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27/05/1974 | CANADA | N°[1975]_1_R.C.S._720

Canada | R. c. Alec, [1975] 1 R.C.S. 720 (27 mai 1974)


Cour suprême du Canada

R. c. Alec, [1975] 1 R.C.S. 720

Date: 1974-05-27

Josephine Alec Appelante;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

1974: le 15 mai; 1974: le 27 mai.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

Cour suprême du Canada

R. c. Alec, [1975] 1 R.C.S. 720

Date: 1974-05-27

Josephine Alec Appelante;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

1974: le 15 mai; 1974: le 27 mai.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE


Synthèse
Référence neutre : [1975] 1 R.C.S. 720 ?
Date de la décision : 27/05/1974

Analyses

Droit criminel - Accusée acquittée d’une accusation de meurtre non qualifié à la suite d’un procès devant jury - Directive erronée - Cour d’appel ordonnant un nouveau procès sous l’accusation originale - Nouveau procès ordonné par la Cour suprême sous l’accusation d’homicide involontaire coupable - Questions des jurés indiquant qu’ils rejetaient le meurtre non qualifié.

POURVOI à l’encontre d’un arrêt majoritaire de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique[1], selon lequel l’acquittement de l’appelante sous une accusation de meurtre non qualifié a été infirmé et un nouveau procès ordonné. Pourvoi accueilli.

I.G. Waddell, pour l’appelante.

W.G. Burke-Robertson, c.r., pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE EN CHEF — L’accusée appelante a été acquittée de l’accusation de meurtre non qualifié de son mari à la suite d’un procès devant jury présidé par M. le Juge Anderson de la Cour suprême de Colombie-Britannique. Le mari est décédé des suites d’une blessure faite par un couteau durant une beuverie à la résidence des époux, beuverie qui avait commencé dans un hôtel plus tôt dans la soirée. Les époux se sont disputés et le mari est sorti de la maison. L’appelante s’est emparée d’un couteau et on l’a entendue proférer la menace de tuer son mari. Elle a ensuite quitté la maison, où elle est revenue après un certain intervalle (évalué différem-

[Page 721]

ment selon les versions à de cinq à quinze minutes, de dix minutes à une demi-heure, et une demi-heure), le visage meurtri et ensanglanté et les vêtements couverts de boue et tachés de sang. Elle s’est écriée qu’elle avait tué son mari.

A son procès ses moyens de défense ont été la mort accidentelle, la légitime défense, l’ivresse et la provocation. Ni l’avocat du Ministère public ni l’avocat de l’accusé n’ont soulevé d’objection à l’encontre de l’exposé du juge au jury. Le jury s’est retiré à 6 h 25 du soir, et quelques minutes après 9 heures il a demandé des directives supplémentaires sur la provocation et aussi [TRADUCTION] «sur les conditions requises pour qu’il y ait homicide involontaire coupable». Le chef du jury ensuite a ajouté que «quelques-uns se demandent quelle serait la réduction d’homicide involontaire coupable à non coupable». Le premier juge a repris brièvement son exposé sur l’ivresse et la provocation et le jury s’est retiré de nouveau. A 10 h 12 du soir, le jury est revenu encore une fois et a posé la question suivante au premier juge: «Redéfinissez l’homicide involontaire coupable pour quelques membres du jury. Par exemple, peut-il s’appliquer s’il n’y a pas eu d’intention de causer la mort ou des blessures corporelles?» En répondant à cette question, le premier juge a déclaré ceci:

[TRADUCTION] S’il n’y a pas d’intention de causer la mort ou des blessures corporelles, il n’y a aucune infraction, ou s’il existe un doute raisonnable qu’il n’y a pas eu intention de causer la mort ou des blessures corporelles, il est de votre devoir d’acquitter l’accusée. C’est très simple parce que tout notre — je ne crois pas qu’il y ait d’exceptions mais il n’y a certainement pas d’exceptions dans le cas présent — mais s’il n’y a pas d’intention de poser un geste répréhensible, il n’y a pas d’infraction; c’est très simple.

Le jury est revenu à 11 h 35 du soir avec un verdict d’acquittement, à la fois de meurtre non qualifié et d’homicide involontaire coupable.

Sur appel interjeté par le Ministère public, une majorité de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a considéré comme fatale la réponse ci-dessus à la question posée par le jury lorsqu’il est revenu une seconde fois à 10 h 12.

[Page 722]

Le Juge d’appel Maclean, au nom de la majorité, a fait observer que des voies de fait étaient l’acte illégal sur lequel le Ministère public s’était reposé pour prouver qu’il y avait eu homicide coupable, et il a statué qu’on avait commis une erreur en disant au jury qu’une intention de causer la mort ou des blessures corporelles était nécessaire pour établir l’homicide involontaire coupable. On a ordonné la tenue d’un nouveau procès sous l’accusation originelle. Le Juge d’appel Maclean ayant dit dans le cours de ses motifs que [TRADUCTION] «si des directives irrégulières ont été données au jury sur le droit relatif à l’homicide coupable et à l’homicide involontaire coupable, il s’ensuit qu’il n’y a pas eu de fondement approprié sur lequel rendre sur la question de meurtre un verdict qui soit bien fondé». Si par «homicide coupable» dans cet énoncé le savant juge a voulu dire meurtre non qualifié seulement (et cela semble être la bonne façon de le voir), il n’existe aucune raison de dire que l’exposé au jury était à cet égard irrégulier.

Dans une opinion dissidente, le Juge en chef Farris, Juge en chef de la Colombie‑Britannique, a exprimé l’avis que l’exposé pris dans son ensemble était adéquat, et que bien que la première phrase de la directive attaquée fût erronée lorsqu’on la considérait isolément, le jury n’a pu être induit en erreur étant donné qu’il avait auparavant reçu des directives sur les moyens de défense d’ivresse et de provocation, et qu’on lui avait laissé la nette impression que seule la mort accidentelle ou la légitime défense justifierait un acquittement s’il en venait à la conclusion que l’accusée avait poignardé le défunt. Ces derniers moyens de défense selon le Juge en chef donnaient un sens en l’espèce à l’énoncé du premier juge selon lequel «s’il n’y a pas d’intention de poser un geste répréhensible, il n’y a pas d’infraction». Le Juge en chef a en outre été d’avis que s’il devait y avoir un nouveau procès, ce devrait être sous l’accusation d’homicide involontaire coupable seulement parce que le jury avait indiqué par ses questions qu’il avait rejeté le meurtre non qualifié.

[Page 723]

A mon avis, c’est là la conclusion appropriée, et non pas un rétablissement du verdict d’acquittement. Je suis porté vers cette conclusion parce qu’il y a eu dans l’exposé proprement dit une directive erronée semblable à celle qui a fait l’objet de l’appel à la Cour d’appel de la Colombie-Britannique. Dans le cours de son exposé au jury, le premier juge avait dit ceci:

[TRADUCTION] Si vous arrivez à la conclusion qu’elle n’a pas voulu le tuer vous ne pourriez la trouver coupable de meurtre. Maintenant il est bien entendu que si elle ne lui voulait aucun mal, elle n’est coupable de rien.

Je suis d’avis d’accueillir l’appel, de substituer à l’ordonnance prévoyant un nouveau procès sous l’accusation de meurtre non qualifié une ordonnance prévoyant un nouveau procès sous l’accusation d’homicide involontaire coupable.

Jugement en conséquence.

Procureur de l’appelante: Vancouver Legal Assistance Society.

Procureur de l’intimée: Procureur-général de la Colombie-Britannique, Victoria.

[1] [1974] 1 W.W.R. 645, 25 C.R.N.S. 327, 15 C.C.C. (2d) 164.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Alec
Proposition de citation de la décision: R. c. Alec, [1975] 1 R.C.S. 720 (27 mai 1974)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1974-05-27;.1975..1.r.c.s..720 ?
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