Cour suprême du Canada
Gunn et al. c. R., [1974] R.C.S. 273
Date: 1972-06-19
Conrad William Gunn et Edward Ponak Appelants;
et
Sa Majesté La Reine Intimée.
1972: le 31 mai et le 1er juin; 1972: le 19 juin.
Présents: Les Juges Martland, Judson, Ritchie, Hall et Spence.
EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE
APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[1] confirmant les déclarations de culpabilité enregistrées contre les appelants. Appel rejeté.
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H. Walsh, c.r. et Jack McGivern, pour les appelants.
S.M. Toy, c.r., pour l’intimée.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE MARTLAND — Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique qui a rejeté l’appel des appelants à l’encontre d’une déclaration de culpabilité pour complot de commettre l’acte criminel de faire le trafic d’un stupéfiant.
En janvier 1970, les appelants, avec Ido Zamai et John McKeoff, ont subi leur procès devant un juge et un jury sous l’accusation d’avoir comploté, avec William T. Smith, Murray Theodore Spreckley et des inconnus, de commettre l’acte criminel de faire le trafic d’un stupéfiant. Le jury n’a pu tomber d’accord et un nouveau procès sur le même acte d’accusation a eu lieu en mai 1970. A ce procès, le jury a déclaré McKeoff coupable et il a acquitté Zamai, mais il n’a pu tomber d’accord sur un verdict quant aux deux appelants.
Le 8 septembre 1970, l’acte d’accusation a été modifié de façon à n’accuser que les deux appelants d’avoir comploté ensemble, et avec Zamai, McKeoff, Smith et Spreckley et des inconnus, de commettre ledit acte criminel. Ils ont subi leur procès devant un juge et un jury et ils ont été déclarés coupables.
Spreckley, qui avait été un témoin de la Couronne, était décédé avant la tenue de ce troisième procès. Lors de ce procès, le juge de première instance a permis, en vertu de l’art. 619 (maintenant l’art. 643) du Code criminel, que le témoignage de Spreckley au procès antérieur soit lu à titre de preuve dans les procédures.
En appel à la Cour d’appel, les Juges d’appel Bull et Taggart ont appliqué les dispositions de l’art. 592 (1)b)(iii) (maintenant l’art. 613 (1) b) (iii)) du Code et ils ont rejeté les appels. Le Juge d’appel Tysoe, étant dissident, n’aurait pas appliqué cette disposition.
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L’autorisation d’appeler à cette Cour a été accordée à l’égard de trois questions de droit:
1. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a-t-elle fait une erreur en n’accueillant pas l’appel des appelants et en n’annulant pas le verdict lorsque, dans l’accusation à l’égard de laquelle les appelants ont été déclarés coupables, Ido Zamai était une partie au complot nommément désignée?
2. Le savant juge de première instance a-t-il fait une erreur de droit en permettant que le témoignage rendu par Murray Theodore Spreckley au cours d’un procès antérieur soit lu comme partie de la preuve de la Couronne en vertu des dispositions de l’article 619 du Code criminel?
3. Le savant juge de première instance a-t-il fait une erreur de droit en ne retranchant pas du témoignage rendu par Murray Theodore Spreckley au cours d’un procès antérieur et lu au cours du procès des appelants en vertu de l’article 619 du Code criminel, ces parties du témoignage dans lesquelles Murray Theodore Spreckley avait témoigné quant aux actes et aux déclarations d’Ido Zamai en l’absence des appelants?
Après que l’avocat des appelants eut exposé oralement ses prétentions devant cette Cour à l’égard de ces trois questions, l’avocat de l’intimée a été prévenu qu’il ne lui serait nécessaire que de traiter de la question n° 3.
Relativement aux faits soulevés par cette question, le Juge d’appel Bull a fait le commentaire suivant:
[TRADUCTION] Quant à Zamai, il m’est facile de conclure que la preuve pas peu considérable appuyant ses rapports avec chacun des appelants, et avec Smith et Spreckly, et le témoignage de ce dernier relativement aux achats de stupéfiants à Zamai, étaient admissibles et ont été régulièrement admis même si, à cause de son acquittement antérieur, les appelants ne pouvaient régulièrement être déclarés coupables d’avoir commis le crime de complot avec lui. Ces preuves étaient pertinentes et importantes en regard de toute la preuve que la Couronne a présentée au jury relativement à la conduite et aux actions des autres personnes qui auraient été des parties ou des participants au complot imputé. C’étaient des preuves qui auraient pu être admises même si Zamai n’avait pas subi son procès pour ce complot ou n’avait pas été nommément désigné comme partie au complot dans l’acte d’accusation. Elles étaient pertinentes et admissibles à titre de maillons importants de
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la chaîne, quant à l’exécution des buts et de l’intention commune du complot imputé, indépendamment de la question de savoir si, oui ou non, Zamai était membre ou partie dans ce complot.
Cependant, à mon avis, la situation est différente en ce qui concerne une certaine conversation dont le contenu a été déposé en preuve, qui aurait pu être préjudiciable et qui n’était admissible que si Zamai était partie au complot avec les appelants. Voir Paradis c. Le Roi [1934] R.C.S. 165; Koufis c. Le Roi [1941] R.C.S. 481. Cette preuve provenait du témoignage de feu Spreckley (versé au dossier par la Couronne) dans lequel celui-ci rapportait une discussion entre lui et Zamai. Après avoir fait état de certaines affaires et certains rapports qu’il avait eus avec Zamai, Spreckley a témoigné comme suit:
[TRADUCTION] «Alors, quand j’ai obtenu une deuxième plante de Zamai, il m’a dit ensuite de communiquer avec Dave Ponak, il m’a indiqué un numéro de téléphone que, et ensuite…».
Cette mention, bien entendu, visait l’appelant Ponak et, à mon avis, il n’aurait pas fallu admettre cette partie du témoignage. En toute équité, je dois dire que l’avocat de la Couronne a proposé de verser au dossier le témoignage de Spreckley en retranchant cette réponse, mais l’avocat de la défense n’a pas accepté cette proposition. Le témoignage n’a pas causé de préjudice à l’appelant Gunn, mais, de toute évidence, il était apparemment préjudiciable a l’appelant Ponak. Cependant, la preuve relative aux événements ultérieurs démontre que l’erreur a eu peu de conséquence. Spreckley a ajouté qu’il a en fait communiqué plus tard avec Ponak par téléphone, qu’il a arrangé un rendez-vous et qu’il lui a acheté directement, à deux reprises au cours des deux ou trois semaines suivantes, un total de 800 capsules d’héroïne pour $4,800 comptant. Vu ce témoignage direct et admissible sur ces rapports avec Ponak, le fait que Zamai lui ait dit de rencontrer cet appelant devient presque non pertinent et certainement de peu de conséquence. Je n’oublie pas que d’autres conversations entre Zamai et Smith et entre Zamai et Spreckley ont été racontées, mais, bien qu’elles ne soient pas admissibles, aucune d’entre elles ne peut être d’aucune façon considérée comme préjudiciable à l’un ou l’autre appelant. Elles se rapportaient toutes aux affaires conclues entre Zamai et Smith ou Spreckley, dont la preuve, ai-je conclu, était admissible, et ne se rapportaient aucunement aux appelants.
À mon avis, et avec respect, la preuve irrégulièrement admise en preuve n’était pas suffisamment importante pour influer sur le verdict et je suis d’avis
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que son omission n’aurait pu d’aucune façon influer sur le verdict du jury. J’appliquerais certainement à l’erreur de droit en question les dispositions de l’article 592(1) b)(iii) du Code criminel, dont je parlerai plus loin dans ce jugement.
Nous sommes tous d’avis que le témoignage relatif aux actes de Zamai pouvait régulièrement être admis. Pour peu qu’il y ait eu une erreur, ce ne serait qu’à l’égard de l’admission en preuve du témoignage relatif aux déclarations de Zamai, en l’absence des appelants. Il n’est pas nécessaire d’exprimer d’avis à ce sujet, et nous nous en abstenons, parce que même si ce témoignage n’était pas admissible, nous souscrivons à l’avis exprimé par le Juge d’appel Bull sur son peu d’importance et nous pensons comme lui que l’art. 592(1) b) (iii) pouvait régulièrement s’appliquer.
Par conséquent, nous sommes d’avis qu’il y a lieu de rejeter l’appel.
Appel rejeté.
Procureurs de l’appelant Gunn: McGivern & McGivern, Vancouver.
Procureur de l’appelant Ponak: G.W. Ponack, Vancouver.
Procureurs de l’intimée: Boyd, King & Toy, Vancouver.
[1] [1972] 1 W.W.R. 401, 5 C.C.C. (2d) 503.