Synthèse
Référence neutre : [1975] 2 R.C.S. 426
Date de la décision :
02/10/1973Sens de l'arrêt :
Le pourvoi doit être rejeté
Analyses
Droit criminel - Plaidoyer de culpabilité au procès - Devoir du juge de première instance - Avocat de service de l’aide juridique - Discrétion du juge de première instance d’entendre des témoignages.
L’appelant s’est avoué coupable sous plusieurs accusations de faux semblant, une accusation de fraude et une accusation de vol avec effraction. L’appelant était représenté par un avocat de l’aide juridique. Après l’inscription du plaidoyer, les faits qui ont donné lieu à chacune des accusations furent relatés par un agent de police et l’appelant a eu l’occasion de s’expliquer. L’appelant a été reconnu coupable. Aucune demande de changement de plaidoyer n’a été faite à l’audience. L’appelant a interjeté appel à la Cour d’appel qui a accueilli l’appel quant à une des accusations et a rejeté l’appel quant à toutes les autres. La question est de déterminer si, après avoir entendu l’explication, le juge a eu tort de ne pas rayer les plaidoyers de culpabilité et d’ordonner l’instruction des accusations portées.
Arrêt (Les Juges Spence et Laskin étant dissidents): Le pourvoi doit être rejeté.
Les Juges Judson, Ritchie et Dickson: Il y a deux étapes de la procédure où, en ce qui a trait à l’acceptation d’un plaidoyer de culpabilité, le pouvoir discrétionnaire du juge de première instance entre en jeu, premièrement lorsque l’accusation est lue à l’inculpé et que le plaidoyer est inscrit et deuxièmement, après l’audition des témoins, si le juge choisit d’en entendre. Un juge de première instance n’est pas tenu, en droit, de faire enquête dans tous les cas après l’inscription d’un plaidoyer de culpabilité. Si toutefois des témoignages sont entendus, ils peuvent indiquer que l’accusé n’a jamais eu l’intention d’admettre un fait qui est un élément essentiel de l’infraction dont il est accusé, ou qu’il s’est mépris sur les conséquences d’un plaidoyer de culpabilité, ou qu’il n’a jamais eu la moindre intention de s’avouer coupable; dans l’un ou l’autre de ces cas, le juge peut, à sa discrétion, ordonner qu’un plaidoyer de non-culpabilité soit ins-
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crit ou permettre à l’accusé de changer son plaidoyer pour un plaidoyer de non‑culpabilité. On n’interviendra pas à la légère si cette discrétion est exercée de façon judiciaire. Un appelant peut cependant changer par la suite son plaidoyer s’il peut convaincre la cour d’appel qu’il existe des motifs valables pour lui permettre de le faire.
A l’examen des accusations auquel l’appelant a plaidé coupable, ni les faits admis ni les déclarations faites à la suite des plaidoyers de culpabilité, ne justifient une intervention dans l’exercice de la discrétion du juge de première instance.
Les Juges Spence et Laskin, dissidents: Le litige en l’espèce et le fondement de l’appel en cour d’appel est de savoir si le juge de première instance a commis une erreur de droit en permettant que les aveux de culpabilité subsistent. L’accusé n’était pas représenté par un avocat jusqu’à ce que, à sa troisième comparution en cour et à son procès qui a eu lieu à ce moment-là, un avocat de service l’assiste. The Legal Aid Act, R.S.O. 1970, c. 239, modifié, ne donne pas de précisions sur l’avocat de service mais l’effet de l’al. b) de l’art. 21 qui prévoit la nomination de l’avocat de service est bien différent des dispositions centrales de la loi qui donnent aux personnes accusées d’actes criminels le droit de demander des certificats d’aide juridique et d’obtenir d’être pleinement représentées par un avocat. Le juge de première instance savait que c’était un avocat de service qui comparaissait pour l’accusé. Le fait que le juge de première instance ne s’est pas enquis si l’avocat de service avait eu l’occasion de conférer avec l’accusé et de s’assurer des faits sur lesquels reposent les accusations, et si l’accusé consentait à se faire représenter par lui advenant qu’il s’avouait coupable, est suffisant pour infirmer les condamnations et ordonner un nouveau procès. Lors d’une enquête sur les faits entourant un plaidoyer de culpabilité, le juge de première instance doit s’assurer que l’accusé comprend la nature de l’accusation et ses conséquences et avoue sans équivoque sa culpabilité, le ministère public doit à son tour fournir des faits qui, présumés vrais, étayent l’accusation et la déclaration de culpabilité. En l’espèce, d’après les faits narrés par le ministère public, il y a un doute suffisant quant aux éléments de l’infraction pour justifier la radiation du plaidoyer.
[Arrêts mentionnés: Brosseau c. La Reine, [1969] R.C.S. 181; R. v. Milina (1946), 86 C.C.C. 374; Thibodeau c. La Reine, [1955] R.C.S. 646; R. v. Forde (1923), 17 Cr. App. R. 99; R. c. Bamsey, [1960] R.C.S. 294; R. c. Slymkowich, [1954] R.C.S. 606.]
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POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario rejetant un appel d’une condamnation sous plusieurs accusations de fraudes et de vol avec infraction. Pourvoi rejeté, les Juges Spence et Laskin étant dissidents.
E.L. Schofield, pour l’appelant.
R.M. McLeod, pour l’intimée.
Le jugement des Juges Judson, Ritchie et Dickson a été rendu par
LE JUGE DICKSON — L’appelant s’est avoué coupable devant un juge de la Cour provinciale sous plusieurs accusations de faux semblant, une accusation de fraude, et une accusation de vol avec effraction. L’appelant était représenté par un avocat de l’Aide juridique. Après l’inscription du plaidoyer, les faits qui ont donné lieu à chacune des accusations furent relatés par un agent de police et l’appelant a eu l’occasion de s’expliquer. La question dans le présent appel est de déterminer si, après avoir entendu l’explication, le juge a eu tort de ne pas rayer les plaidoyers de culpabilité et ordonner l’instruction des accusations portées. Aucune demande de changement de plaidoyer n’a été faite à l’audience.
Le juge a accepté les plaidoyers de culpabilité sur toutes les accusations portées et il a condamné l’appelant à une peine de trois mois sur l’accusation de vol avec effraction; en ce qui a trait aux autres accusations, l’appelant a été condamné à une année de probation avec sursis de peine et ordonnance restitutoire. L’appelant a interjeté appel à la Cour d’appel de l’Ontario. La Cour d’appel a accueilli l’appel quant à une des accusations et a rejeté l’appel quant à toutes les autres.
Il y a deux étapes de la procédure où, en ce qui a trait à l’acceptation d’un plaidoyer de culpabilité, le pouvoir discrétionnaire du juge de première instance entre en jeu: premièrement, lorsque l’accusation est lue à l’inculpé et qu’un plaidoyer de culpabilité est inscrit, et, deuxièmement, après l’audition des témoins, si le juge
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choisit d’en entendre. Lorsqu’un plaidoyer de culpabilité est offert par l’inculpé ou par quelqu’un en son nom, le juge de première instance peut accepter ce plaidoyer ou ne pas l’accepter. Cette Cour a décidé dans l’affaire Brosseau c. La Reine[1], qu’un juge de première instance n’est pas tenu, en droit, de faire enquête dans tous les cas après l’inscription d’un plaidoyer de culpabilité. Dans cette affaire-là, l’accusé était un Indien qui n’avait que deux années de scolarité. Il fut accusé de meurtre qualifié, accusation à laquelle il plaida initialement non-coupable. Plus tard, après plusieurs entrevues avec son avocat, il s’avoua coupable de meurtre non qualifié et fut condamné à l’emprisonnement à perpétuité. Il interjeta ensuite appel pour le motif qu’il n’avait pas compris qu’une déclaration de culpabilité de meurtre non qualifié entraînait une peine d’emprisonnement à perpétuité, et qu’il avait consenti à s’avouer coupable de l’infraction moindre à cause de sa peur de la pendaison. M. le Juge en chef Cartwright a déclaré (aux pp. 188-9):
[TRADUCTION] Il n’y a aucun doute que lorsqu’un plaidoyer de culpabilité est offert et qu’il y a raison de douter que l’accusé comprend ce qu’il fait, le juge ou le magistrat fera une enquête pour s’assurer qu’il comprend, et l’ampleur de cette enquête variera selon la gravité de l’accusation à l’égard de laquelle l’accusé plaide.
M. le Juge en chef Cartwright a approuvé l’énoncé de M. le Juge d’appel Sidney Smith dans l’affaire R. c. Milina[2], et il a conclu à la p. 190:
[TRADUCTION] L’omission de faire l’enquête requise peut être un motif sur lequel la Cour d’appel s’appuiera pour exercer le pouvoir qu’elle possède de permettre le retrait du plaidoyer de culpabilité s’il appert que l’accusé n’a pas complètement compris la nature de l’accusation ou l’effet de son plaidoyer ou si la chose est laissée dans le doute; mais à mon avis, on ne peut pas dire que lorsque, comme dans le présent cas, un accusé est représenté par un avocat et s’avoue coupable de meurtre non qualifié, le juge de première instance est tenu en droit de l’interroger avant d’accepter le plaidoyer.
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Si le juge de première instance choisit d’entendre des témoignages, dans le but de s’assurer que les accusations sont bien fondées ou afin de se familiariser avec les faits pertinents avant d’imposer une sentence, la preuve peut indiquer que l’accusé n’a jamais eu l’intention d’admettre un fait qui est un élément essentiel de l’infraction dont il est accusé, ou qu’il s’est mépris sur les conséquences d’un plaidoyer de culpabilité, ou qu’il n’a jamais eu la moindre intention de s’avouer coupable; dans l’un ou l’autre de ces cas, le juge peut, à sa discrétion, ordonner qu’un plaidoyer de non-culpabilité soit inscrit ou permettre à l’accusé de retirer son plaidoyer initial et d’en offrir un nouveau.
La discrétion du juge de première instance est une discrétion dans laquelle, [TRADUCTION] «si elle est exercée de façon judiciaire, on n’interviendra pas à la légère». Par M. le Juge Cartwright (alors juge puîné) dans l’affaire Thibodeau c. La Reine[3], à la p. 654.
L’avocat de la Couronne a soutenu que le critère qu’il faut appliquer est celui qu’a formulé M. le Juge Avory dans l’affaire R. c. Forde[4]:
[TRADUCTION] Un aveu de culpabilité ayant été inscrit, cette Cour peut seulement connaître d’un appel d’une déclaration de culpabilité s’il appert (1) que l’appelant n’a pas compris la nature de l’accusation, ou n’avait pas l’intention d’avouer sa culpabilité à l’égard d’icelle; ou (2) que d’après les faits reconnus, il n’aurait pu, en droit, être déclaré coupable de l’infraction dont il était accusé.
Respectueusement, à mon avis c’est définir la règle de façon trop étroite. Je ne vois aucunement pourquoi le droit qu’a la Cour de permettre le retrait d’un aveu de culpabilité doit nécessairement être restreint aux faits «reconnus». Des déclarations faites au cours de l’enquête à la suite d’un aveu de culpabilité peuvent, même si le ministère public ne les admet pas, autoriser la Cour à rejeter le plaidoyer de culpabilité et à tenir un procès.
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Cette Cour dans l’affaire La Reine c. Bamsey[5], à la p. 298, a décidé qu’un accusé peut changer son plaidoyer s’il peut convaincre la cour d’appel [TRADUCTION] «qu’il existe des motifs valables pour lui permettre de le faire.» Il ne serait pas sage de tenter de définir tout ce qui pourrait entrer dans l’expression «motifs valables». J’ai indiqué plus haut quelques-unes des circonstances qui pourraient autoriser la Cour à permettre un changement de plaidoyer. Les exemples donnés ne se veulent pas exhaustifs.
Passant maintenant aux accusations dont l’appelant s’est avoué coupable; celles se rapportant aux faux semblants peuvent être réglées sans difficulté. Elles se rapportent à une bague obtenue pour $150 de Henry Birks & Sons Limited à Oshawa au moyen d’un chèque sans provision. La bague fut subséquemment retournée à Birks. L’appelant n’a fourni aucune explication au sujet de cette accusation. Deux accusations avaient trait à l’obtention de marchandises, par faux semblant, de S.S. Kresge Company. L’agent a témoigné que la marchandise avait été obtenue au moyen de chèques sans provision. L’appelant a expliqué qu’il savait, lorsqu’il a fait les chèques, qu’il n’avait pas suffisamment d’argent en banque pour les couvrir. Il avait l’intention d’obtenir de l’argent de sa tante et de le déposer le jour suivant pour couvrir les chèques. Deux autres accusations portaient également sur l’obtention de marchandises par faux semblant au moyen de chèques sans provision. L’appelant n’a fourni aucune explication. Dans la mesure où ce groupe d’accusations est concerné, par conséquent, on voit que l’accusé s’est avoué coupable et soit n’a fourni aucune explication soit a expliqué avoir eu l’intention d’obtenir de l’argent de sa tante. Il entrait dans le pouvoir discrétionnaire du juge de première instance d’accepter ou de rejeter cette explication en décidant s’il allait rayer les aveux de culpabilité. Je ne suis pas disposé à intervenir dans l’exercice de sa discrétion.
Une autre accusation qui, à mon sens, peut être réglée facilement porte que l’appelant a fraudé Texaco Oil Ltd. et Peter Farano de mar-
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chandises évaluées à $674.30. L’agent a témoigné que l’appelant, vers le mois d’avril 1970, était l’associé d’un dénommé René Cornu. La société fut dissoute vers la fin d’avril et M. Cornu a donné à l’appelant la permission d’utiliser le véhicule de Cornu. Il a remis à l’appelant une carte de crédit de Texaco pour acheter de l’essence pour l’automobile. Le prêt ne devait valoir que pour une période de deux jours. L’automobile fut remise à Cornu deux jours plus tard mais les tentatives de ce dernier pour reprendre la carte de crédit furent vaines. L’appelant s’est servi de la carte pour faire effectuer des réparations importantes à son propre véhicule à moteur. L’appelant a dit qu’il n’avait pas compris que le prêt de la carte était pour une durée de deux jours seulement, mais il n’a pas nié que le but du prêt se limitait à l’achat d’essence pour l’automobile que Cornu lui avait prêtée. A mon avis, le juge a eu raison d’accepter le plaidoyer par lequel l’appelant s’avouait coupable de cette accusation.
Finalement, l’appelant fut accusé d’avoir pénétré par effraction illégalement dans le chalet de René Cornu et d’y avoir commis un vol. L’agent a témoigné que la sûreté provinciale de l’Ontario a trouvé l’appelant et une jeune femme dans le chalet de Cornu et que l’appelant avait consommé une certaine quantité d’alcool appartenant à Cornu. M. Cornu était revenu de l’Université Cornell à l’improviste. L’appelant a expliqué à la Cour que lui-même et Cornu avaient antérieurement été associés en affaires. Il avait été entendu que le chalet serait loué pour la saison d’été, mais environ sept jours avant le départ de Cornu pour l’Université Cornell, lui et l’appelant se sont disputés et, pour reprendre les termes de l’appelant, [TRADUCTION] «j’ai découvert qu’il n’était plus mon ami». Nonobstant, l’appelant, d’après son explication, est allé au chalet pour un motif qu’il n’a pas expliqué, s’est rendu compte que l’herbe avait poussé jusqu’à hauteur de taille, a dit à l’amie de Cornu qu’il allait couper l’herbe et rendre le chalet habitable. Il est resté au chalet du mardi matin jusqu’au vendredi alors que Cornu est revenu inopinément, accompagné d’un agent de police. Cornu a demandé à l’appe-
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lant ce qu’il faisait là; à cela l’appelant dit lui-même, [TRADUCTION] «je n’ai pas su quoi dire». En expliquant comment il est entré, l’appelant a déclaré que la porte du chalet était fermée à clé, mais que la serrure n’était pas engagée. Il avait déjà eu une clé mais Cornu la lui avait apparemment retirée.
Pour déterminer si le juge a commis une erreur en ne rayant pas le plaidoyer de culpabilité inscrit par l’appelant, il faut tenir compte de la signification et de l’effet d’un plaidoyer de culpabilité. En plaidant coupable, un accusé reconnaît avoir fait ce dont il est accusé. Par son plaidoyer en la présente espèce, l’appelant a admis avoir pénétré par effraction dans le chalet appartenant à Cornu et y avoir commis un vol. Son explication a servi à confirmer l’effraction et l’entrée; il n’a pas nié le vol. Le meilleur moyen de défense que l’appelant peut offrir est qu’il croyait avoir une apparence de droit de faire ce qu’il a fait. Le chalet, cependant, appartenait à Cornu. Les relations d’affaires et l’amitié qui avaient existé plus tôt avaient pris fin. Cornu s’était fait remettre par l’appelant la clé du chalet. Lorsque l’appelant fut appelé à expliquer sa présence à Cornu et à l’agent de police, il ne sut pas quoi dire. Dans ces conditions, il est difficile de trouver une base quelconque sur laquelle une allégation d’apparence de droit pourrait valablement se fonder: voir La Reine c. Shymkowich[6].
Je suis d’avis de rejeter le pourvoi.
Le jugement des Juges Spence et Laskin a été rendu par
LE JUGE LASKIN (dissident) — Ce pourvoi, interjeté ici avec permission de cette Cour, pose les questions de savoir si des plaidoyers de culpabilité, offerts par l’accusé relativement à un certain nombre d’accusations pour lesquelles il avait choisi de subir son procès devant un juge provincial, auraient dû ne pas être inscrits sans enquête préalable ou auraient dû être rayés et des plaidoyers de non-culpabilité inscrits. Lorsqu’il a comparu devant le juge provincial le 10 février 1971, l’accusé a fait face à dix accu-
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sations: une de fraude, une de vol avec effraction, cinq d’obtention par de faux semblants, une de vol relatif à une valeur ne dépassant pas $50, une de possession illégale et une de conduite imprudente d’un véhicule à moteur. Il y avait un rapport entre l’accusation de vol et celle de possession, et la première a été retirée à la suite de ce qu’a dit l’accusé lorsque son plaidoyer a été reçu. Il fut déclaré coupable sous tous les autres chefs d’accusations. En appel à la Cour d’appel de l’Ontario, sa condamnation sous l’accusation de possession fut écartée et un acquittement fut inscrit, mais l’appel fut pour le reste rejeté.
En cette Cour, on conteste les déclarations de culpabilité prononcées sous l’accusation de vol avec effraction, l’accusation de fraude et les cinq accusations d’obtention par de faux semblants. L’accusé, qui était âgé de 21 ans à l’époque et n’avait pas de casier judiciaire, fut représenté par un avocat de service présent en cour le 10 février 1971. L’avocat de la Couronne a très équitablement admis que le juge du procès n’a pas traité les accusations séparément et n’a pas demandé à l’accusé de s’expliquer sur chacune d’elles, et que tout s’est déroulé de façon quelque peu impérieuse. Après les aveux de culpabilité, un inspecteur de la police fut appelé par le ministère public pour donner un compte rendu des enquêtes sur les divers événements qui ont donné lieu aux accusations. Après que celui-ci eut conclu sa narration, l’avocat de la Couronne paraît avoir assumé la direction de l’affaire, demandant à l’accusé s’il contestait quelque chose; après avoir reçu une réponse négative, il lui a demandé: [TRADUCTION] «Très bien. Quelle est votre version?» L’accusé a commencé à parler et le juge de première instance lui dit alors: [TRADUCTION] «Approchez si vous désirez dire quelque chose». Le procès-verbal fait alors voir que l’accusé fut interpelé et assermenté et qu’il a rendu son témoignage qui est reproduit dans la transcription des notes sténographiques. Seul le juge l’a interrogé. Puis l’avocat de la Couronne a déclaré qu’il n’avait pas de questions à poser, et la Cour a demandé à l’avocat de service s’il désirait interroger l’accusé et ledit avocat a répondu qu’il n’avait pas de questions mais désirait faire quelques observations, qui ont toutes porté sur la sentence.
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Il ne s’agit pas d’une affaire dans laquelle l’accusé a cherché à retirer ses aveux de culpabilité et où sa demande a été rejetée; il ne s’agit pas non plus d’une affaire où le juge de première instance a considéré la question d’un changement de plaidoyer et, dans sa discrétion, a refusé de l’accorder. Ce qui est allégué ici, et qui a constitué le fondement de l’appel en Cour d’appel de l’Ontario, c’est que le juge de première instance a commis une erreur de droit en permettant que les aveux de culpabilité subsistent.
L’accusé n’était pas représenté par un avocat jusqu’à ce que, à sa troisième comparution en cour et à son procès qui a eu lieu à ce moment-là, un avocat de service l’assiste. Le dossier ne fait pas voir quand l’avocat de service a parlé à l’accusé pour la première fois ni les occasions qu’il a eues de conférer avec l’accusé, ou de conférer au nom de ce dernier avec l’avocat de la Couronne. Pour ce qui est de l’accusation de conduite imprudente d’un véhicule à moteur, dont cette Cour n’est pas saisie, c’est l’avocat de service qui a répondu, lorsqu’il fut demandé à l’accusé quel était son plaidoyer, que l’accusé s’avouait coupable. Deux accusations de faux semblant furent alors lues, et lorsqu’on lui a demandé quel était son plaidoyer à cet égard, l’accusé a dit [TRADUCTION] «Je ne sais pas au sujet de l’une d’elles. Coupable, je suppose.» Sur quoi l’avocat de service a dit, [TRADUCTION] «Ne faites de supposition. Ne me faites de faveur». L’accusé a dit alors «coupable», mais après une intervention de la part de l’avocat de la Couronne, il a dit «Je veux m’expliquer la-dessus. Il y a une explication à cela». Le juge de première instance a fait une observation et l’accusé a dit «Puis-je dire ce qui est arrivé?» Ce à quoi la Cour a répondu «Vous pouvez prendre toute l’avant-midi pour dire ce qui est arrivé». Après quoi l’avocat de la Couronne a demandé à l’accusé comment il plaidait à ces deux accusations et l’accusé a dit «Coupable».
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Quand il a donné sa version des faits, tels qu’il les comprenait, sur le sujet de l’accusation de vol avec effraction, l’agent de police a parlé d’une déclaration volontaire faite par l’accusé; à ce moment-là l’avocat de la Couronne l’a interrompu pour dire «Ca ne vaut pas la peine de parler de cela. Nous sommes d’accord qu’il n’avait la permission de personne pour être là. Continuez». Rien n’indique à qui s’appliquait le «nous», mais s’il est pris littéralement comme se référant à un accord, plutôt que comme observation sur la conclusion que les autorités chargées de la poursuite ont tirée de leur enquête, il faut y voir une allusion à un accord conclu avec l’avocat de service. Non seulement ce dernier est-il demeuré muet, mais l’accusé, lorsqu’il a prêté serment, a donné un compte-rendu des circonstances dans lesquelles il s’est introduit dans les lieux en question (un chalet appartenant à un ancien associé d’affaires), et celles-ci indiquent un moyen de défense possible d’apparence de droit. Il est difficile dans ces conditions de conclure que l’appelant était forclos en raison d’un accord avec son avocat de service, si vraiment ce dernier a acquiescé au nom de l’accusé à ce qu’a dit l’avocat de la Couronne.
J’ai exposé ces choses parce que, à mon avis, lorsqu’on demande à un accusé, comme c’est ici le cas, d’offrir un plaidoyer sur une série d’accusations, le fait qu’il est représenté par un avocat ou qu’il ne l’est pas a un rapport avec le devoir imposé à un juge de première instance relativement aux aveux de culpabilité. Me fondant sur le dossier des procédures en cette affaire, je suis d’avis que même si l’accusé avait été représenté par un avocat dont il avait retenu les services, ce serait, de la part du juge de première instance, commettre une erreur de droit que de ne pas inscrire de plaidoyer de non-culpabilité à l’égard d’une accusation si l’accusé indique vouloir contester celle-ci au moment du plaidoyer, ou s’il appert plus tard que les faits n’étayent pas l’accusation ni l’aveu de culpabilité y afférent. Cela n’a absolument rien à voir avec l’obligation préalable d’un juge de première instance de se faire confirmer, spécialement par un accusé qui n’est pas représenté, que tout aveu de culpabilité est volontaire et fondé sur
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une appréciation de la nature des accusations et des conséquences de semblable aveu. D’après le point de vue qui vient d’être exprimé sur le droit (et je me propose d’examiner les précédents), les deux questions qui se posent sont de déterminer si l’accusé devait être traité ici comme s’il était représenté par un avocat dont il avait retenu les services quand c’est un avocat de service qui comparaissait avec lui et, si c’était le cas, de déterminer si le déroulement de l’affaire obligeait le juge de première instance à ne pas inscrire les plaidoyers ou à rouvrir l’appel des plaidoyers.
La loi dite Legal Aid Act, R.S.O. 1970, c. 239, modifiée, ne donne pas de précisions sur l’avocat de service. L’article 21, al. b), prévoit l’établissement d’un tableau d’avocats devant agir comme avocats de service. C’est une chose bien différente des dispositions centrales de la loi qui donnent aux personnes accusées d’actes criminels le droit de demander des certificats d’aide juridique et d’obtenir d’être pleinement représentées par un avocat. C’est le règlement établi en vertu de cette loi qui énonce les fonctions de l’avocat de service. L’art. 69 du Règlement (R.R.O. 1970, Règlement 557) prévoit:
[TRADUCTION] Lorsqu’une personne a été amenée en détention ou a reçu une sommation et a été accusée d’une infraction, elle peut obtenir avant de comparaître à l’accusation l’assistance d’un avocat de service qui doit,
a) l’aviser de ses droits et prendre les mesures que les circonstances exigent pour protéger ses droits, y compris la représenter dans une demande de renvoi ou d’ajournement ou de cautionnement ou lors de l’inscription d’un aveu de culpabilité et faire des observations concernant la sentence lorsqu’un plaidoyer de culpabilité a été inscrit…
J’ai déjà dit que le dossier de la présente affaire n’indique pas à quel moment l’avocat de service a commencé à s’occuper de l’accusé. Il indique, cependant, que la Cour savait que c’était un avocat de service qui comparaissait pour l’accusé et avec lui. Dans un tel cas, je crois obligatoire que le juge de première instance s’enquière si l’avocat de service a eu l’occasion de conférer avec l’accusé et de s’assurer des faits sur lesquels reposent les accusations, et si l’accusé
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consent à se faire représenter par lui et à le laisser parler en son nom advenant que, sur le conseil de l’avocat de service, il s’avoue coupable. Le dossier ne fait pas état de semblable enquête dans la présente affaire.
Selon moi, cela suffit en soi à faire avorter les procédures et à imposer l’annulation des condamnations et la tenue d’un nouveau procès. Même en supposant que l’accusé fût aussi pleinement représenté que s’il l’avait été par un avocat de son choix, je suis d’avis, sur la deuxième question posée plus haut, que dans les circonstances de la présente affaire les aveux de culpabilité n’auraient pas dû être inscrits. Il me convient de commencer ma revue des précédents avec l’énoncé bien connu qu’a fait le Juge Avory dans l’affaire R. v. Forde[7]. Nous sommes ici dans le domaine du droit jurisprudentiel seulement parce que le Code criminel canadien reste muet sur la procédure que doit suivre un juge de première instance avant d’accepter un aveu de culpabilité, ou au moment de l’accepter, ou après l’avoir accepté. Par contraste, la règle 11 des Federal Rules of Criminal Procedure aux États-Unis dit ce qui suit:
[TRADUCTION] Un défendeur peut plaider non coupable, plaider coupable ou, avec le consentement de la cour, inscrire un plaidoyer de nolo contendere. La cour peut refuser un plaidoyer de culpabilité, et elle ne doit pas accepter semblable plaidoyer ou un plaidoyer de nolo contendere sans d’abord s’adresser au défendeur personnellement et s’assurer que le plaidoyer est fait volontairement avec compréhension de la nature de l’accusation et des conséquences du plaidoyer. Si un défendeur refuse de plaider ou si la cour refuse d’accepter un plaidoyer de culpabilité ou si un défendeur fait défaut de comparaître, la cour doit inscrire un plaidoyer de non-culpabilité. La cour ne doit pas inscrire de jugement après un plaidoyer de culpabilité à moins qu’elle soit convaincue que le plaidoyer est fondé sur des faits.
Et en Australie, l’art. 600 du Code criminel du Queensland, (il existe une disposition similaire en Australie occidentale) prévoit que:
[TRADUCTION] S’il plaide non coupable, la Cour, une fois qu’elle est convaincue qu’il a dûment reconnu devant les juges de paix qu’il était coupable
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de l’infraction dont fait état l’acte d’accusation, est tenue d’ordonner qu’un plaidoyer de culpabilité soit inscrit, nonobstant son plaidoyer de non-culpabilité. Un plaidoyer ainsi inscrit a le même effet que s’il avait été effectivement offert.
Si la Cour n’a pas cette conviction ou si, nonobstant que l’accusé avoue sa culpabilité, il semble à la Cour après examen des dépositions des témoins qu’il n’a pas en fait commis l’infraction dont il est fait état dans l’acte d’accusation, ni d’autre infraction dont il aurait pu être déclaré coupable sous l’acte d’accusation, un plaidoyer de non-culpabilité doit être inscrit, et le procès tenu comme dans les autres cas où ce plaidoyer-là est offert.
En vertu des dispositions respectives précitées, le juge de première instance est placé dans l’obligation d’enquêter sur le bien-fondé d’un aveu de culpabilité; la nature de l’enquête est, aux termes des dispositions respectives, différente pour chacune d’elles.
L’affaire R. v. Forde portait sur un appel d’une déclaration de culpabilité prononcée sur la base d’un plaidoyer de culpabilité relatif à une inculpation, dans un acte d’accusation inculpant aussi l’accusé de l’infraction d’avoir eu avec la même personne des rapports sexuels illicites, d’attentat à la pudeur sur la personne d’une jeune fille de moins de 16 ans. Le poursuivant avait choisi de ne pas procéder plus avant sur l’acte d’accusation, et la question posée en appel était de savoir si la déclaration de culpabilité pouvait être maintenue si l’accusé avait un moyen de défense complet en droit et en fait quant aux rapports sexuels. Abordant la question de savoir si la Court of Criminal Appeal pouvait connaître de l’appel vu l’aveu de culpabilité, M. le Juge Avory a énoncé deux propositions (qui en fait en sont trois) comme suit:
[TRADUCTION] Un aveu de culpabilité ayant été inscrit, cette Cour peut seulement connaître d’un appel de la déclaration de culpabilité s’il appert (1.) que l’appelant n’a pas compris la nature de l’accusation, ou n’avait pas l’intention d’avouer sa culpabilité à l’égard d’icelle, ou (2.) que d’après les faits reconnus, il n’aurait pu, en droit, être déclaré coupable de l’infraction dont il était accusé.
En vertu de ces propositions, une cour d’appel doit intervenir pour écarter une déclaration de
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culpabilité prononcée à la suite d’un plaidoyer de culpabilité s’il arrive que (1) l’accusé n’a pas compris la nature de l’accusation avant de plaider; ou (2) l’accusé n’a pas, de façon non équivoque, plaidé coupable à l’accusation dont il comprenait bien la nature; ou (3) l’accusé, d’après les faits offerts à l’appui de l’accusation, ne peut en droit être reconnu coupable de l’infraction dont il est accusé.
Les deux premières propositions précitées font ressortir une obligation du juge de première instance de s’assurer avant qu’il n’inscrive un plaidoyer quelconque, que l’accusé comprend la nature de l’accusation ou des accusations portées contre lui et avoue sans équivoque sa culpabilité à leur égard. La troisième proposition a trait à un aspect différent de la question, puisqu’elle se rapporte non pas à la nature de l’accusation ou à la non-ambiguïté du plaidoyer, mais plutôt aux faits nécessaires pour étayer une déclaration de culpabilité; en bref, elle a trait à la justesse du plaidoyer quant aux faits et non à son caractère volontaire et à son appréciation. En outre, cette troisième proposition dépend de faits relatés devant le juge de première instance à la suite du plaidoyer.
Un plaidoyer de culpabilité comporte en soi l’aveu que l’accusé qui l’offre a commis le crime imputé, de même qu’un consentement à ce qu’une déclaration de culpabilité soit inscrite sans procès d’aucune sorte. L’accusé, par un tel plaidoyer, délie le ministère public de l’obligation de prouver la culpabilité au-delà d’un doute raisonnable, abandonne son privilège de ne pouvoir être contraint à témoigner et son droit de rester muet, et renonce à son droit de faire une réponse et défense complète à l’encontre d’une accusation. Il est donc important que le plaidoyer soit fait volontairement et avec pleine compréhension de la nature de l’accusation et de ses conséquences et qu’il soit non équivoque. A ces égards, le fait d’être représenté par un avocat est une considération importante; mais puisque le plaidoyer est celui de l’accusé et non celui de son avocat, un juge de première instance doit encore s’assurer des choses précitées.
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Celles-ci ne mettent pas immédiatement en cause des questions de fait qui peuvent, cependant, se poser si l’accusé tente de nuancer son aveu de culpabilité par des commentaires explicatifs soit au moment où il fait l’aveu soit plus tard avant la fin des procédures.
Ce devoir-là du juge de première instance, plus ou moins dans les termes énoncés, a été étudié par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans une série de causes, qui a culminé dans l’arrêt R. v. Milina[8], lequel, correctement selon moi, a établi une distinction entre le devoir que j’ai exposé et l’obligation d’étayer de faits l’aveu de culpabilité. Quant à cette dernière, la Cour était d’avis (pour reprendre les termes de M. le Juge d’appel Sidney Smith parlant au nom de la majorité, à la p. 381) que [TRADUCTION] «lorsqu’un accusé s’avoue coupable, la loi n’exige pas que le magistrat scrute les faits afin de s’assurer que l’accusé est réellement coupable». En bref, le point de vue adopté dans l’arrêt Milina est que même si le juge de première instance a le devoir de s’assurer positivement que l’accusé comprend la nature de l’accusation et ses conséquences et avoue sa culpabilité de façon non équivoque, il n’y a pas de devoir semblable de s’assurer du bien-fondé du plaidoyer, c’est-à-dire de son fondement factuel. Puisque, ordinairement, les faits sont présentés par le ministère public sous le rapport de la sentence et que l’accusé peut les narrer lui aussi, la question se pose de savoir si le juge de première instance devrait à ce stade être tenu d’apprécier des versions contradictoires pour décider si le plaidoyer a un fondement factuel.
Si le juge de première instance a le devoir, comme il est dit dans l’arrêt Milina, de s’assurer que l’accusé comprend la nature et les conséquences d’un aveu de culpabilité, quelle est la façon de s’en acquitter? Dans l’arrêt Milina lui-même la Cour a dit que [TRADUCTION] «les cas seront fort rares où un magistrat se sentira obligé de faire une enquête spéciale lorsque l’accusé, comme c’est ici le cas, est représenté par un avocat» (à la p. 381 de 86 C.C.C.). J’avoue éprouver quelque difficulté à compren-
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dre ce qu’on voulait dire par «enquête spéciale», mais je présume que la Cour n’entendait pas dire qu’il y a dispense de toute enquête lorsque l’accusé a un avocat. Quoi que la Cour ait pu vouloir dire dans l’arrêt Milina, c’est là exactement ce que cette Cour, dans l’affaire Brosseau c. La Reine[9], paraît avoir dit. Dans l’affaire Brosseau, la question de droit sur laquelle permission d’appeler a été accordée était la suivante:
[TRADUCTION] Est-ce que le juge de première instance a commis une erreur de droit en acceptant le plaidoyer de culpabilité de meurtre eon qualifié de l’appelant sans faire enquête pour s’assurer que l’appelant comprenait la nature de l’accusation et l’effet de pareil plaidoyer?
Dans cette affaire, l’accusé, un Indien Cri, était un illettré (il n’avait que deux années de scolarité) et son avocat l’avait décrit comme un «primitif». Il avait été accusé de meurtre mais à l’ouverture du procès l’acte d’accusation fut modifié de façon à alléguer un «meurtre non qualifié», et de cela l’accusé s’est avoué coupable. Dans son appel à la Cour d’appel provinciale, il a allégué que son avocat lui avait dit que s’il ne s’avouait pas coupable de cette accusation il serait condamné à être pendu, qu’il avait eu peur et qu’il s’était avoué coupable même s’il était ivre au moment du crime et au moment où il avait fait une déclaration à la police.
Cette Cour, M. le Juge Spence étant dissident, a traité en ces termes de la question de droit dont elle était saisie:
[TRADUCTION] L’omission de faire l’enquête requise peut fort bien être un motif sur lequel la Cour d’appel s’appuiera pour exercer le pouvoir qu’elle possède de permettre le retrait du plaidoyer de culpabilité s’il appert que l’accusé n’a pas complètement compris la nature de l’accusation ou l’effet de son plaidoyer ou si la chose est laissée dans le doute; mais à mon avis, on ne peut pas dire que lorsque, comme dans le présent cas un accusé est représenté par un avocat et s’avoue coupable de meurtre non qualifié, le juge de première instance est tenu en droit de l’interroger avant d’accepter le plaidoyer.
Dans ses motifs de dissidence, M. le Juge Spence a cité ce qui avait été dit dans l’affaire
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Milina, selon quoi une enquête peut être souhaitable si [TRADUCTION] «l’accusé est peut‑être un étranger, ou un illettré, ou si l’accusation est d’une complexité exceptionnelle ou d’une nature exceptionnellement grave»; et il a conclu que dans l’affaire dont il était saisi le juge de première instance ne pouvait pas s’appuyer simplement sur le fait que l’accusé était représenté par un avocat pour considérer toute enquête inutile avant l’inscription d’un aveu de culpabilité.
Si dans l’affaire Brosseau aucune enquête que ce soit n’était requise parce que l’accusé était représenté par un avocat, je ne puis imaginer aucun cas où une enquête serait nécessaire lorsqu’il y a un avocat, à moins que l’enquête ne soit précipitée par quelque protestation de l’accusé au moment où il s’avoue coupable ou plus tard au cours des procédures, comme, par exemple, lorsque l’avocat de la Couronne narre les faits pertinents quant à la sentence. Si la peine à imposer est obligatoire, la narration devient inutile bien qu’elle ait été faite dans l’affaire Brosseau; et s’il n’y a pas de narration, alors, suivant l’arrêt Brosseau, des questions aussi graves que celles de savoir si l’accusé comprend l’accusation portée contre lui, et se rend compte des conséquences et les accepte volontairement sans procès, n’obligent pas le juge de première instance à prendre l’initiative d’une enquête mais sont résolues par la simple présence d’un avocat lorsque l’accusé s’avoue coupable. C’est une situation que, dans sa généralité, j’estime inacceptable.
Un juge de première instance ne peut évidemment être considéré en défaut s’il fait une enquête quelconque, mais il est concevable qu’il puisse, comme conséquence de son enquête, erronément conclure qu’un aveu de culpabilité devrait être inscrit. S’il ne fait aucune enquête que ce soit, se fiant à la présence d’un avocat quelle que soit l’expérience de celui‑ci, l’arrêt Brosseau indique qu’un appel fondé sur des faits qui auraient pu porter le juge de première instance à rejeter un aveu de culpabilité, ou tout au moins à chercher quelque assurance au sujet du plaidoyer, doit échouer. Ce qui reste alors, comme base de contestation d’un aveu de culpa-
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bilité par un accusé représenté par un avocat, c’est une protestation de la part de l’accusé ou quelque déficience factuelle évidente de la cause du ministère public relativement à l’accusation, se révélant après l’inscription du plaidoyer ou après la déclaration de culpabilité et au cours des procédures engagées devant le juge de première instance. Si une enquête appropriée est faite, toute protestation subséquente perd alors de sa force sauf si elle est suffisamment sérieuse pour exiger que le juge de première instance reconsidère l’aveu de culpabilité inscrit.
Sans doute, un juge de première instance doit tenir compte du bien-fondé factuel d’un aveu de culpabilité si des faits pour l’étayer sont soumis. Si les faits avancés par le ministère public ne soutiennent pas l’accusation et la déclaration de culpabilité, alors l’aveu de culpabilité doit être rayé, et il n’y a rien dans l’arrêt Brosseau qui vienne en conflit avec cette conclusion. Je conviens volontiers en outre, que si après une narration des faits par le ministère public, l’accusé donne une version des faits qui diffère de celle du ministère public, le juge de première instance se trouve effectivement à tenir un procès après un aveu de culpabilité s’il est tenu d’évaluer les versions respectives quant à leur crédibilité et à leur valeur. Toutefois, la narration par le ministère public ou par l’accusé ou par les deux peut mettre en cause non seulement le bien-fondé factuel de l’aveu de culpabilité, mais aussi l’à-propos de l’aveu de culpabilité en regard de la façon dont l’accusé comprend et évalue cet aveu et en regard de l’exigence selon laquelle cet aveu doit être non équivoque. Ce point n’était pas en cause dans l’arrêt Brosseau. Il est peu probable, non plus, qu’il se pose très fréquemment, si on procède à l’enquête préalable dont j’ai déjà fait mention lorsque l’accusé est traduit devant le juge pour lecture de l’accusation.
Le devoir de la Cour en ce qui concerne une enquête sur la «légalité» (si je puis me permettre d’employer une appellation aussi succincte) de l’aveu de culpabilité, doit, me semble-t-il, s’accompagner d’une obligation du ministère public
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de fournir des faits qui, présumés vrais, étayent l’accusation et la déclaration de culpabilité sous cet aspect de la question. À mon avis, il n’est pas satisfaisant de laisser à la discrétion du ministère public la question de fournir ou de ne pas fournir des faits qui peuvent étayer l’accusation et la déclaration de culpabilité. Le juge de première instance peut sans doute en demander, mais ce qui est à déterminer à ce stade ne doit l’engager à rien de plus qu’à s’assurer que ce qui est allégué, présumant que c’est vrai, complète les éléments d’une déclaration de culpabilité sur un plaidoyer de culpabilité; et il en est ainsi même si les faits ne peuvent avoir aucune portée sur l’imposition d’une peine pour le motif que, dans tel cas particulier, celle-ci est obligatoire.
En l’instance, je suis d’avis que d’après les faits narrés par la Couronne, si on les croit, il y a un doute suffisant quant aux éléments de l’infraction de vol avec effraction pour justifier la radiation du plaidoyer. L’infraction exige la preuve que ce qui a été fait l’a été sciemment sans le consentement du propriétaire, et je conclus que la narration de la Couronne ne renferme pas cet élément. La situation est différente en ce qui a trait aux autres infractions visées par l’appel. Quant à elles, si le succès de l’appel dépend de prétendues déficiences factuelles dans le fondement du plaidoyer, ces déficiences n’ont pas été établies.
La question la plus importante est, toutefois, l’omission du juge de première instance de se renseigner de quelque façon que ce soit auprès de l’accusé ou de son avocat sur la question de savoir si l’accusé comprenait les accusations, s’il se rendait compte des conséquences d’un aveu de culpabilité à leur égard et s’il admettait sa culpabilité sans équivoque. En supposant qu’il fût représenté par un avocat dont il avait retenu les services, l’enquête pouvait être courte. Je ne vois aucune atteinte à la réputation d’un avocat si une telle enquête est faite. Le juge de première instance ne devrait pas avoir de difficulté à conduire l’enquête de façon à ne pas donner l’impression qu’il ne tient pas compte de la présence de l’avocat ou qu’il con-
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teste sa compétence. Il s’agit pour le juge de première instance, qui est chargé de prononcer une déclaration de culpabilité sans procès, d’être bien certain que l’accusé est entièrement au courant de ce qu’entraîne son aveu de culpabilité et qu’il est tout à fait prêt à le maintenir.
Dans l’affaire McCarthy v. United States[10], la Cour suprême des États-Unis a examiné la Règle 11 des Federal Rules of Criminal Procedure, précitées, dans un contexte non constitutionnel (par opposition à l’affaire plus récente Boykin v. Alabama[11]) et elle a appuyé sur la disposition prévoyant qu’il faut que la Cour s’adresse à l’accusé personnellement, bien que dans cette affaire-là celui-ci fût représenté par un avocat dont il avait retenu les services. Je ne considère pas cela comme une exigence invariable en vertu de la procédure que j’envisage ici, mais cela indique que la Règle n’est pas considérée comme une atteinte au prestige de l’avocat. Je ne puis concevoir qu’un avocat reconnaissant la gravité pour un accusé d’un aveu de culpabilité s’offusque du simple fait que le juge de première instance cherche à se rassurer.
Il existe aux États-Unis des statistiques qui montrent que [TRADUCTION] «l’aveu de culpabilité, et non le procès, est le mécanisme le plus important pour régler le sort des défendeurs au criminel»: voir Note, The Trial Judge’s Satisfaction as to Voluntariness and Understanding of Guilty Pleas, [1970] Wash.U.L.Q. 289. Nous manquons de données semblables ici. Statistiques Canada ne garde pas de statistiques sur le sujet, ou plutôt ne le fait pas encore. Des tentatives encore modestes ont été faites en notre pays pour fournir des renseignements sur les aveux de culpabilité. Le professeur M.L. Friedland dans son ouvrage, Detention Before Trial (1965), a inséré une étude sur le travail des cours de magistrat de Toronto (comme elles s’appelaient alors) pour la période de six mois s’étendant du 1er septembre 1961 à la fin de février 1962 et cette étude montre que 70 pour cent des affaires mettant en cause des actes criminels ont été réglées à la suite d’aveux de
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culpabilité. Le professeur John Hogarth dans un ouvrage récent, Sentencing as a Human Process (1971), insère une étude de sept actes criminels reflétés dans 2,396 affaires, dans lesquelles quatre délinquants sur cinq se sont avoués coupables (Voir p. 270). Ce sont là de tout petits échantillons, et je m’y réfère comme à de simples indices d’une situation sur laquelle les États-Unis sont plus complètement documentés. Je relève que dans l’affaire McCarthy, la Cour suprême des États-Unis a déclaré qu’en 1968, 86 pour cent de toutes les condamnations dans les cours de district fédérales furent le résultat de plaidoyers de culpabilité ou de nolo contendere; voir 394 U.S. 459, à la p. 463, n° 7.
A mon avis, les raisons qui motivent, lorsque des plaidoyers de culpabilité sont offerts, la confirmation de leur caractère volontaire, et de la compréhension de leur nature et de leurs conséquences, se situent bien au-dessus d’un besoin quelconque d’établir par des statistiques que semblables plaidoyers sont le moyen par lequel se règlent la plupart des accusations imputant des actes criminels. En la présente cause, qui en est une où le juge de première instance n’a fait absolument aucune enquête et, partant, n’a pas inscrit les aveux de culpabilité dans l’exercice d’une discrétion quelconque (en fait, il n’y a même pas d’indication d’exercice de pouvoir discrétionnaire quelconque visant à décider s’il devait y avoir une enquête), je suis d’avis d’accueillir le pouvoi et d’ordonner un nouveau procès sur les accusations qui ont fait l’objet du pourvoi interjeté à cette Cour. Je ne crois pas qu’il s’agisse ici d’une affaire où l’art. 613, par. (1), al. b), sous-al. (iii) du Code criminel s’applique.
Appel rejeté, les Juges SPENCE et LASKIN étaient dissidents.
Procureur de l’appelant: Edmund L. Schofield, Toronto.
Procureur de l’intimée: Le Procureur général de l’Ontario.
[1] [1969] R.C.S. 181.
[2] (1946), 86 C.C.C. 374.
[3] [1955] R.C.S. 646.
[4] (1923), 17 Cr. App. R. 99.
[5] [I960] R.C.S. 294.
[6] [1954] R.C.S. 606.
[7] [1923] 2 K.B. 400, 17 Cr. App. R. 99.
[8] (1946), 86 C.C.C. 374.
[9] [1969] R.C.S. 181.
[10] (1969), 394 U.S. 459.
[11] (1969), 395 U.S. 238.
Parties
Demandeurs :
AdgeyDéfendeurs :
Sa Majesté la ReineProposition de citation de la décision:
Adgey c. R., [1975] 2 R.C.S. 426 (2 octobre 1973)
Origine de la décision
Date de l'import :
06/04/2012Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1973-10-02;.1975..2.r.c.s..426