamais considérés comme temps de disponibilité :
- le temps consacré aux repas ;
- le temps constituant une interruption ou du temps de repos au sens du règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil du 20 décembre 1985 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route, désormais règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CE) n° 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil ;
- le temps dont le travailleur peut disposer librement ;
- le temps que le travailleur s’octroie.
27. Il résulte de ces dispositions que le temps qu'un second conducteur passe à côté du conducteur ou sur une couchette pendant la marche du véhicule, le rendant disponible pour reprendre la conduite d'un véhicule à tout moment, pour autant que cela lui soit permis conformément aux temps de conduite et de repos obligatoires, et le temps qu’il doit, pendant ces temps de repos obligatoires, passer à côté d'un autre chauffeur ne constituent pas du temps dont le conducteur dispose librement ni de temps qu'il s’octroie.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
28. L’arrêt II considère :
- que le premier juge considère, à juste titre, que deux travailleurs, disposant des mêmes compétences et effectuant de concert un transport pour le même employeur, doivent être considérés comme une double équipe, et ce, sur la base des pièces jointes au dossier répressif par le ministère public ;
- que le travail en double équipe constitue, d’après les demandeurs, une stratégie délibérée présentant l’avantage qu’un travailleur-chauffeur peut, à tout moment, reprendre la conduite à un autre travailleur-chauffeur, permettant ainsi d’éviter les interruptions dans le temps de conduite et de considérablement diminuer le temps de transport, des points essentiels pour le transport de produits périssables ;
- qu’en vue d’organiser cette conduite de manière structurelle, les demandeurs ont choisi d’engager des partenaires-cohabitants, tous deux qualifiés pour assurer le transport routier international de biens ;
- que le temps de disponibilité du second chauffeur ne constitue jamais du temps de repos puisqu’il est présent dans la cabine pendant le transport et qu’ainsi, il ne peut pas disposer de son temps comme il l’entend.
Par ces motifs, les juges d’appel ont considéré, à juste titre, que le temps passé par le second chauffeur dans la cabine d'un véhicule, à côté du chauffeur qui conduit, constitue du temps de disponibilité.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
29. Le fait que certains inspecteurs sociaux aient accepté par le passé, en violation de la prémisse juridique précitée, qu'un tiers de ce temps soit considéré comme du temps de disponibilité, n’octroie pas le droit à un transporteur de continuer de se prévaloir en permanence de cette pratique.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
30. Dans la mesure où, pour le surplus, il requiert une vérification des faits pour laquelle la Cour est sans pouvoir et critique cette appréciation des faits par l’arrêt II, le moyen est irrecevable.
Le contrôle d'office
31. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Ilse Couwenberg et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du seize février deux mille vingt et un par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Dirk Schoeters, avec l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen et transcrite avec l’assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.1040.N
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Droit pénal - Droit international public - Droit du travail - Droit commercial

Analyses

L'article 2, § 1er, du Protocole additionnel n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'interdit pas que, pendant la procédure en appel, une enquête complémentaire soit menée et que le ministère public, tout comme chacune des autres parties, produise, en appel, des pièces complémentaires relatives à la responsabilité pénale d'un prévenu; aucune violation de l'article 6, § 1er, ou 6, § 3, de la Convention ou des droits de la défense ne peut être déduite de la circonstance que, pendant l'examen en appel d'un dossier répressif, une enquête complémentaire soit menée et de nouvelles pièces soient produites.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Procédure en degré d'appel - Droit à un double degré de juridiction - Enquête complementaire - Incidence - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Divers - Protocole additionnel n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Article 2, § 1er - Condition de double instance - Enquête complémentaire au cours de la procédure en appel - Incidence - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Enquête complémentaire au cours de la procédure en appel - Conséquence - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 3

Il résulte des dispositions des articles 3, b), de la directive 2002/15/CE et 3.2.1. en 3.2.2. de la CCT du 27 janvier 2005 que le temps qu'un second conducteur passe à côté du conducteur ou sur une couchette pendant la marche du véhicule, le rendant disponible pour reprendre la conduite d'un véhicule à tout moment, pour autant que cela lui soit permis conformément aux temps de conduite et de repos obligatoires, et le temps où il doit, pendant ces temps de repos obligatoires, rester présent à côté d'un autre chauffeur ne constituent pas du temps dont le conducteur dispose librement ni de temps qu'il s'octroie.

TRAVAIL - DUREE DU TRAVAIL ET REPOS - Activités mobiles de transport routier - Temps de disponibilité - Second conducteur - Portée - TRANSPORT - TRANSPORT DE BIENS - Transport par terre. Transport par route - Activités mobiles de transport routier - Temps de travail - Temps de disponibilité - Second conducteur - Portée [notice6]


Références :

[notice6]

Directive 2002/15/CEE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 relative à l'aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier - 11-03-2002 - Art. 3 - 46


Composition du Tribunal
Président : JOCQUE GEERT
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL, BIRANT AYSE
Ministère public : SCHOETERS DIRK
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, COUWENBERG ILSE, VAN DOOREN ERIC, VAN OVERBEKE STEVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-02-16;p.20.1040.n ?

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