Cour Suprême du Canada
R. c. Lupien, [1970] R.C.S. 263
Date: 1969-11-17
Sa Majesté la Reine Appelante;
et
Jean Lupien Intimé,
1968: le 13 novembre; 1969: le 17 novembre.
Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Hall et Spence.
EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE
APPEL de la Couronne d’un jugement majoritaire de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique[1], écartant la déclaration de culpabilité de l’intimé et ordonnant un nouveau procès. Appel accueilli et déclaration de culpabilité rétablie, les Juges Ritchie et Spence étant dissidents.
W.G. Burke-Robertson, c.r., pour l’appelante.
G.A. Martin, c.r., et R.V. Carter, pour l’intimé.
Le jugement des Juges Martland et Judson a été rendu par
LE JUGE MARTLAND — Le pourvoi est inscrit par le procureur général à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie Britannique[2], le Juge en chef Davey étant dissident. Cet arrêt écarte la déclaration de culpabilité de l’intimé sur l’accusation de tentative de perpétrer un acte de grossière indécence, et ordonne un nouveau procès.
Les faits sont les suivants:
Le 3 février 1967, aux petites heures du matin, l’intimé a été vu sortant d’un cabaret en compagnie d’une personne habillée et maquillée comme une femme et prenant un taxi jusqu’à un hôtel où, après s’être inscrits sous de faux noms, ils sont montés à une chambre. Les agents de police ont écouté pendant quelques minutes
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devant la porte verrouillée. Ils ont entendu des voix d’hommes qui parlaient en français. S’étant procurés la clef de la chambre auprès du garçon de nuit de l’hôtel, les agents sont entrés et ont trouvé l’intimé et l’autre personne nus sur un lit. Ils ont constaté que l’autre personne était un homme, encore affublé de la perruque blonde de femme et de l’épais maquillage qu’on lui avait vu plus tôt. Bien que les agents de police n’aient pas vu les deux personnes couchées faire quoi que ce soit, au moment où ils sont entrés la posture de l’intimé était telle que sa tête se trouvait très près des organes génitaux de celui qui était travesti en femme. Les agents ont vu l’intimé changer de position en se retournant vivement dans le lit. L’intimé a semblé stupéfié après l’arrivée des policiers et pendant la conversation qui a suivi avec eux.
La défense de l’intimé c’est qu’il a cru que son compagnon était une femme.
La question de droit à décider par le présent pourvoi est l’admissibilité de la preuve psychiatrique offerte de la part de l’intimé. Le juge de première instance l’a déclaré irrecevable, mais la majorité en Cour d’appel l’a jugé recevable.
L’avocat de l’intimé a décrit comme suit le caractère de la preuve qu’il voulait présenter dans l’exposé qu’il a fait à la Cour au procès:
[TRADUCTION] Le but que je veux atteindre en offrant cette preuve est de faire décrire par le médecin l’état d’esprit normal de M. Lupien, et d’après cette description lui faire comparer cet état d’esprit normal avec les événements qui se sont déroulés dans la chambre. Lorsque cela aura été fait, le médecin aura une norme sur laquelle il pourra étayer son opinion. Voilà fondamentalement la base sur laquelle je présente cette preuve.
L’avocat de l’intimé a alors exposé la nature et l’étendue de la preuve psychiatrique qu’il entendait présenter, comme suit:
[TRADUCTION] Le médecin dira que cet homme a un genre de mécanisme de défense qui le fait réagir violemment à tout ce qui est associé à l’homosexualité. Il dira que c’est l’état d’esprit normal. Il confrontera alors cette opinion avec les événements qui sont survenus cette nuit-là et il dira: «Considérant les deux ensemble et compte tenu de l’effet de l’un sur l’autre, je suis de l’avis suivant, savoir: il doit
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avoir cru que cette personne était une femme», et en autant que sa faculté de perception était diminuée par ce que j’ai mentionné dans la question hypothétique, car sa faculté de perception était diminuée, il s’est produit l’une des deux choses suivantes, ou il n’a pas perçu consciemment les organes génitaux qu’il voyait devant lui, c’est‑à ‑dire qu’il n’était pas à même de réaliser que cette personne était un homme, ou aussitôt qu’il s’en est rendu compte il l’a rejeté et il est inconcevable qu’il ne l’ait pas rejeté.
L’examen psychiatrique exigeait que l’intimé fournisse certains renseignements. Le psychiatre a dit à ce sujet:
[TRADUCTION] C’est là où je dois présumer de la véracité de ce qu’il dit sur ses antécédents, ses attitudes, ses sentiments, ses convictions et tout ce qui peut me permettre de me faire une idée ou une opinion sur le genre de personne qu’est cet homme foncièrement. Pour ce qui est de répondre à la question de savoir quel était l’état d’esprit de cet homme à ce moment-là , ou de savoir ce qui s’est passé à ce moment-là , ou de savoir ce qu’il pensait à ce moment-là , non, il n’a pas été nécessaire de me fier à la véracité de ce qu’il a dit.
Essentiellement, l’opinion serait à l’effet que, si l’on se fonde sur l’examen psychiatrique, la défense de l’intimé était nécessairement vraie.
Dans les procès criminels, on présente le plus souvent une preuve psychiatrique lorsqu’on invoque la défense d’aliénation mentale. Il s’agit alors de déterminer l’état mental et les témoignages d’experts sur les maladies mentales sont tout à fait pertinents et admissibles.
Dans les demandes en vertu de l’art. 661 du Code criminel, où il s’agit de décider si l’accusé est un délinquant sexuel dangereux, la Cour doit entendre le témoignage d’au moins deux psychiatres. Cette disposition existe semble-t-il parce que l’on demande à la Cour d’apprécier la probabilité d’un comportement particulier dans l’avenir. Il ne s’agit pas de décider si une personne est coupable d’un crime. C’était au sujet d’une enquête de ce genre que le Juge Fauteux, en exposant les motifs de la Cour dans l’affaire Wilband c. La Reine[3], a défini les sources admissibles de renseignements dont le psychiatre peut se servir, y compris les renseignements obtenus par ouï-dire.
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Dans l’affaire Fisher c. La Reine[4], il s’agissait d’une accusation de meurtre et la défense était que l’accusé était trop ivre pour être capable de former l’intention nécessaire. La preuve de la poursuite consistait principalement en une déclaration de l’accusé, où il rendait compte de ses allées et venues avant et après l’assassinat, déclaration qu’il a reconnue. On a permis de présenter une preuve psychiatrique dans cette affaire, afin d’établir la capacité intellectuelle de l’accusé. Après avoir lu la déclaration de l’accusé, le témoin à une question hypothétique renfermant en substance les faits essentiels mentionnés à la déclaration, a répondu qu’à son avis toute personne capable de faire ce que l’accusé était censé avoir fait, était capable de former l’intention de commettre un meurtre, même si elle avait bu 25 verres de bière ou plus.
Dans la présente affaire, l’intimé n’a pas allégué l’incapacité pour cause d’aliénation mentale, d’ivresse ou autrement de former l’intention de commettre le crime dont il est accusé. La preuve que l’avocat de l’intimé voulait présenter ne tendait pas à démontrer que ce dernier était mentalement incapable de former l’intention de commettre le crime dont il était accusé. Le but de cette preuve était d’établir, en se fondant en partie sur ce que l’intimé avait dit au témoin, que, parce que l’intimé réagissait normalement de façon violente aux pratiques homosexuelles, il disait certainement la vérité quand, dans les circonstances où on l’a trouvé et dont on a fait la preuve, il a dit avoir cru que son compagnon était une femme. En d’autres mots, on demande au psychiatre de donner une opinion non sur la capacité intellectuelle chez l’intimé de former une telle intention mais sur la question de savoir s’il a, les faits étant ce qu’ils sont, véritablement eu cette intention. On ne nous a cité aucun précédent ni au Canada, ni en Angleterre, qui démontre qu’un psychiatre peut témoigner de cette façon. Si un tel témoignage est tenu pour admissible dans une affaire de ce genre, il ne semble y avoir aucune raison qui empêcherait dans le cas d’une accusation de meurtre, de présenter
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une preuve psychiatrique à l’effet que le prévenu a une aversion innée pour la violence physique, ou dans le cas d’une accusation de vol qu’il a un respect inné du droit de propriété d’autrui.
Je suis d’accord avec l’opinion exprimée par le Juge en chef Davey à ce sujet:
[TRADUCTION] Il est trop dangereux dans les circonstances particulières de cette affaire de permettre la preuve de l’opinion que Lupien n’aurait pas sciemment posé les actes qu’on lui impute parce que, sans nécessité, elle vient trop près de la conclusion même que le jury doit tirer de la preuve.
Le jury doit juger de l’intention de l’inculpé d’après la preuve qui lui est présentée. Ce qu’on veut faire ici, c’est permettre à un expert de donner son avis sur cette question en se fondant sur une preuve qui n’est pas faite devant le jury et qui consiste en partie d’une preuve de ouï‑dire provenant de l’inculpé lui-même. A mon avis, une preuve de ce genre ne doit pas être admise.
Je ne considère pas que la décision de cette Cour dans l’affaire Wilband (déjà citée) contredise cette conclusion. Comme je l’ai déjà indiqué, la preuve psychiatrique dont il est question dans cette affaire-là était requise pour une demande en vertu de l’art. 661(2) du Code criminel visant à faire décider si le prévenu déjà déclaré coupable était un délinquant sexuel dangereux. Cette décision nécessitait une audition sur la question de savoir si le prévenu était un individu qui causerait vraisemblablement une lésion corporelle, une douleur ou un autre mal à quelqu’un à cause de son impuissance à maîtriser ses impulsions sexuelles, ou qui commettrait vraisemblablement une autre infraction d’ordre sexuel. Sur cette question, le Parlement a exigé que la Cour ait l’avantage d’entendre le témoignage d’au moins deux psychiatres. Dans l’affaire Wilband, il a été décidé que ces derniers, pour leur témoignage avaient le droit de se former une opinion selon les procédés psychiatriques reconnus et de prendre en considération toutes les sources possibles d’information.
Dans la présente affaire, il s’agit de statuer sur la culpabilité en se fondant sur des faits prouvés qui existent déjà et non de prévoir un comportement à venir. Le Code n’exige pas dans
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ce cas-ci qu’on entende le témoignage d’un psychiatre. On cherche à présenter ce témoignage d’expert sur la question même que le jury doit juger, d’après la preuve qui lui a été soumise.
Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi et de rétablir la déclaration de culpabilité et la sentence.
Le jugement des Juges Ritchie et Spence a été rendu par
LE JUGE RITCHIE (dissident) — Ce pourvoi est introduit par le procureur général de la Colombie-Britannique, en vertu des dispositions de l’art. 598(1)(a) du Code Criminel, à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[5] (le Juge en chef Davey dissident). Cet arrêt écarte la déclaration de culpabilité de l’intimé pour tentative de perpétrer un acte de grossière indécence, et ordonne un nouveau procès sur ce seul chef d’accusation.
La police a trouvé l’intimé dans une chambre d’hôtel, au lit avec un autre homme, un travesti, et il n’y a aucun doute, à mon avis, que leur position respective l’un par rapport à l’autre était telle que la police était justifiée de penser qu’un acte de grossière indécence avait lieu ou était sur le point d’avoir lieu.
La défense principale de l’intimé c’est qu’il a toujours cru, jusqu’à l’instant même qui a précédé l’entrée des policiers dans la chambre, que son compagnon était une femme. A l’appui de son témoignage à cet égard, l’intimé a offert celui du docteur Newman, psychiatre hautement qualifié, qui a assisté à tout le procès, a eu des entrevues avec l’intimé et d’autres personnes, et a soumis l’intimé à certains tests psychiatriques dans le but de déterminer son attitude normale envers le sexe.
Le substitut a soulevé une objection à l’encontre de cette preuve par le Dr Newman. Après une longue argumentation des avocats des deux parties, le savant Juge de première instance a décidé que l’interrogatoire par l’avocat de la défense à ce sujet devait se limiter à poser au médecin une question hypothétique: En supposant la véracité de la preuve fournie au procès
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et se reportant au moment où, aux petites heures du matin, les policiers ont trouvé l’intimé dans une position compromettante, quelle est son opinion au sujet de l’effet produit sur l’état d’esprit de l’intimé par le manque de sommeil, un programme de travail chargé et la consommation d’alcool?
Le savant Juge de première instance a toutefois écarté la preuve psychiatrique fondée sur les entrevues et les tests laquelle était offerte dans le but de montrer que, de l’avis du docteur Newman, Lupien avait un certain mécanisme de défense qui le faisait réagir violemment à l’encontre de toute activité homosexuelle et qu’en conséquence, il ne se serait pas engagé, sciemment, dans les relations homosexuelles qui font l’objet de l’inculpation.
Les membres de la Cour d’appel ont, à l’unanimité, été d’avis que l’opinion du médecin, avancée en réponse à la question hypothétique qui lui avait été posée, avait été à juste titre admise en preuve. Je suis aussi de cet avis. Mais la majorité de la Cour, en ordonnant un nouveau procès, a déclaré que le savant Juge de première instance s’est trompé en refusant d’admettre en preuve l’opinion du médecin, fondée sur les entrevues qu’il avait eues ainsi que sur les tests et procédés psychiatriques auxquels il avait soumis l’intimé. Le pourvoi est basé sur la dissidence du savant Juge en chef au sujet de cette dernière question.
En rejetant l’opinion formulée par le médecin par suite de ses propres recherches et tests, le savant Juge de première instance a cité la décision de cette Cour dans Bleta c. La Reine[6] où il est dit, à la page 564:
[TRADUCTION] La question de savoir si un prévenu était dans un état d’automatisme tel qu’il n’était pas légalement responsable au moment où il a commis les actes dont il est accusé est une question de fait. C’est peut-être en vérité la question de fait la plus importante dans une affaire criminelle et c’est parce que l’opinion d’un témoin expert sur une telle question ne peut servir qu’à jeter la confusion dans les esprits à moins que les faits prouvés sur lesquels elle est basée n’aient été clairement exposés au jury,
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que l’usage s’est établi d’obliger l’avocat recherchant une telle opinion à exposer les faits sous la forme d’une question hypothétique.
Dans l’affaire Bleta c. La Reine, précitée, il s’agissait de décider de quelle façon on doit solliciter d’un témoin expert une opinion fondée sur la preuve faite au procès en sa présence. La phrase prise dans le jugement de cette Cour qui est citée par le savant Juge de première instance, est immédiatement suivie, dans le même alinéa, par ce qui suit:
[TRADUCTION] Dans les affaires où l’expert est présent tout au long du procès, il n’est évidemment pas satisfaisant de lui demander de formuler une opinion fondée sur les témoignages qu’il a entendus lorsque ceux-ci sont contradictoires, parce que la réponse à une telle question entraîne l’expert à résoudre la contradiction selon son appréciation personnelle de la crédibilité des témoins. Le jury n’a alors aucun moyen de savoir sur quelle preuve il fonde son opinion. Toutefois, là où il n’y a pas de témoignages contradictoires, la même difficulté ne se présente pas nécessairement et d’autres motifs peuvent donc être à considérer.
L’affaire Bleta est venue devant cette Cour par suite d’un pourvoi à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel d’Ontario, qui avait accueilli un appel du procureur général et ordonné un nouveau procès, pour le motif, entre autres, qu’un médecin cité comme témoin par la défense [TRADUCTION] «avait été indûment autorisé à exprimer une opinion fondée sur son appréciation de la preuve». Il n’est aucunement question de cela dans la présente affaire et je ne crois pas que l’affaire Bleta puisse être considérée comme ayant établi qu’un avocat ne peut demander à un médecin au sujet de l’état de santé d’une personne, une opinion basée sur ses connaissances médicales et sur des questions qu’il a posées au patient hors la présence du jury.
Dans la présente affaire, on a prétendu que l’opinion du Dr Newman sur la réaction normale de l’intimé aux avances homosexuelles est irrecevable parce qu’elle irait à l’encontre de la règle que l’on ne peut faire de preuve par ouï-dire, vu qu’elle est nécessairement fondée sur ce que l’intimé et d’autres personnes lui ont dit au cours des entrevues qu’il a eues et sur les résultats des tests qu’il a faits.
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Dans la présente affaire, la véracité des déclarations faites au médecin au cours de son examen psychiatrique n’est aucunement en question. Ce que l’on recherchait ici, c’est un témoignage exposant l’opinion à laquelle le médecin était arrivé par l’application de ses connaissances médicales à une analyse des tendances de l’intimé, telles que manifestées par ses propos, attitudes et réactions lorsqu’il a été soumis à un interrogatoire, et à d’autres procédés psychiatriques destinés à révéler son vrai caractère. C’est la recevabilité d’une opinion obtenue de cette façon qui est en litige ici. A mon avis, le fait que les procédés employés par le psychiatre pour se former une opinion dépendent nécessairement d’informations obtenues de l’intimé ou d’autres personnes, hors la présence du jury, ne rend point cette opinion irrecevable, bien qu’il puisse être un facteur à prendre en considération en évaluant la force probante de cette opinion. S’il en était autrement, les tribunaux seraient privés d’un nombre important d’opinions médicales fondées sur des méthodes cliniques de diagnostic.
Dans l’affaire Wilband c. La Reine[7], on a prétendu que certains témoignages donnés par des psychiatres, en vertu des dispositions de l’art. 661(2) du Code Criminel, étaient irrecevables en ce qu’ils allaient à l’encontre de la règle du ouï-dire. M. le Juge Fauteux dit, à la page 21 de ses motifs:
[TRADUCTION] AU sujet du ouï-dire: dans cette affaire, la preuve indique qu’afin de se former une opinion conformément aux procédés pyschiatriques couramment reconnus, le psychiatre doit tenir compte de toutes les sources possibles d’information, y compris le ouï-dire, son activité professionnelle normale ainsi que sa compétence et ses capacités l’habilitant à juger de la crédibilité, précision et signification de ses sources d’information. Par conséquent, bien qu’en définitive sa conclusion puisse reposer, en partie, sur du ouï-dire, elle n’en reste pas moins une opinion formée selon les procédés psychiatriques couramment reconnus. On ne peut supposer que le Parlement a voulu que l’opinion formulée par le psychiatre pour aider la Cour soit obtenue selon des méthodes autres que celles qui sont reconnues dans les procédés psychiatriques
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normaux. La valeur de l’opinion avancée par un psychiatre peut être amoindrie dans la mesure où elle est fondée sur le ouï-dire, mais cela touche sa valeur probante et non sa recevabilité en preuve; en effet, cette opinion n’est pas une preuve de la véracité des informations, mais une preuve de l’idée faite à partir de ces informations.
Il est vrai que, dans l’affaire Wilband, le Juge Fauteux considérait une preuve psychiatrique alors qu’il s’agissait de décider si un inculpé qui venait d’être condamné était un «délinquant sexuel dangereux»; c’est l’état de l’accusé plutôt que sa culpabilité ou son innocence qui était en question, mais j’ai la conviction que ce qui a été dit dans cette affaire sur la règle du ouï-dire s’applique avec autant de force à la situation présente.
Vu ce qui précède, je suis d’avis que l’on n’aurait pas enfreint la règle contre le ouï-dire en permettant la preuve de l’opinion psychiatrique que l’on voulait demander au Dr Newman de fournir sur l’état d’esprit normal de l’intimé. Cela est cependant loin de régler la question vu que la dissidence du savant Juge en chef se fonde sur des motifs plus larges. Dans son exposé, il dit:
[TRADUCTION] Je rejetterais cette preuve pour ce motif général qu’elle n’est pas recevable dans le but pour lequel on veut la présenter. Il faut comprendre clairement quel est ce but, aussi, je répète qu’il s’agit de démontrer que la personnalité normale de Lupien et ses mécanismes de défense l’auraient poussé à rejeter toute avance ou relation homosexuelle; ainsi, de l’avis des experts, il ne s’y serait pas sciemment engagé. Ils ont voulu expliquer la preuve faite en soutenant que Lupien devait avoir cru sincèrement que Boisvert était une femme, ou que son intelligence et son jugement avaient défailli. Il est trop dangereux dans les circonstances particulières de cette affaire de permettre la preuve de l’opinion que Lupien n’aurait pas sciemment posé les actes qu’on lui impute parce que, sans nécessité, elle vient trop près de la conclusion même que le jury doit tirer de la preuve. Mais il y a une objection plus fondamentale. C’est tout simplement qu’on demandait aux médecins de dire que Lupien était un homme normal, et qu’en tant que tel il avait une répulsion instinctive envers tout acte homosexuel, de sorte qu’il aurait reculé devant l’idée de s’y
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adonner. Ce sont les jurés qui étaient appelés à dire ce qu’un homme normal aurait fait dans ces circonstances, car cela dépend de leur connaissance des hommes.
Je partage l’opinion du Juge en chef à l’effet que si la preuve avait été présentée dans le but de démontrer que Lupien est un homme normal, la conclusion à tirer sur sa façon d’agir en de telles circonstances aurait été du domaine du jury. Mais, en toute déférence, le dossier démontre, à mon avis, que la preuve n’a pas du tout été présentée dans ce but, mais plutôt dans le but de faire connaître l’opinion du médecin selon laquelle cet homme-là posséderait un genre de mécanisme de défense qui le fait réagir violemment à l’encontre de toute conduite homosexuelle. La preuve que le savant Juge de première instance a rejetée a été décrite, par l’avocat de l’intimé, dans les termes suivants:
[TRADUCTION] Or, ici le médecin dira — et je suis incapable de le dire aussi bien que lui — le médecin dira que cet homme a un genre de mécanisme de défense qui le fait réagir violemment à tout ce qui est associé à l’homosexualité. Il dira que c’est l’état d’esprit normal. Il confrontera alors cette opinion avec les événements qui sont survenus cette nuit-là et il dira: «Considérant les deux ensemble, et compte tenu de l’effet de l’un sur l’autre, je suis de l’avis suivant, savoir: il doit avoir cru que cette personne était une femme», et (2) en autant que sa faculté de perception était diminuée par ce que j’ai mentionné dans la question hypothétique, car sa faculté de perception était diminuée, il s’est produit l’une des deux choses suivantes, ou il n’a pas perçu consciemment les organes génitaux qu’il voyait devant lui, c’est-à -dire qu’il n’était pas à même de réaliser que cette personne était un homme, ou (2) aussitôt qu’il s’en est rendu compte il l’a rejeté et il est inconcevable qu’il ne l’ait pas rejeté.
A mon avis, la preuve que l’on voulait alors faire recevoir est l’opinion du Dr Newman que l’intimé est constitué de telle façon qu’il est incapable de former l’intention de commettre un acte homosexuel. Il me semble que la question de savoir si un homme a ou n’a pas de tendances ou penchants homosexuels en est une qui se prête très bien au diagnostic d’un psychiatre, et qu’une telle opinion formée dans ce domaine de
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la conduite humaine est pertinente et recevable dans une affaire comme celle-ci.
Il ne s’agissait pas ici de fournir une preuve du caractère, au sens de réputation. Je suis d’avis que la règle établie en 1865 par le Juge en chef Cockburn, dans Regina v. Rowton[8], selon laquelle la preuve du caractère ne peut être faite que par des témoignages sur la réputation générale de l’accusé dans le milieu auquel il appartient, est singulièrement inapplicable à l’introduction de témoignages de psychiatres sur les prédispositions du prévenu.
L’affaire Rowton a été décidée bien avant que la psychiatrie ne devienne une discipline médicale reconnue et on ne nous a cité aucune affaire où la règle qu’elle établit a été appliquée de manière à écarter une telle preuve.
Dans l’exposé de ses motifs en l’affaire Fisher v. The Queen[9], avec lequel neuf membres de cette Cour ont été «généralement d’accord», (voir [1961] R.C.S. 535, à la p. 538), le Juge d’appel Aylesworth dit, à la page 21, au sujet du témoignage du psychiatre cité par la Couronne dans cette affaire-là :
[TRADUCTION] Naturellement, en supposant que les faits qui lui ont été proposés à titre d’hypothèse sont vrais, il donnait son avis sur l’une des questions les plus importantes soumises au jury pour décision, mais cela ne rend pas son avis irrecevable en soi… La psychiatrie est une branche relativement moderne et spécialisée de la médecine ayant pour objet l’étude de l’esprit, de son fonctionnement, et de l’état mental de l’individu, tel que révélé par sa conversation, son attitude et ses actes. Je n’ai aucun doute que le Dr Easton, spécialisé en psychiatrie depuis plusieurs années, et jouissant de l’expérience que sa position exige, est qualifié pour formuler un avis sur la capacité intellectuelle d’un individu tel que l’appelant de former une certaine intention…
Dans l’affaire Fisher, le prévenu, inculpé de meurtre, avait fait à la police une déclaration dans laquelle il décrivait, par le menu, ses activités durant la soirée, jusqu’au moment où l’on prétendait que le meurtre avait été commis. Au cours du contre-interrogatoire de certains
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témoins de la poursuite, il est devenu clair qu’on essayait d’établir une défense d’ivresse et, avant de terminer sa preuve, le ministère public a cité le Dr Easton, directeur du service de psychiatrie à l’Ontario Hospital de New Toronto, et lui a posé une question hypothétique, basée dans une large mesure sur la déclaration du prévenu aux policiers. En réponse, le Dr Easton a exprimé l’avis que toute personne capable de faire ce que l’appelant était censé avoir fait, était capable de former l’intention de commettre un meurtre, même si elle avait bu 25 verres de bière ou plus. A mon avis, l’opinion ainsi sollicitée par la poursuite se rapprochait à l’extrême de la preuve du fait même sur lequel le jury avait à se prononcer si la défense d’ivresse devait être rejetée et le prévenu condamné. En se disant d’accord sur l’admissibilité en preuve du témoignage du psychiatre, le Juge d’appel Aylesworth a conclu, à la page 21:
[TRADUCTION] La relation entre les actes et la conduite de l’appelant et sa capacité intellectuelle, que l’on demandait au médecin d’établir, est sûrement une question au sujet de laquelle le témoin pouvait avoir recours à ses connaissances spéciales dans ce domaine. Le fait que le témoin n’avait pas examiné l’appelant ne peut, à mon avis, avoir aucune influence sur la recevabilité de son témoignage; le seul fondement de son témoignage c’est comme on l’a déjà dit, que les actes de l’appelant peuvent avoir l’effet de démontrer, aux yeux d’un expert dans le domaine de la psychiatrie, la présence ou l’absence d’un degré déterminé de capacité intellectuelle. Quoique l’appréciation de cette preuve doive être laissée au jury, elle est à mon avis recevable.
(Les italiques sont de moi.)
C’est une preuve émanant d’un spécialiste dans le domaine de la psychiatrie, relativement à l’absence d’un degré déterminé de capacité de comportement, qu’on a cherché à présenter dans la présente affaire. Je suis d’avis que les paroles du Juge Aylesworth s’appliquent et que «quoique l’appréciation de cette preuve doive être laissée au jury, elle est… recevable».
Je suis loin de poser comme règle générale que la preuve psychiatrique des prédispositions d’une personne à ne pas commettre le genre de crime dont il est accusé doit être admise, mais
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dans cette affaire-ci il s’agit de grossière indécence entre deux hommes et je pense que les crimes relatifs à l’homosexualité sont dans une catégorie à part, en ce sens que leurs auteurs possèdent souvent des caractéristiques qui les rendent collectivement plus facilement identifiables que les criminels ordinaires. Voir Regina v. Thompson[10]. De toute façon, il me paraît qu’un psychiatre est qualifié pour exprimer un avis sur la question de savoir si un homme est prédisposé à l’homosexualité, ou autrement sexuellement perverti. Si un tel avis est pertinent, il doit être recevable dans un procès comme celui-ci, même s’il amène le psychiatre à exprimer l’avis que l’inculpé ne possède pas la capacité de commettre le crime dont il est accusé.
Pour tous ces motifs, aussi bien que pour ceux exprimés par le Juge Bull au nom de la majorité en Cour d’appel, je rejetterais ce pourvoi.
LE JUGE HALL — Mes collègues, les Juges Martland et Ritchie ont exposé dans leurs motifs les faits relatifs au présent pourvoi.
Je suis d’accord avec mon collègue Ritchie pour dire que le savant Juge de première instance aurait dû admettre toute la preuve que le Dr Newman, psychiatre, voulait présenter.
L’homosexualité n’est ni un trouble psychique, ni une maladie mentale, ni un état résultant de la débilité ou d’une infirmité mentale. C’est un attrait et une affection sexuels entre personnes du même sexe. Il y a différents degrés d’homosexualité, depuis ceux qui n’ont jamais eu un penchant sexuel normal jusqu’à ceux qui ne sont homosexuels que dans des circonstances exceptionnelles, c’est-à -dire lorsqu’ils sont totalement isolés des personnes de l’autre sexe. Chez ces derniers, l’homosexualité disparaît ordinairement dès qu’ils reviennent à un milieu normal. Entre ces extrêmes, d’autres ont des tendances homosexuelles et hétérosexuelles, on dit d’eux qu’ils sont «bisexuels». Dans quelque catégorie que se trouve l’homosexuel, son état est une déviation acquise de son état normal. Personne n’est prédestiné à sa naissance à devenir homosexuel, tout comme personne ne l’est à devenir alcoolique ou narco-
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mane. L’hérédité ne joue aucun rôle dans cette évolution; le milieu est, dit-on, le facteur décisif.
Les ouvrages sur l’homosexualité ne s’accordent pas sur les causes spécifiques de cet état. Cependant tous les ‘auteurs conviennent que, quelles que soient les autres causes, les facteurs psychologiques jouent un très grand rôle et qu’il faut en tenir compte dans ce qu’on peut appeler une explication à complexité croissante. La psychiatrie s’est intéressée de façon spéciale à l’étude de l’homosexualité et
[TRADUCTION] «…dans toute la psychiatrie, on trouve que la structure de la personnalité résulte d’une interaction du milieu et des dispositions naturelles, à un point tel qu’il est presque possible d’établir l’équation suivante: la constitution multipliée par le milieu égale une constante.» (They Stand Apart, Windmill Press, Londres, 1955, p. 78.)
Il s’ensuit donc que les témoignages de psychiatres sont particulièrement appropriés dans des affaires où il est question d’homosexualité. C’est sa pertinence à l’objet du procès qui doit déterminer l’admissibilité du témoignage d’expert fourni par des psychiatres. Dans la présente affaire, le savant Juge de première instance a admis toute la preuve que présentait le Dr Newman à l’exception de l’opinion qu’il voulait exprimer à l’effet que le caractère normal de Lupien et ses mécanismes de défense étaient tels qu’il aurait repoussé toute avance homosexuelle et ne s’y serait pas prêté consciemment. On a permis au Dr Newman de répondre à une question hypothétique, posée en supposant que la preuve présentée au procès était véridique, mais il n’a pas reçu l’autorisation d’exprimer l’opinion relatée ci-dessus en s’appuyant sur les tests qu’il avait faits et fait faire ainsi que sur ses entretiens avec Lupien.
La question est de savoir où l’on doit fixer la limite entre l’admissibilité et l’inadmissibilité. Si la preuve était pertinente à la défense qu’on voulait présenter pour le compte de Lupien, et je suis d’avis que tel était le cas, elle était alors admissible et le savant Juge de première instance a fait une erreur en la refusant.
Il est vrai, comme le fait remarquer le Juge en chef de la Colombie-Britannique dans ses motifs de dissidence, que la réponse qu’on atten-
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dait du psychiatre [TRADUCTION] «vient trop près de la conclusion même que le jury doit tirer de la preuve». Je ne crois pas pourtant que ce soit là un motif valable de refuser cette preuve. En réalité, on ne peut pas la considérer comme une innovation en matière de preuve médicale. Les psychiatres sont admis à témoigner que, d’après leur examen et leur observation d’un inculpé, parfois longtemps après le fait, ainsi que d’après leurs entretiens avec lui et les faits en preuve, cet inculpé était incapable de former l’intention nécessaire à la perpétration du crime dont on l’accuse. Ce genre de témoignage est très voisin, si vraiment il en reste distinct, de la conclusion même que le jury doit tirer dans une telle affaire, pour conclure que le prévenu est innocent parce qu’il n’a pas eu l’intention qui justifierait une déclaration de culpabilité. Il appartient au jury seul de déterminer l’importance à donner à l’opinion d’un expert. Le rôle du juge de première instance est de dire aux membres du jury qu’il leur incombe, et à eux seulement, d’apprécier la preuve.
La question à laquelle il faut maintenant répondre est de savoir si l’erreur dans ce cas-ci invalide la déclaration de culpabilité ou s’il faut appliquer les dispositions de l’art. 592(1)(b)(iii), qui se lisent ainsi:
592. (1) Lors de l’audition d’un appel porté contre une condamnation, la Cour d’appel
(b) peut rejeter l’appel, si…
(iii) bien que la Cour estime que, pour tout motif mentionné au sous-alinéa (ii) de l’alinéa (a), l’appel pourrait être décidé en faveur de l’appelant, elle est d’avis qu’aucun tort important ou aucune erreur judiciaire grave ne s’est produite…
Le Juge Cartwright (maintenant Juge en chef du Canada) expose de la façon suivante dans ses motifs en l’affaire Colpitts c. La Reine[11] les conditions nécessaires pour l’application de cette disposition:
[TRADUCTION] Mon collègue le Juge Spence cite dans ses motifs un certain nombre de précédents qui
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devraient guider la Cour d’appel dans son jugement, une fois l’erreur d’instruction démontrée, sur la question de savoir si l’on peut affirmer sans crainte qu’il ne s’est produit aucun tort important ni aucune erreur judiciaire grave. A la lecture de ces précédents, il faut observer qu’une fois que l’on a jugé qu’il y a eu erreur de droit au procès, il incombe à la poursuite d’établir à la satisfaction de la Cour que le verdict aurait nécessairement été le même si cette erreur ne s’était pas produite. Cette preuve est une condition préalable de toute application des dispositions de ce sous-alinéa par la Cour d’appel. La Cour n’est pas tenue de l’appliquer du seul fait que cette obligation se trouve satisfaite.
L’article reconnaît l’existence de cas où, bien qu’il y ait eu erreur de la part du Juge de première instance, la Cour l’appel peut, à sa discrétion, si le poids de la preuve l’incite à le faire, juger qu’il n’y a eu aucun tort important ni erreur judiciaire grave. Il s’agit ici de l’un de ces cas. La preuve à l’encontre du prévenu était accablante et, selon moi, le verdict aurait nécessairement été le même, même si le jury avait entendu l’opinion que le Dr Newman voulait présenter.
Je suis d’avis qu’il s’agit ici d’une affaire où les dispositions de l’art. 592(1)(b)(iii) doivent s’appliquer. En conséquence, je suis d’avis d’accueillir l’appel et de rétablir la déclaration de culpabilité et la sentence.
Appel accueilli et déclaration de culpabilité rétablie, LES JUGES RITCHIE et SPENCE étant dissidents.
Procureur de l’appellant: G.L. Murray, Vancouver.
Procureurs de l’intimé: Braidwood, Nuttall & MacKenzie, Vancouver.
[1] (1968), 64 W.W.R. 721, 4 C.R.N.S. 250, [1969] 1 C.C.C. 32.
[2] (1968), 64 W.W.R. 721, 4 C.R.N.S. 250, [1969] 1 C.C.C. 32.
[3] [1967] R.C.S. 14, 2 C.R.N.S. 29, 60 W.W.R. 292, [1967] 2 C.C.C. 6.
[4] [1961] R.C.S. 535, 130 C.C.C. 1, 35 C.R. 107.
[5] (1968), 64 W.W.R. 721, 4 C.R.N.S. 250, [1969] 1 C.C.C. 32.
[6] [1964] R.C.S. 561, 44 C.R. 193, [1965] 1 C.C.C. 1, 48 D.L.R. (2d) 139.
[7] [1967] R.C.S. 14, 2 C.R.N.S. 29, 60 W.W.R. 292, [1967] 2 C.C.C. 6.
[8] (1865), 10 Cox C.C. 25 Ã 29.
[9] (1961), 130 C.C.C. 1.
[10] (1917), 13 Cr. App. R. 61 Ã 81.
[11] [1965] R.C.S. 739 Ã 744, 52 D.L.R. (2d) 416, 47 C.R. 175, [1966] 1 C.C.C. 146.