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30/03/1972 | CANADA | N°[1974]_R.C.S._1046

Canada | La Reine c. Scheer Ltd., [1974] R.C.S. 1046 (30 mars 1972)


Cour suprême du Canada

La Reine c. Scheer Ltd., [1974] R.C.S. 1046

Date: 1972-03-30

Sa Majesté la Reine Appelante;

et

Scheer Limited Intimée.

1972: le 18 février; 1972: le 30 mars.

Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Abbott, Martland, Judson, Ritchie, Hall, Spence, Pigeon et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR DE L’ÉCHIQUIER DU CANADA

APPEL d’un jugement de la Cour de l’Échiquier du Canada déclarant nul un règlement adopté sous l’autorité de la Loi de l’assurance-chômage. Appel accueilli.

P.M. Ollivi

er, c.r., pour l’appelante.

[Page 1047]

J.A. Robb, c.r., et P.R. O’Brien, pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu p...

Cour suprême du Canada

La Reine c. Scheer Ltd., [1974] R.C.S. 1046

Date: 1972-03-30

Sa Majesté la Reine Appelante;

et

Scheer Limited Intimée.

1972: le 18 février; 1972: le 30 mars.

Présents: Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Abbott, Martland, Judson, Ritchie, Hall, Spence, Pigeon et Laskin.

EN APPEL DE LA COUR DE L’ÉCHIQUIER DU CANADA

APPEL d’un jugement de la Cour de l’Échiquier du Canada déclarant nul un règlement adopté sous l’autorité de la Loi de l’assurance-chômage. Appel accueilli.

P.M. Ollivier, c.r., pour l’appelante.

[Page 1047]

J.A. Robb, c.r., et P.R. O’Brien, pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE SPENCE — Le présent appel est interjeté à l’encontre d’une décision prononcée par M. le Juge Walsh le 3 février 1971. Le savant juge de la Cour de l’Échiquier a étudié une question qui a été portée devant lui en vertu des dispositions de l’art. 18(1)g) de la Loi sur la Cour de l’Échiquier (alors S.R.C. 1952, c. 98 tel que modifié):

g) La somme à verser lorsque la Couronne et une personne sont convenues par écrit que la Couronne ou cette personne doit verser une somme d’argent que doit fixer la Cour de l’Échiquier, ou toute question de droit ou de fait à l’égard de laquelle la Couronne et une personne sont convenues par écrit que cette question de droit ou de fait doit être déterminée par la Cour de l’Échiquier;

La question à être décidée par la Cour de l’Échiquier était la suivante:

Le règlement 64B des Règlements sur l’assurance-chômage, établi par décret du Conseil C.P. 1960-610 du 4 avril 1966, modifié par décret du Conseil C.P. 1968-1181 du 19 juin 1968, est-il nul en totalité ou en partie, et dans ce dernier cas, quelle partie?

Le savant juge de la Cour de l’Échiquier a statué:

L’article 64B des Règlements de l’assurance-chômage est nul en partie dans la mesure où il inclut dans le paragraphe (1) les termes «peu importe que cette personne travaille à son compte ou autrement qu’en vertu d’un contrat de service».

La Commission d’assurance-chômage a fait déposer auprès de la Cour de l’Échiquier un certificat, conformément à l’art. 104 de la Loi sur l’assurance-chômage, par lequel une somme de $9,173.08 était réclamée à Scheer Limited pour contributions dues selon l’art. 37 de ladite Loi. En réclamant ledit montant à Scheer Limited, la Commission s’est appuyée notamment sur l’art. 64B des règlements de l’assurance-chômage et c’est la question de la validité dudit Règlement qui était en litige devant le savant juge de la Cour de l’Échiquier.

[Page 1048]

Vu le motif de nullité sur lequel le Juge Walsh a fondé sa décision, il serait utile de faire un très bref résumé de l’historique de la loi et des règlements.

En 1935, le Parlement du Canada a adopté la Loi sur le placement et les assurances sociales, S.C. 1935, (Can.), c. 38. Par un décret du Conseil du 5 novembre 1935, la Cour suprême du Canada a été appelée à se prononcer sur le caractère ultra ou intra vires de cette loi, et, dans un jugement majoritaire publié à [1936] R.C.S. 427, cette Cour a statué que cette loi était ultra vires comme étant, par sa nature même, une loi touchant aux droits civils des patrons et employés dans chaque province. Le renvoi a été porté en appel devant le Conseil privé qui a confirmé le jugement de la Cour suprême du Canada dans un arrêt publié à [1937] A.C. 355. En prononçant le jugement au nom de Leurs Seigneuries, Lord Atkin a dit, p. 365:

[TRADUCTION] Il ne peut y avoir de doute que, de prime abord, les dispositions relatives à une assurance de ce genre, surtout lorsqu’elles visent le contrat de travail, tombent dans la catégorie de la propriété et des droits civils de la province et sont du ressort exclusif de la législature provinciale.

À la fin de ses motifs, il a déclaré:

[TRADUCTION] Dans le cas actuel, Leurs Seigneuries s’accordent avec la majorité de la Cour suprême à juger que, par sa nature même, cette loi est une loi d’assurance qui touche aux droits civils des patrons et employés dans chaque province, et que, à ce titre, elle est invalide.

Par la suite, en 1940, l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique a été modifié en ajoutant à l’art. 91 une nouvelle rubrique, désignée sous le numéro 2A et contenant simplement les mots «L’assurance-chômage». Après cela, la loi antérieurement déclarée nulle a été édictée de nouveau et elle figure maintenant au ch. U-2 des Statuts revisés du Canada de 1970. Nous nous reporterons ci-après aux numéros d’article de ladite revision de 1970 car ces articles sont identiques à la loi qui était en vigueur immédiatement avant la revision.

[Page 1049]

La loi, telle qu’édictée à l’origine après la modification de l’ Acte de l’Amérique du Nord Britannique, et qui figure au ch. 44, 4 George VI, ayant été sanctionnée le 7 août 1940, avait pour objet de diviser les emplois en emplois assurables et en emplois exceptés et les deux catégories distinctes ont été mentionnées aux annexes à la loi initiale. L’art. 14(1) de cette loi initiale prévoyait que si la Commission était d’avis que les termes et conditions de service et la nature du travail d’une catégorie de personnes remplissant un emploi excepté étaient tellement semblables aux termes et conditions de service et à la nature de travail d’une catégorie de personnes remplissant un emploi assurable, elles pouvaient être incluses dans la catégorie de celles remplissant un emploi assurable. Il semblerait donc que jusqu’en 1946, la loi ne visait que les personnes qui, en tant qu’employeurs ou employés, étaient liées par un contrat de service. Cependant, en 1946, le Parlement a ajouté l’art. 14A, adopté par la loi 10 Geo. VI, c. 68, qui se lit comme suit:

14A. La Commission peut, par ordonnance spéciale, déclarer que les termes et conditions de service et la nature du travail d’une personne ou d’un groupe ou catégorie de personnes qui ne sont pas employées en vertu d’un contrat de service sont tellement semblables aux termes et conditions de service et à la nature du travail d’une personne ou d’un groupe ou catégorie de personnes employées en vertu d’un contrat de service qu’il peut en résulter des anomalies ou injustices dans l’application de la loi, et dès lors la personne ou le groupe ou la catégorie de personnes à l’égard de qui la déclaration est faite sont censées employées en vertu d’un contrat de service pour fins de la loi.

Nous verrons que, par cette modification, c’était la première fois que le Parlement étendait la portée de la loi de manière que la Commission puisse, dans les circonstances prescrites à l’art. 14A, inclure dans le champ d’application de la loi des personnes qui n’étaient pas employées en vertu d’un contrat de service.

En 1955, par le ch. 50 des Statuts du Canada de 1955, l’ancienne loi a été abrogée et remplacée par une nouvelle loi. Je cite les art. 25 et

[Page 1050]

26(1) de la loi telle qu’elle a été alors édictée, lesquelles dispositions se retrouvent aux mêmes numéros d’article dans les S.R.C. 1970, c. U-2.

25. L’emploi assurable est celui qui n’est pas compris dans l’emploi excepté et qui est

a) l’emploi au Canada, par un ou plusieurs employeurs, en vertu d’un contrat de service ou d’apprentissage, explicite ou implicite, écrit ou verbal, que les gains de la personne employée soient reçus de l’employeur ou de quelqu’un d’autre, et soient calculés à l’heure ou à la pièce, ou partie à l’heure et partie à la pièce, ou autrement;

b) l’emploi au Canada, décrit à l’alinéa a), sous l’autorité de Sa Majesté, du chef du Canada, ou

c) un emploi inclus dans l’emploi assurable selon l’article 26.

26. (1) Avec l’approbation du gouverneur en conseil, la Commission peut édicter des règlements en vue d’inclure dans l’emploi assurable

a) tout emploi excepté;

b) tout emploi en dehors du Canada ou partiellement en dehors du Canada, lequel, s’il était exercé au Canada, serait un emploi assurable;

c) l’emploi intégral d’une personne qui est occupée par un même employeur, en partie à un emploi assurable et en partie à un autre emploi; et

d) tout emploi, s’il apparaît à la Commission que la nature du travail accompli par des personnes s’adonnant à cet emploi est semblable à la nature du travail accompli par des personnes s’adonnant à un emploi assurable.

En 1956, le ch. 50 des Statuts du Canada de 1956 modifiait l’art. 29(2) d’une façon importante et cet article cité plus bas se retrouve dans les mêmes termes et porte le même numéro dans la revision de 1970. Il se lit comme suit:

29. (2) Nonobstant toute disposition de la présente loi, les règlements établis avec l’approbation du gouverneur en conseil, selon l’article 26, en vue d’inclure parmi les emplois assurables tout emploi dans la pêche peuvent, aux fins de la présente loi, pourvoir

a) à l’inclusion, parmi les assurés, de toute personne adonnée à la pêche (ci-après appelée «pêcheur»), bien qu’elle ne soit pas un employé de quelque autre personne;

b) à l’inclusion, comme employeur d’un pêcheur, de toute personne avec qui ce dernier entre en relations contractuelles ou autres relations commerciales pour ce qui concerne son métier de pêcheur, et

[Page 1051]

c) à toutes autres matières indispensables pour procurer l’assurance-chômage aux pêcheurs.

Prétendant agir sous l’autorité de l’art. 26(1)d) de la Loi sur l’assurance-chômage, la Commission, avec l’approbation du gouverneur en conseil, a édicté l’art. 64A, qui a eu pour effet d’inclure «les barbiers et coiffeurs à leur compte» dans la catégorie de l’emploi assurable, et l’art. 64B des Règlements qui se lit comme suit:

64B. (1) Sauf les emplois exceptés, doit être classé parmi les emplois assurables l’emploi de toute personne qui

a) est employée en qualité de conducteur de taxi, d’autobus commercial ou de tout autre véhicule utilisé par une entreprise privée ou un établissement public pour le transport de personnes, et

b) n’est pas le propriétaire du véhicule, ni le propriétaire ou l’exploitant de l’entreprise privée ou de l’établissement public qui utilise le véhicule pour le transport des personnes,

peu importe que cette personne travaille à son compte ou autrement qu’en vertu d’un contrat de service.

(2) À toutes les fins de la loi et des présents règlements, l’exploitant ou le propriétaire de l’entreprise privée ou de l’établissement public qui utilise un ou des véhicules dont il est question au paragraphe (1) pour transporter des personnes est censé être l’employeur de toute personne dont l’emploi constitue un emploi assurable aux termes du paragraphe (1).

Aussi bien en Cour de l’Échiquier qu’en cette Cour, l’intimée a prétendu que l’art. 64B était ultra vires parce que la loi ne donne à la Commission aucun pouvoir d’édicter des règlements ayant pour objet d’inclure dans la catégorie de l’emploi assurable ceux qui ne sont pas liés par un contrat de service. Ni l’expression «assurance-chômage» ni le terme «emploi» ne sont définis dans la Loi ou dans la Loi d’interprétation. L’art. 2f) qui définit l’expression «emploi assurable» n’est d’aucune utilité puisque l’expression y est simplement définie comme signifiant «un emploi spécifié à l’article 25»; la signification du terme «emploi» n’y est donc pas précisée. Il n’est pas nécessaire de citer les définitions des dictionnaires; il suffit de dire que

[Page 1052]

tous les auteurs de semblables ouvrages s’accordent pour dire que le terme «emploi» a deux sens distincts: soit a) un contrat de service, ou b) l’occupation, le commerce ou le métier qu’exerce une personne. L’intimée prétend, et la Cour de l’Échiquier lui a donné raison sur ce point, qu’il ne faut retenir que le premier sens aux fins de la Loi sur l’assurance-chômage; par contre, la Commission prétend que le terme a été utilisé dans le sens de commerce, métier ou occupation.

Comme je l’ai dit, la loi qui a été remplacée par la présente loi et qui a été édictée par le Parlement en 1935 a été déclarée ultra vires par le Comité judiciaire. Cette loi ne visait que les cas où il y avait un rapport de commettant à préposé, c’est-à-dire, un contrat de service. Cependant, je ne vois rien dans le jugement de Lord Atkin, du Comité judiciaire, qui limite son jugement quant au caractère ultra vires de la loi aux seuls cas où il y a un rapport de commettant à préposé et, d’autre part, je crois qu’un contrat entre un propriétaire de taxi et une personne qui conduit ce taxi en vertu d’un contrat autre qu’un contrat de service serait également un contrat visant la propriété et les droits civils des parties, et que toute intervention par une loi fédérale serait également ultra vires.

Il convient de remarquer que les avocats ont reconnu que la constitutionnalité de l’art. 26 de la Loi sur l’assurance-chômage n’était pas contestée, mais seulement la validité de l’art. 64B des Règlements tel qu’édicté sous l’autorité des dispositions de l’art. 26(1)d) de la loi.

Respectueusement, je pense comme le Juge Walsh que la signification du terme «emploi» doit être recherchée par l’examen méthodique de la loi et l’intention du législateur lorsqu’il a eu recours au langage employé déterminé compte tenu du contexte dans lequel il est utilisé. Je souligne donc que depuis 1946, année de l’adoption de l’art. 14A tel qu’il était conçu à cette époque, la loi y a inclus les cas où aucun

[Page 1053]

contrat de service n’est en vigueur et a utilisé le terme «emploi» pour désigner ces cas aussi bien que ceux où il existe un contrat de service.

A ce stade, l’exemple qui me vient évidemment à l’esprit est l’art. 29(2), qui inclut les pêcheurs travaillant à leur compte dans la catégorie des emplois assurables. Je suis donc d’avis que, au moins depuis 1946 jusqu’à ce jour, le Parlement, dans sa législation concernant l’assurance-chômage, a toujours utilisé le terme «emploi» pour désigner un commerce, un métier ou une occupation et non pas seulement un rapport de commettant à préposé.

L’intimée a exposé deux arguments qu’il faut examiner: premièrement, que ledit art. 14A faisait expressément mention d’un cas où aucun contrat de service n’était en vigueur et que cette mention n’apparaît pas à l’art. 26(1)d) de la présente loi et, deuxièmement, que quand le Parlement désire viser un cas où aucun contrat de service n’est en vigueur, il y pourvoit par modification statutaire faite selon la forme suivie dans le cas de l’art. 29(2) de la loi plutôt que simplement par l’établissement d’un règlement de la Commission de l’assurance-chômage, comme c’est la cas de l’art. 64B des règlements actuels. Relativement à la première allégation, je crois qu’il faut tenir compte de la présentation des divers articles de la présente Loi sur l’assurance-chômage. Aux termes de l’art. 25 c), «l’emploi assurable» doit inclure l’emploi inclus dans l’emploi assurable selon l’art. 26; et l’art. 26 énonce les modalités du droit de la Commission d’inclure dans «l’emploi assurable» l’emploi, au sens de métier ou d’occupation, qui n’y est pas autrement inclus. Ensuite, l’art. 27 énumère l’emploi excepté et l’art. 28 donne à la Commission le pouvoir de retrancher de l’emploi assurable certains emplois ou certaines occupations et de les inclure dans la catégorie de l’emploi excepté. Dans chacun des articles, il me semble qu’on met l’accent sur l’occupation et non sur le contrat de service et je ne vois donc pas la nécessité d’inclure dans l’art. 26(1)d) la mention des cas où il n’y a pas de contrat de service. Par conséquent, je ne puis

[Page 1054]

attribuer à l’omission d’une telle mention les conséquences que l’intimée lui a attribuées dans sa plaidoirie. Quant à la seconde allégation, on a prétendu que quand le Parlement a voulu viser l’emploi de ceux qui travaillent à leur compte dans certaines occupations, il a jugé à propos de procéder par l’adoption de lois et non par voie de réglementation et il a adopté l’art. 29(2) concernant les pêcheurs travaillant à leur compte. Ainsi, il est allégué que le Parlement n’a pas voulu qu’il soit possible d’ajouter, simplement par les règlements censés établis sous l’autorité de l’art. 21d) de la loi, à la catégorie des personnes travaillant à leur compte. Il faut se rappeler que le pouvoir d’ajouter accordé par l’art. 26(1)d) est un pouvoir très limité. Il ne s’applique à tout emploi que s’il apparaît à la Commission que la nature du travail accompli par des personnes s’adonnant à cet emploi est semblable à la nature du travail accompli par des personnes s’adonnant à un emploi assurable. Il se peut fort bien que le Parlement ait été d’avis que la nature du travail accompli par un pêcheur travaillant à son compte qui se sert de son propre bateau et qui vend ensuite, en vertu d’un contrat continu passé avec une usine de traitement du poisson, le poisson qu’il a capturé, est très différente de la nature du travail qu’effectue le conducteur de taxi qui conduit un véhicule appartenant à une compagnie de taxi et qui, en vertu du contrat passé avec la compagnie de taxi, partage ses recettes selon des proportions définies. Croyant que les pêcheurs s’assurant eux-mêmes devaient être protégés par les dispositions de la Loi sur l’assurance-chômage mais ne pouvaient l’être en vertu des règlements édictés sous l’autorité de l’art. 26(1)d), le Parlement a adopté une disposition légale, l’art. 29(2), qui a pourvu à leur inclusion.

Je suis donc d’avis que la mention de ceux qui ne sont pas liés par contrat de service, à l’art. 29(2), ne peut être interprétée comme voulant dire qu’une ordonnance en vertu de l’art. 26(1)d) de la loi ne peut traiter ces personnes.

En passant, je remarque que, bien que le champ d’application de l’art. 26(1)d) de la loi

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soit limité, comme je l’ai signalé, il ne l’est pas autant que celui de l’ancien art. 14A. Ce dernier exigeait une similitude quant aux conditions de travail, aux conditions de service et à la nature du travail. L’art. 26(1)d) de la loi actuelle ne requiert qu’une similitude quant à la nature du travail. Il se peut fort bien que le Parlement ait été d’avis que les termes de l’art. 14A étaient contradictoires pour le motif qu’ils exigeaient une similitude des conditions de travail tout en permettant l’inclusion, dans l’emploi assurable, de personnes qui n’étaient pas employées en vertu d’un contrat de service, et que cette contradiction ait été retranchée du présent art. 26(1)d).

Je donne beaucoup de poids à l’allégation que l’art. 26(1)d) ne peut s’appliquer qu’aux cas où l’emploi, au sens d’occupation, est un emploi autre que celui découlant d’un contrat de service du fait que tous les autres cas sont visés ailleurs dans la loi, y compris les alinéas a), b) et c) du par. (1) de l’art. 26. Le cas qui nous vient automatiquement à l’esprit est celui du transfert d’un emploi de la catégorie des emplois exceptés à celle des emplois assurables. Ce cas est expressément visé par l’art. 26(1) a); l’emploi en dehors du Canada ou partiellement en dehors du Canada est visé par l’art 26(1) b); l’emploi d’une personne qui est occupée en partie à un emploi assurable et en partie à un emploi excepté est visé par l’art. 26(1) c). L’art. 26(2) vise d’autres cas précis.

Je ne serais pas disposé à expliquer la redondance apparente de l’art. 26(1) d), s’il était vrai qu’il ne s’applique pas aux cas où il s’agit de contrats autres que des contrats de service, en me fondant sur la maxime ex abundanti cautela, et je souscris à la déclaration de Lord Halsbury dans Commissioners of Income Tax v. Pemsell[1], à la p. 549:

[TRADUCTION] Mais je ne crois pas qu’il soit loisible à une cour de présumer que la législature a fait une erreur. Quelle que soit la réalité, je crois qu’une cour de justice est tenue de présumer que la législature est une personne parfaite et infaillible.

[Page 1056]

Pour ces motifs, je suis d’avis de répondre comme suit à la question soumise par l’accord intervenu entre les parties:

L’article 64B des Règlements sur l’assurance-chômage est entièrement valide.

Il y a lieu d’accueillir l’appel, la Couronne ayant droit à ses dépens en cette Cour et en Cour de l’Échiquier.

Appel accueilli avec dépens.

Procureur de l’appelante: Donald S. Maxwell, Ottawa.

Procureurs de l’intimée: Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb, Montréal.

[1] [1891] A.C. 531.


Synthèse
Référence neutre : [1974] R.C.S. 1046 ?
Date de la décision : 30/03/1972
Sens de l'arrêt : Le pourvoi doit être accueilli

Analyses

Droit constitutionnel - Règlement - Est-il valide? - Personnes non liées par contrat de travail - Sens du mot «emploi» - Loi sur l’assurance-chômage, S.R.C. 1970 (Can.), c. U-2, art. 25, 26(1)d), 29(2).

La Commission d’assurance-chômage a fait déposer auprès de la Cour de l’Échiquier un certificat réclamant à l’intimée la somme de $9,173.08 pour contributions dues en vertu de la Loi sur l’assurance-chômage, en s’appuyant sur le règlement 64B des règlements de l’assurance-chômage, édicté sous l’autorité de l’art. 26(1)d) de la loi. La Cour de l’Échiquier a déclaré ce règlement nul en partie parce qu’il inclut dans la catégorie de l’emploi assurable des personnes non liées par un contrat de travail, pouvoir qui ne lui serait pas donné par la loi.

Arrêt: Le pourvoi doit être accueilli.

Depuis 1946 jusqu’à ce jour, le Parlement, dans sa législation concernant l’assurance‑chômage, a toujours utilisé le terme «emploi» pour désigner un commerce, un métier ou une occupation et non pas seulement un rapport de commettant à préposé. Il en est de même pour la présente loi et il n’y a pas nécessité d’inclure dans l’art. 26(1)d) la mention des cas où il n’y a pas de contrat de service. L’art. 26(1)d) ne peut s’appliquer qu’aux cas où l’emploi, au sens d’occupation, est un emploi autre que celui découlant d’un contrat de service du fait que tous les autres cas sont visés ailleurs dans la loi, y compris les alinéas a), b) et c) du par. (1) de l’art. 26. Le mention de ceux qui ne sont pas liés par contrat de service, à l’art. 29(2) de la loi, ne peut être interprétée comme voulant dire qu’une ordonnance en vertu de l’art. 26(1)d) ne peut traiter de ces personnes.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Scheer Ltd.
Proposition de citation de la décision: La Reine c. Scheer Ltd., [1974] R.C.S. 1046 (30 mars 1972)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1972-03-30;.1974..r.c.s..1046 ?
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