Cour suprême du Canada
Motorways (Ontario) Ltd. c. R., [1974] R.C.S. 635
Date: 1973-05-07
Motorways (Ontario) Limited (Plaignant) Appelante;
et
Sa Majesté La Reine (Défendeur) Intimée.
1973: les 20 et 21 février; 1973: le 7 mai.
Présents: Les Juges Abbott, Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon et Laskin.
EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.
APPEL d’un jugement de la Cour d’appel de l’Ontario[1], annulant une ordonnance d’acquittement et inscrivant une déclaration de culpabilité. Appel rejeté.
Brian A. Crane et Douglas MacLeod, pour l’appelante.
W.J. Parker, pour l’intimée.
Le jugement de la Cour a été rendu par
LE JUGE LASKIN — La compagnie appelante a été accusée d’avoir commis une infraction à l’art. 4 de la Loi sur le dimanche, S.R.C. 1970, c. L-13, en se servant d’un véhicule commercial le dimanche dans le cours ordinaire de son entreprise de transport de marchandises par véhicule automobile. Au moment de l’infraction alléguée, le véhicule impliqué transportait des produits non périssables. La compagnie inculpée a été acquittée par la Cour provinciale pour le motif qu’elle exécutait un «travail nécessaire» qui fait exception aux prohibitions de la Loi, en vertu de l’art. 11 de ladite Loi.
Le juge de première instance a formulé un exposé de cause pour obtenir l’opinion de la Cour suprême de l’Ontario et, outre les faits précités, l’exposé contenait les conclusions suivantes:
[TRADUCTION] (v) L’intimée n’avait pas cherché à obtenir l’autorisation ou la permission de la Commission canadienne des transports d’exploiter son entreprise le 5 septembre 1971, ainsi qu’il est prouvé.
(vi) Le travail exécuté par l’intimée était nécessaire vu: les exigences du fonctionnement de l’intimée; la distance géographique entre les points de départ
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et d’arrivée; les besoins des clients de l’intimée; le bien-être économique de l’intimée; de ses clients et, dans une certaine mesure, aussi, des derniers acheteurs des marchandises transportées; et les exigences de la société et de l’économie modernes.
M. le Juge Grant, après une revue exhaustive de la jurisprudence, a confirmé l’acquittement sur la base des conclusions que voici:
[TRADUCTION] Je conclus donc que le savant juge provincial, en déterminant si les actes de l’intimée le jour en question équivalaient à un travail nécessaire, avait le droit de prendre en considération les besoins des clients de l’intimée aussi bien que ceux des derniers acheteurs des marchandises transportées et les exigences de la société et de l’économie modernes, de même que les autres questions qui lui avaient été soumises dans l’exposé de la cause.
Dans le cadre plus restreint de compétence d’une cour d’appel qui entend un appel par voie d’exposé, je suis incapable de décider que la décision a quo est erronée.
Lors d’un appel subséquent en Cour d’appel de l’Ontario, l’ordonnance d’acquittement fut annulée et une déclaration de culpabilité fut inscrite. M. le Juge d’appel Schroeder, parlant au nom de la Cour, a résumé l’affaire en ces termes:
[TRADUCTION] En donnant à l’expression «travail nécessaire» son sens ordinaire, nous sommes incapables de souscrire aux prétentions de l’avocat de l’intimée voulant que la nécessité ait été établie de façon à permettre à l’intimée de bénéficier de l’exemption prévue à l’art. 11.
La question débattue ici est restreinte. Les actes de l’appelante entraient clairement dans les prohibitions de l’art. 4, sauf s’ils étaient exemptés en vertu de l’art. 11. Les passages pertinents de cette disposition se lisent comme suit:
[TRADUCTION] 11. Nonobstant les dispositions des présentes, une personne peut le dimanche exécuter un travail nécessaire ou se livrer à des œuvres de charité; et pour plus de certitude, mais sans en restreindre cependant le sens ordinaire, l’expression «travaux nécessaires ou œuvres de charité» comprend ici toutes les sortes de travaux suivants:
g) le transport des voyageurs et le travail qu’il nécessite;
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h) l’acheminement vers leur destination des trains et des bâtiments en marche lorsque commence le dimanche, et toute besogne accessoire;
x) le travail que la Commission canadienne des transports, tenant compte des objets de la présente loi et désirant prévenir tous les retards injustifiables, juge nécessaire d’autoriser pour le transport des marchandises par toute entreprise de transport.
La Loi sur le dimanche ne définit pas «travail nécessaire et œuvre de charité» et les catégories hétérogènes d’éléments censés inclus aux al. a) à x) de l’art. 11 ne font pas preuve d’une ligne de conduite suivie. Elles vont des services médicaux y compris les remèdes et médicaments s’y rattachant à des services d’urgence spécifiés; elles comprennent des services publics et de communication et des services de transport spécifiés; la livraison du lait et les opérations se rattachant à la fabrication du sucre et du sirop d’érable dans les érablières; le travail des domestiques et des gardiens; certaines opérations de chargement et de déchargement; tout travail inévitable, tard le dimanche, des pêcheurs et des préposés à la préparation de l’édition du lendemain d’un journal. Même si l’al. g) excepte le transport des voyageurs sans restriction quant aux moyens de transport, il n’existe pas de disposition équivalente concernant le transport des marchandises sauf pour ce qui est compris dans l’al, h) au sujet des trains et bâtiments en marche et ce que peut permettre l’al. x). En supposant que le transport de produits périssables (leur «soin» est prévu à l’al. m)) puisse s’insérer dans l’expression globale «travail nécessaire», il ne s’agit pas de ça en l’espèce.
La preuve n’indique pas quand a commencé la mise en marche en question, et ainsi, même une application par analogie de l’expression «travail nécessaire» à la lumière de l’al. h) est exclue. Dans la mesure où la commodité commerciale ou économique pour le transporteur ou ses clients est sous-jacente à l’exception contenue dans l’al. h), il peut y avoir autant de bonnes raisons de permettre le transport par véhicule automobile qu’il y en a de permettre le service par chemin de fer ou par bateau. Le législateur n’a cependant pas choisi de le permettre au
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moyen d’une exception globale mais il a donné toute latitude à la Commission canadienne des transports d’accorder une exemption en vertu de l’al. x). Puisque en vertu de l’al. x) c’est un travail que la Commission «juge nécessaire» qui peut être exempté et puisqu’il est reconnu que les travaux de l’intimée sont de la compétence de la Commission, je ne puis accepter la prétention de la compagnie appelante qu’elle peut à bon droit invoquer l’expression globale «travail nécessaire» figurant à l’art. 11.
Si, comme je pense que c’est le cas, la compagnie appelante ne peut pas se prévaloir d’une exemption en vertu de l’art. Il en tant qu’entreprise se rattachant au transport, il n’y a rien d’autre dans les faits de la présente affaire qui pourrait lui donner droit à une exemption, pas plus à elle qu’à toute autre personne qui exploite une entreprise et qui jugerait commode de faire des affaires le dimanche, ou qui voudrait plaire à ses clients qui le lui ont demandé. Le Parlement en a décidé autrement.
Je suis d’avis de rejeter le pourvoi.
Appel rejeté.
Procureurs de l’appelante: Trivett, Morris, Bright & Co., Toronto.
Procureur de l’intimée: Le Procureur général de l’Ontario, Toronto.
[1] [1972] 3 O.R. 659, 8 C.C.C. (2d) 524.