Cour Suprême du Canada
Ministre du Revenu national c. Cox et al., [1971] R.C.S. 817
Date: 1971-04-05
Le Ministre du Revenu National Appelant;
et
Mary Ada Cox et Montreal Trust Company, Exécutrice testamentaire de Harris Cox Intimées.
1971: le 22 février; 1971: le 5 avril.
Présents: Les Juges Abbott, Judson, Hall, Spence et Laskin.
EN APPEL DE LA COUR DE L’ÉCHIQUIER DU CANADA
APPEL d’un jugement du Juge Cattanach de la Cour de l’Échiquier du Canada[1], en matière d’impôt successoral. Appel accueilli.
G.W. Ainslee, c.r., et H. Buckman, pour l’appelant.
M.A. Putnam, pour les intimées.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE JUDSON — Les intimées sont exécutrices testamentaires de la succession du de cujus Harris Cox. La seule question à décider dans le présent pourvoi est celle de savoir s’il faut inclure dans les biens transmis au décès de Harris Cox la valeur nominale d’une police d’assurance-vie ou le montant de $6,076.50, comme objet d’une donation faite par le de cujus dans les trois années antérieures à son décès. Dans une cotisation faite par le ministre en vertu de l’art. 24 de la Loi de l’impôt sur les biens transmis par décès, la valeur nominale de la police, soit $50,000, a été incluse dans le calcul de la valeur globale nette des biens transmis au décès au sens de l’art. 3(1)(c). Les exécutrices ayant interjeté appel1, il a été décidé que l’objet de la donation était le montant de $6,076.50 et non la valeur nominale de la police. Le ministre fait maintenant appel de cette décision. A mon avis, il faut accueillir le pourvoi et confirmer la cotisation initiale du ministre.
Le 15 novembre 1957, le défunt a signé un contrat d’assurance stipulant un paiement de $50,000 à son décès. Les primes annuelles devaient s’élever à $1,526.50.
Le 22 octobre 1962, le défunt a cédé sa police à son épouse. La valeur de rachat au comptant de la police s’élevait alors à $4,550. Le 24 octobre 1962, le défunt a remis à son épouse l’acte de cession, la police et un chèque de $6,076.50 payable à celle-ci. En retour, son épouse lui a donné un chèque de $4,550 tiré sur son propre compte. Une fois ces chèques tirés et encaissés, il y avait un solde de $1,697.22 au compte du défunt, une somme de $453.40 seulement étant au crédit du compte de son épouse.
M. Cox est mort le 19 septembre 1965. Les exécutrices de sa succession, dans leur calcul de
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la valeur globale nette des biens transmis au décès, ont inclus un montant de $6,076.50 comme objet de la donation faite par le de cujus à son épouse le 24 octobre 1962. Selon elles, le chèque de $4,550 tiré par l’épouse constituait le paiement de la valeur de rachat au comptant de la police à ce moment-là en contrepartie de la cession de celle-ci en sa faveur. Dans sa cotisation, le ministre a inclus la valeur de la police comme objet de la donation du 24 octobre 1962, en conformité de l’art. 3(1)(c) de la Loi de l’impôt sur les biens transmis par décès.
En première instance, il a été décidé qu’en réalité deux opérations étaient en cause, une donation en argent de M. Cox à son épouse et l’achat de la police par celle-ci à celui-là. Par conséquent, l’objet de la donation était le montant de $6,076.50.
Dans l’exposé des faits admis, il a été reconnu que le transfert du 24 octobre 1962 avait pour but d’éviter que la valeur nominale de la police ne soit incluse dans la valeur globale nette des biens transmis au décès du de cujus, en conformité de l’art. 3(1)(m) de la Loi de l’impôt sur les biens transmis par décès. Les dispositions pertinentes de cet article sont les suivantes:
3. (1) Dans le calcul de la valeur globale nette des biens transmis au décès d’une personne, on doit inclure la valeur de tous les biens, quelle qu’en soit la situation, transmis au décès de cette personne, y compris, sans restreindre la généralité de ce qui précède,
* * *
(c) les biens que le défunt a aliénés en vertu d’une disposition ayant l’effet ou étant censée avoir l’effet d’une donation immédiate entre vifs, que ce soit par voie de transfert, délivrance, déclaration de fiducie ou autrement, faite dans les trois années antérieures à son décès;
* * *
(m) tout montant payable aux termes d’une police d’assurance effectuée sur la vie du de cujus (que ce soit ou non à un bénéficiaire privilégié au sens de tout statut ou loi concernant l’assurance, applicable à cette police), si cette police était, immédiatement avant le décès du de cujus,
(i) possédée, soit individuellement ou conjointement ou en commun avec toute autre personne,
(A) par le de cujus,….
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Je suis tout à fait d’accord avec le ministre que l’échange des chèques n’était simplement que le moyen employé pour que le de cujus puisse donner la police à son épouse. L’échange simultané des chèques alors qu’aucun des deux ne devait être honoré, faute de provision suffisante, s’il n’avait été compensé par l’inscription de l’autre, ne peut être considéré que comme une seule opération. En substance, le de cujus a transféré à son épouse la police d’assurance-vie plus le montant exact auquel s’élevait la prime de l’année suivante, la somme de $1,526.50, soit la différence entre $6,076.50 et $4,550.
Le de cujus n’a rien reçu en contrepartie de ce transfert, qui constitue donc une donation de la police au sens des dispositions de la Loi de l’impôt sur les biens transmis par décès; la valeur nominale de la police a donc été incluse à juste titre dans le calcul de la valeur globale nette des biens transmis au décès.
Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi avec dépens.
Appel accueilli avec dépens.
Procureur de l’appelant: D.S. Maxwell, Ottawa.
Procureurs des intimées: MacKimmie, Matthews, Phillips & Smith, Calgary.
[1] [1970] R.C.É. 120, [1969] C.T.C. 606, 69 D.T.C. 5400.