Cour suprême du Canada
Boyer c. La Reine, [1968] R.C.S. 962
Date: 1968-10-21
Gérard Boyer Requérant;
et
Sa Majesté La Reine Intimée.
1968: Octobre 1, 21.
Coram: Les Juges Fauteux, Ritchie et Pigeon.
RequÉte Pour RÉ-Audition
Cour suprême du Canada
Boyer c. La Reine, [1968] R.C.S. 962
Date: 1968-10-21
Gérard Boyer Requérant;
et
Sa Majesté La Reine Intimée.
1968: Octobre 1, 21.
Coram: Les Juges Fauteux, Ritchie et Pigeon.
RequÉte Pour RÉ-Audition
Appels - Droit criminel - Demande de ré-audition d’une requête pour extension de délai et permission d’appeler - Questions de droit - Code criminel, 1 (Can.), c. 51, art. 141, 149, 288, 597(1)(b).
Pour le motif qu’on n’avait pas démontré l’existence de raisons spéciales, cette Cour refusa une demande d’extension de délai de plus de deux ans qui lui avait été présentée en même temps qu’une demande pour obtenir la permission d’appeler d’un jugement de la Cour d’appel confirmant une déclaration que le requérant était coupable de vol qualifié et d’avoir commis sur une jeune fille un attentat à la pudeur et un acte de grossière indécence. Le requérant a présenté une demande de ré-audition de sa requête pour extension de délai. Il est apparu que le défaut de faire, en temps utile, le nécessaire pour présenter la requête pour permission d’appeler n’était pas imputable au procureur qui avait présenté cette requête mais était dû à la négligence des procureurs qui à ce temp étaient chargés des intérêts
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du requérant. La Cour décida alors de suspendre son jugement sur la demande de ré‑audition et d’entendre les procureurs sur la requête pour permission d’appeler.
Arrêt: La requête pour ré-audition doit être rejetée.
Prenant pour acquis que la demande de ré-audition pouvait être accordée en l’espèce, la requête pour extension de délai et permission d’appeler ne peut pas être accueillie. Les questions soulevées par le requérant, sur la demande de permission d’appeler, ne sont pas, tel que l’exige l’art. 597(1)(b) du Code criminel, strictement des questions de droit.
Appeals - Criminal law - Motion for rehearing of an application for extension of time and leave to appeal - Questions of law - Criminal Code, 1 (Can.), c. 51, ss. 141, 149, 288, 597(1)(b).
On the ground that special reasons had not been shown, this Court refused an application for an extension of time of more than two years which was presented at the same time as an application for leave to appeal from a judgment of the Court of Appeal affirming the conviction of the petitioner for robbery and for indecent assault on a young girl as well as an act of gross indecency. The petitioner applied for a rehearing of his application for an extension of time. It appeared that the delay in presenting the application for leave to appeal was not attributable to counsel who had made that application but was due to the negligence of the attorneys who, at that time, were representing the petitioner. The Court then decided to suspend its decision on the application for a rehearing and to hear counsel on the application for leave to appeal.
Held: The application for a rehearing should be dismissed.
Assuming that the application for a rehearing could be granted in this case, the application for an extension of time and for leave to appeal could not be granted. The questions raised by the petitioner, on his application for leave to appeal, were not, as required by s. 597(1)(b) of the Criminal Code, questions of law in the strict sense.
APPLICATION for a rehearing of a motion for extension of time and leave to appeal from a judgment of the Court of Queen’s Bench, Appeal Side, province of Quebec1, which had been refused by this Court. Application dismissed.
REQUÊTE pour ré-audition d’une demande pour obtenir une extension de délai et une permission d’appeler d’un jugement de la Cour du banc de la reine, province de Québec[1], qui avait été refusée par cette Cour. Requêter rejetée.
B. Beaudry, pour le requérant.
Yves Lagacé, pour l’intimée.
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Le jugement de la Cour fut rendu par
LE JUGE FAUTEUX: — Il s’agit d’une demande de ré-audition d’une requête pour extension de délai et permission d’appeler dans une affaire criminelle.
Identifié comme l’un des deux individus masqués, — dont l’un était muni d’un revolver, — qui dans la nuit du 29 au 30 octobre 1963 se sont introduits au domicile de Wilfrid Cadotte à Granby, district de Bedford, y ont perpétré un vol et commis sur une jeune fille de 16 ans un attentat à, la pudeur et un acte de grossière indécence, Gérard Boyer fut arrêté, accusé et déclaré coupable des infractions décrites aux arts. 288, 141 et 149 du Code criminel.
Boyer appela de cette déclaration de culpabilité. Cet appel fut rejeté le 10 mars 1966 par la Cour d’appel1 alors composée de MM. les juges Pratte, Hyde, Rinfret, Owen et Brossard qui furent unanimes à juger que le juge au procès avait devant lui une preuve suffisante pour identifier Boyer comme l’un des deux individus ayant participé à la commission des infractions ci-dessus.
Par la suite et à divers intervalles de temps entre le 5 avril 1966 et le 23 mai 1968, on produisit, au bureau du Régistraire de cette Cour, certaines des pièces de procédure dont la production est requise dans le cas d’une demande de permission d’appeler faite en vertu de l’art. 597(1)(b) du Code criminel. C’est ainsi que le 6 avril 1966 on déposa cinq copies d’une requête pour obtenir une extension de délai et permission d’appeler. Rapportable le 26 avril 1966, cette requête ne fut pas présentée à cette date. Ce n’est que le 29 avril 1968 que furent produits le jugement de la Cour d’appel et les raisons données au soutien et ce n’est que le 17 mai 1968 qu’on donna avis aux personnes concernées que la requête, dont copies furent produites en avril 1966, serait présentée à la Cour le 27 mai 1968. C’est à cette date que la Cour fut saisie de la requête pour obtenir une extension de délai et une permission d’appeler du jugement prononcé par la Cour d’appel le 10 mars 1966.
Après avoir entendu Me Beaudry, alors procureur de Boyer, sur la demande d’extension de délai et s’être retirée pour délibérer, la Cour déclara qu’on n’avait pas démontré l’existence de raisons spéciales justifiant d’accorder, en
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l’espèce, un délai supplémentaire de plus de deux ans à celui de vingt et un jours prévu à l’art. 597(1)(b) et qu’en conséquence, la requête était rejetée.
En septembre dernier, la Cour, ayant considéré une lettre reçue de Boyer comme une demande de ré-audition de la requête ci-dessus, donna instructions au Régistraire d’informer l’inculpé, ainsi que le Ministre de la Justice de la province de Québec, le procureur de la Couronne, ceux de l’inculpé et leurs agents, que cette demande serait entendue le premier jour de la session d’octobre, soit le 1er de ce mois. Advenant cette date, les intéressés ou leurs agents se présentèrent à la Cour. Me Lagacé, procureur de la Couronne, objecta à cette demande de ré-audition et au cours de la réponse faite à cette objection par Me Beaudry, il est apparu que le défaut de faire, en temps utile, le nécessaire pour présenter la requête pour permission d’appeler était imputable à la négligence, non pas de Me Beaudry qui n’agissait pas alors pour Boyer, mais des procureurs qui à ce temps étaient chargés de ses intérêts. La Cour décida alors de suspendre son jugement sur la demande de ré-audition et, sous cette réserve, d’entendre ce que les procureurs pouvaient avoir à soumettre sur la requête pour permission d’appeler.
Au soutien de cette requête, on invoqua deux moyens:
(i) au regard des règles jurisprudentielles relatives à l’identification et à la défense d’alibi, il y a absence de preuve d’identification;
(ii) en droit, une personne ne peut être simultanément trouvée coupable d’attentat à la pudeur et de grossière indécence à l’égard de la même personne.
Après avoir considéré les témoignages auxquels le juge au procès ajouta foi, nous sommes tous d’avis que ces témoignages lui permettaient de conclure, comme il Ta fait, à l’identification de Boyer et au rejet de sa défense d’alibi. Suivant ces témoignages, il appert particulièrement que Boyer et son complice sont demeurés environ deux heures au domicile de Cadotte et que pendant une demi-heure, alors que la jeune fille était la victime de l’attentat commis sur elle par Boyer qui avait enlevé son masque, elle a pu observer son visage et noter la déformation dont son nez, par suite de plusieurs fractures, était affecté et elle a pu ultérieurement, sans qu’aucune suggestion ne lui soit faite, identifier Boyer comme l’un des participants à la commission des crimes ci-dessus.
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En ce qui concerne le second moyen, il faut retenir que l’attentat à la pudeur et l’acte de grossière indécence ont été commis successivement, l’un par l’inculpé et l’autre par son complice. Ce sont là deux infractions distinctes et les témoignages acceptés par le juge au procès lui permettaient de conclure que ces deux infractions avaient été commises dans des circonstances rendant Boyer et son complice parties à chacune.
Les questions sur lesquelles une permission d’appeler peut être accordée en vertu de l’art. 597(1)(b) doivent être strictement des questions de droit. Tel n’est pas le caractère des questions soulevées de la part du requérant.
Prenant pour acquis que la demande de ré-audition peut être accordée en l’espèce, nous sommes tous d’avis que la requête pour extension de délai et permission d’appeler ne peut être accueillie. Cette requête est donc rejetée.
Requête rejetée.
Procureurs de l’appelant: Grégoire, Dansereau, Daoust, Duceppe, Allaire, Perron, Beaudry, Blais, Désormeau & Beaudry, Montréal.
Procureur de l’intimé: Le Procureur Général de Québec.
[1] [1966] B.R. 596.