Synthèse
Référence neutre : [1976] 1 R.C.S. 89
Date de la décision :
19/12/1974Sens de l'arrêt :
La requête en annulation doit être accueillie et la requête pour autorisation d’appeler doit être rejetée
Analyses
Droit criminel - Obscénité - Ordonnance de confiscation - Normes de tolérance admises dans la collectivité - Preuve - Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, art. 159(8), 160.
Des procédures ont été entamées en vertu de l’art. 160 du Code criminel pour la saisie et la confiscation d’un certain numéro d’un magazine pour le motif qu’il était obscène. Une ordonnance de confiscation a été rendue et un appel interjeté à l’encontre de celle-ci à la Division d’appel de l’Alberta a été rejeté par un jugement majoritaire, le juge d’appel Sinclair étant dissident. Dans sa dissidence, celui-ci opinait que la caractéristique dominante de ce numéro particulier du magazine était l’exploitation des choses sexuelles mais concluait que la preuve ne le convainquait pas au-delà d’un doute raisonnable que l’exploitation était «indue» au point de répondre aux exigences du critère légal de l’obscénité aux termes du par. (8) de l’art. 159 du Code criminel. Dans cette Cour, le Ministère public a déposé une requête en annulation à l’égard du pourvoi interjeté par l’accusé et celui-ci a présenté une demande d’autorisation d’appeler au cas où la requête en annulation serait accueillie.
Arrêt (le juge en chef Laskin et le juge Spence étant dissidents): La requête en annulation doit être accueillie et la requête pour autorisation d’appeler doit être rejetée.
Les juges Martland, Judson et Dickson: Le par. (6) de l’art. 160 du Code criminel prévoit qu’«il peut être interjeté appel d’une ordonnance [de confiscation]… a) pour tout motif d’appel comportant une question de droit seulement, b) pour tout motif d’appel comportant une question de fait seulement, ou c) pour tout motif d’appel comportant une question de droit et de fait, comme s’il s’agissait d’un appel contre une déclaration de culpabilité ou contre un jugement ou verdict d’acquittement, suivant le cas, sur une question de droit seulement en vertu de la Partie XVIII, et les articles 601 à 624 s’appliquent mutatis mutandis». La prétention des appelants qu’en vertu du par. (6) de l’art. 160, ils ont le
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même droit d’appel à cette Cour que si la dissidence du juge d’appel Sinclair, sur une question de fait, avait été convertie en dissidence sur une question de droit, n’a pas été acceptée. Le paragraphe (6) accorde un droit d’appel à la Cour d’appel, mais le texte ne peut viser un appel devant cette Cour.
La prétention des appelants que le défaut du Ministère public de faire la preuve des normes de tolérance admises dans la collectivité aurait dû entraîner le rejet de la preuve du Ministère public dès sa clôture, a également été rejetée. La prétention des appelants qu’un tribunal ne peut légalement rendre une ordonnance de confiscation en vertu du par. (4) de l’art. 160 à moins que le Ministre public n’ait fait la preuve des normes de tolérance admises dans la collectivité, n’a pas été étayée par aucun précédent et en tout état de cause cette question n’a pas été soulevée en l’espèce. Le juge de première instance a eu l’avantage d’entendre des témoignages des deux parties sur cette question des normes de la collectivité.
Le juge en chef Laskin et le juge Spence, dissidents: La requête en annulation devrait être rejetée mais, si nécessaire, l’autorisation d’appeler devrait être accordée si ce n’est que pour soumettre à cette Cour la question de la preuve suffisante que doit faire le Ministère public pour établir l’exploitation «indue» des choses sexuelles en faisant la preuve des normes couramment admises par la société actuelle.
L’alinéa a) du par. (1) de l’art. 618 permet un appel de plein droit à cette Cour à l’encontre d’une condamnation confirmée en appel (les infractions punissables de mort sont traitées à part), «sur toute question de droit au sujet de laquelle un juge de la cour d’appel est dissident». Le paragraphe (6) de l’art. 160 déclare que les droits d’appel qui y sont accordés doivent être considérés «comme s’il» s’agissait d’appels sur une question de droit seulement. Par conséquent, s’il y a une dissidence pour tout motif mentionné dans les al. a), b) ou c) du par. (6) de l’art. 160, on doit la considérer comme une dissidence sur une question de droit seulement pour les fins d’un appel à cette Cour. En conséquence, l’appel interjeté ici qui repose sur la dissidence du juge d’appel Sinclair est un appel de plein droit.
De plus, c’est le par. (6) de l’art. 160 qui édicte les dispositions principales pour les fins de la compétence d’appel, et les art. 601 à 624 doivent être appliqués de façon à lui donner effet.
[Arrêts mentionnés: Brodie c. La Reine, [1962] R.C.S. 681; R. c. Dominion News & Gifts (1962) Ltd., [1964] R.C.S. 251; R. v. Great West News Ltd., Mantell and Mitchell, [1970] 4 C.C.C. 307.]
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Requête en annulation déposée par l’intimée à l’égard du pourvoi interjeté par les appelants et demande d’autorisation d’appeler présentée par les appelants à l’encontre d’un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta[1] qui a confirmé une ordonnance de confiscation de matériel obscène émise par le juge Kerans. Requête en annulation accordée et requête pour autorisation d’appeler rejetée, le juge en chef Laskin et le juge Spence étant dissidents.
B.A. Crane, pour la requête en annulation et contre la requête pour autorisation d’appeler.
A. Golden, contre la requête en annulation.
L.H. McDonald, c.r., pour la requête pour autorisation d’appeler.
Le jugement du juge en chef Laskin et du juge Spence a été rendu par
LE JUGE EN CHEF (dissident) — La question en litige dans cette requête en annulation est l’étendue de la compétence d’appel de cette Cour sous le régime du par. (6) de l’art. 160 du Code criminel Les faits qui ont donné naissance à cette requête peuvent s’énoncer brièvement. Des procédures ont été entamées en vertu de l’art. 160 pour la saisie et la confiscation du numéro de février 1973 du magazine Penthouse pour le motif qu’il était obscène. Une ordonnance de confiscation a été rendue et un appel interjeté à l’encontre de celle-ci à la Division d’appel de l’Alberta a été rejeté par un jugement majoritaire, le juge d’appel Sinclair étant dissident. Dans sa dissidence, celui-ci opinait que la caractéristique dominante de ce numéro particulier du magazine était l’exploitation des choses sexuelles mais il concluait que la preuve ne le convainquait pas au-delà d’un doute raisonnable que l’exploitation était «indue» au point de répondre aux exigences du critère légal de l’obscénité aux termes du par. (8) de l’art. 159 du Code criminel.
La dissidence du juge d’appel Sinclair ne portait pas sur une question de droit, et ce point est souligné par le fait que le jugement formel de la Division d’appel de l’Alberta rejetant l’appel ne
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mentionne aucune dissidence sur un motif de droit, ce qui aurait été nécessaire en vertu de l’art. 606 du Code criminel, s’il y avait eu une dissidence reposant sur ce point. Malgré cela, l’appelante a produit un avis d’appel, alléguant l’existence d’un droit d’appel en vertu du par. (6) de l’art. 160. Si le par. (6) de l’art. 160 n’a pas pour effet d’étendre la compétence régulière de cette Cour d’entendre un appel de plein droit au-delà de ce qui est énoncé à l’al. a) du par. (1) de l’art. 618, alors la requête en annulation doit être accordée. Je dois mentionner ici que l’appelante a répondu à la requête en annulation par une demande incidente d’autorisation d’appeler dont je traiterai plus loin. Si un appel ne peut être interjeté de plein droit en vertu du par. (6) de l’art. 160, cela ne met pas pour autant fin au débat. Cependant, je suis d’avis que, volontairement ou non, le Parlement a donné un appel de plein droit à cette Cour en vertu du par. (6) de l’art. 160, appel qui ne serait pas recevable sous le seul al. a) du par. (1) de l’art. 618.
Le paragraphe (6) de l’art. 160 se lit comme suit:
Il peut être interjeté appel d’une ordonnance rendue selon le paragraphe (4) ou (5) par toute personne qui a comparu dans les procédures
a) pour tout motif d’appel comportant une question de droit seulement,
b) pour tout motif d’appel comportant une question de fait seulement, ou
c) pour tout motif d’appel comportant une question de droit et de fait,
comme s’il s’agissait d’un appel contre une déclaration de culpabilité ou contre un jugement ou verdict d’acquittement, suivant le cas, sur une question de droit seulement en vertu de la Partie XVIII, et les articles 601 à 624 s’appliquent mutatis mutandis.
Parce que les procédures sous le régime de l’art. 160 sont, pour ainsi dire, des procédures in rem, l’on comprend qu’on y parle expressément d’appels, «comme s’il», pour employer les mots du par. (6) de l’art. 160, s’agissait d’appels contre une déclaration de culpabilité ou un acquittement. La mention des motifs d’appels dans les al. a), b) et c) est suivie par l’énoncé que l’appel pour ces motifs doit être traité comme s’il s’agissait d’un appel sur une question de droit seulement en vertu de la Partie XVIII du Code criminel, laquelle traite des
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appels concernant des actes criminels à la cour d’appel provinciale ou à cette Cour. Il y a, de plus, l’importante mention dans les derniers mots du par. (6) de l’art. 160 que «les articles 601 à 624 s’appliquent mutatis mutandis».
Si le renvoi à la Partie XVIII concerne les appels à la cour d’appel provinciale sur une question de droit seulement à la suite d’une déclaration de culpabilité, on remarquera qu’en vertu de l’al. a) du par. (1) de l’art. 603, un appel sur une question de droit seulement peut être interjeté de plein droit mais un appel pour tout autre motif, qu’il s’agisse d’une question de fait, de droit et de fait ou autre, requiert une autorisation. (Je laisse de côté l’appel sur certificat du juge de première instance.) Le paragraphe (6) de l’art. 160 prescrit, cependant, qu’on peut interjeter appel pour l’un des motifs mentionnés dans les al. a), b) et c) dudit paragraphe comme s’il s’agissait d’un appel sur une question de droit seulement, et par conséquent, il me semble évident que les appels en vertu de ces alinéas n’exigent pas d’autorisation puisque celle-ci n’est pas nécessaire en vertu du sous-al. (i) de l’al. a) du par. (1) de l’art. 603 lorsque l’appel comporte une question de droit seulement.
Quant à l’art. 618 qui régit les appels à cette Cour à l’encontre d’une déclaration de culpabilité ou d’un acquittement, l’al. a) du par. (1) de l’art. 618 permet un appel de plein droit à l’encontre d’une condamnation confirmée en appel (les infractions punissables de mort sont traitées à part), «sur toute question de droit au sujet de laquelle un juge de la cour d’appel est dissident». Le paragraphe (6) de l’art. 160 déclare que les droits d’appel qui y sont accordés doivent être considérés «comme s’il» s’agissait d’appels sur une question de droit seulement. Je ne puis par conséquent arriver à d’autres conclusions que s’il y a une dissidence pour tout motif mentionné dans les al. a), b) ou c) du par. (6) de l’art. 160, on doit la considérer comme une dissidence sur une question de droit seulement pour les fins d’un appel à cette Cour. En conséquence, l’appel interjeté ici qui repose sur la dissidence du juge d’appel Sinclair est un appel de plein droit.
Ce n’est pas seulement l’extension donnée par les mots «comme si» qui amène cette conclusion
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mais également l’énoncé que les art. 601 à 624 du Code criminel doivent s’appliquer mutatis mutandis pour les fins du par. (6) de l’art. 160, c’est-à-dire en faisant les changements nécessaires. C’est le par. (6) de l’art. 160 qui édicte les dispositions principales pour les fins de la compétence d’appel, et les art. 601 à 624 doivent être appliqués de façon à lui donner effet.
Si j’évalue correctement l’étendue de la compétence d’appel, je ne pense pas que les appelants aient besoin d’autorisation pour soulever d’autres points; il me semble que ceux-ci sont déjà inclus dans l’appel de plein droit. Cependant, si j’ai tort, je suis prêt à autoriser l’appel même si ce n’était que pour soumettre à cette Cour la question de la preuve suffisante que doit faire le Ministère public pour établir l’exploitation «indue» des choses sexuelles en faisant la preuve des normes couramment admises par la société actuelle. En cela, je m’inspire à la fois du jugement du juge Judson dans Brodie, Dansky et Rubin c. La Reine[2] et du jugement du juge d’appel Freedman, alors juge puîné, dans R. v. Dominion News & Gifts (1962) Ltd.[3] dont l’opinion a été adoptée à l’unanimité par cette Cour[4]. En l’espèce, le Ministère public n’a fait aucune preuve des normes en vigueur dans la collectivité. Je crois qu’il est important pour cette Cour de décider si, sur une question d’obscénité, le juge de première instance peut décider de lui-même, sans l’apport de témoignages du Ministère public, comme s’il s’agissait d’une question de droit seulement, s’il y a eu exploitation indue des choses sexuelles. Je n’élaborerai pas davantage cette question dans une demande d’autorisation d’appeler.
Je suis d’avis de rejeter la requête en annulation mais, si nécessaire, j’accorderais l’autorisation d’appeler.
Le jugement des juges Martland, Judson et Dickson a été rendu par
LE JUGE MARTLAND — Les circonstances qui ont donné lieu à la requête en annulation de l’intimée et à la requête des appelants pour autori-
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sation d’appeler sont exposées dans les motifs du Juge en chef. Je suis d’accord avec lui que les motifs dissidents du juge d’appel Sinclair, à la Division d’appel, ne constituent pas une dissidence sur une question de droit au sens de l’al. a) du par. (1) de l’art. 618 du Code criminel.
La prétention des appelants dans leur réponse à la requête en annulation est que, en vertu du par. (6) de l’art. 160 du Code criminel, les appelants ont le même droit d’appel à cette Cour que si la dissidence du juge d’appel Sinclair, sur une question de fait, avait été convertie en dissidence sur une question de droit.
Les dispositions pertinentes de l’art. 160 énoncent ce qui suit:
160. (1) Un juge convaincu, par une dénonciation sous serment, qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une publication dont des exemplaires sont tenus, aux fins de vente ou distribution, dans un local du ressort de la cour, est obscène ou est une histoire illustrée de crime, doit émettre, sous son seing, un mandat autorisant la saisie des exemplaires.
* * *
(3) Le propriétaire ainsi que l’auteur de la matière saisie et qu’on prétend être obscène ou une histoire illustrée de crime peuvent comparaître et être représentés dans les procédures pour s’opposer à l’établissement d’une ordonnance portant confiscation de ladite matière.
(4) Si la Cour est convaincue que la matière est obscène ou une histoire illustrée de crime, elle doit rendre une ordonnance la déclarant confisquée à l’égard de Sa Majesté du chef de la province où les procédures ont lieu, pour qu’il en soit disposé selon que le procureur général peut le prescrire.
(5) Si la cour n’est pas convaincue que la publication est obscène ou une histoire illustrée de crime, elle doit ordonner que la matière soit remise à la personne entre les mains de qui elle a été saisie, dès l’expiration du délai imparti pour un appel final.
(6) Il peut être interjeté appel d’une ordonnance rendue selon le paragraphe (4) ou (5) par toute personne qui a comparu dans les procédures
a) pour tout motif d’appel comportant une question de droit seulement,
b) pour tout motif d’appel comportant une question de fait seulement, ou
c) pour tout motif d’appel comportant une question de droit et de fait,
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comme s’il s’agissait d’un appel contre une déclaration de culpabilité ou contre un jugement ou verdict d’acquittement, suivant le cas, sur une question de droit seulement en vertu de la Partie XVIII, et les articles 601 à 624 s’appliquent mutatis mutandis.
Je ne souscris pas à cette prétention. Le paragraphe (6) de l’art. 160 donne le droit d’interjeter appel, en employant le singulier («an appeal»). Les motifs d’appel sont décrits aux al. a), b) et c), c.-à-d. des motifs comportant: a) une question de droit seulement; b) une question de fait seulement; ou c) une question de droit et de fait. Ce sont là les motifs pour lesquels une personne déclarée coupable par une cour de première instance dans des procédures par acte d’accusation peut interjeter appel «de sa déclaration de culpabilité» devant la cour d’appel en vertu des sous-al. (i) ou (ii) de l’al. a) du par. (1) de l’art. 603. Le premier motif, (a), en est un pour lequel le procureur général peut introduire un recours devant la cour d’appel en vertu de l’al. a) du par. (1) de l’art. 605 contre «un jugement ou verdict d’acquittement» d’une cour de première instance à l’égard de procédures par acte d’accusation.
Les procédures en vertu de l’art. 160 n’entraînent pas une déclaration de culpabilité, un jugement ou un verdict d’acquittement et, par conséquent, le droit d’appel accordé par les sous-al. (i) et (ii) de l’al. a) du par. (1) de l’art. 603 et l’al. a) du par. (1) de l’art. 605 ne pourrait être invoqué par une partie visée par une ordonnance rendue en vertu des par. (4) et (5) de cet article-là. Pour cette raison, le par. (6) continue en prévoyant «comme s’il s’agissait d’un appel contre une déclaration de culpabilité ou contre un jugement ou verdict d’acquittement, suivant le cas».
Un appel d’une déclaration de culpabilité par une cour de première instance dans des procédures par acte d’accusation, sous le régime du sous-al. (ii) de l’al. a) du par. (1) de l’art. 603, ne peut être fondé sur une question de droit seulement ou une question de droit et de fait sauf avec l’autorisation de la cour d’appel ou de l’un de ses juges ou sur certificat du juge de première instance attestant que la cause est susceptible d’appel. Le procureur général ne peut interjeter appel d’un jugement ou verdict d’acquittement dans des procédures par
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acte d’accusation, en vertu de l’al. a) du par. (1) de l’art. 605, que pour un motif d’appel qui comporte une question de droit seulement. Le paragraphe (6) dispense de l’obligation d’obtenir l’autorisation ou un certificat pour en appeler sur une question de fait seulement ou sur une question de droit et de fait et élimine la restriction du droit du procureur général d’interjeter appel seulement sur des questions de droit en prescrivant qu’il peut être interjeté appel en vertu du par. (6) de l’art. 160 comme s’il s’agissait d’un appel «sur une question de droit seulement».
Étant donné que le par. (6) parle «d’appel» et que la phraséologie employée pour définir cet appel est empruntée aux dispositions du Code criminel régissant le droit d’appel à la cour d’appel dans les procédures par acte d’accusation, je suis d’avis que cette partie du par. (6) que j’ai examinée jusqu’à présent accorde un droit d’appel à la cour d’appel, sans plus. Le texte ne peut viser un appel devant cette Cour. Le paragraphe (6) emploie les mots «comme s’il s’agissait d’un appel contre une déclaration de culpabilité ou contre un jugement ou verdict d’acquittement». En vertu de l’art. 603, l’accusé qui interjette appel devant la cour d’appel en appelle «de sa déclaration de culpabilité». Un appel par le procureur général à la cour d’appel en vertu de l’art. 605 est un appel «contre un jugement ou verdict d’acquittement». Un appel à cette Cour par une personne inculpée d’un acte criminel (autre qu’une infraction punissable de mort) est interjeté en vertu de l’art. 618 qui prévoit, au par. (1), un appel par une personne déclarée coupable d’un acte criminel dont la condamnation est confirmée par la cour d’appel et, au par. (2), un appel par une personne qui est déchargée de l’accusation d’un acte criminel dont l’acquittement est annulé par la cour d’appel. Un appel à cette Cour par le procureur général à l’égard d’un acte criminel est interjeté en vertu de l’art. 621 «lorsqu’un jugement d’une cour d’appel annule une déclaration de culpabilité par suite d’un appel interjeté aux termes de l’art. 603 ou 604 ou rejette un appel interjeté aux termes de l’al. 605 (1) a) ou du par. 605 (3)». Un appel à cette Cour aux termes de l’art. 618 ou de l’art. 621 n’est pas un appel contre une déclaration de culpabilité
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ou contre un jugement ou un verdict d’acquittement. Il s’agit d’un appel d’un jugement d’une cour d’appel confirmant ou annulant une déclaration de culpabilité ou un acquittement.
Les derniers mots du par. (6) «et les art. 601 à 642 s’appliquent mutatis mutandis», lesquels articles incluent ceux qui prévoient les appels devant cette Cour, ne sont pas suffisants pour permettre un appel à cette Cour sur une question de fait. Dans la mesure où cette Cour est concernée, ces mots signifient seulement que les art. 618 à 624 s’appliquent à l’égard d’un appel d’une cour d’appel dans des procédures en confiscation sous le régime de l’art. 160. Je ne les interprète pas comme signifiant que ces articles doivent s’appliquer à un appel d’une cour d’appel à cette Cour dans des procédures de confiscation sous le régime de l’art. 160 en y ajoutant la réserve que dans ce genre d’appel les mots «toute question de droit», où qu’ils apparaissent dans les art. 618 à 624, devraient comprendre «toute question de fait».
Pour ces motifs, je suis d’avis d’accorder la requête en annulation.
Les appelants ont présenté une requête pour autorisation d’appeler à cette Cour advenant que la requête en annulation soit accordée. Les appelants prétendent que le défaut du Ministère public de faire la preuve des normes de tolérance admises dans la collectivité aurait dû entraîner le rejet de la preuve du Ministère public dès sa clôture. Fondamentalement, la prétention est qu’un tribunal ne peut légalement rendre une ordonnance de confiscation en vertu du par. (4) de l’art. 160 à moins que le Ministère public n’ait fait la preuve des normes de tolérance admises dans la collectivité.
L’avocat des appelants n’a cité aucun arrêt en faveur de sa thèse. En cette Cour, dans l’arrêt Brodie c. R.[5], des procédures de confiscation aux termes de l’art. 150A du Code criminel (l’actuel art. 160) étaient en cause et la question en litige était de savoir si le roman «Lady Chatterley’s Lover» était obscène au sens de l’art. 150 (l’actuel art. 159). Le Ministère public a fait sa preuve par le simple dépôt du livre. En défense, des témoigna-
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ges ont été produits quant à la qualité littéraire du livre. En cette affaire-là, il n’y a aucun indice que le Ministère public ne puisse établir la culpabilité sans produire de preuve à l’appui. Le juge Judson, trois autres membres de la majorité ayant souscrit à ses motifs, a simplement décidé que la preuve de la défense était recevable et qu’elle l’avait aidé à conclure que le livre n’était pas obscène.
Dans l’arrêt Dominion News & Gifts (1962) Ltd. c. R.[6], cette Cour a souscrit aux motifs du juge d’appel Freedman (comme il était alors), dissident en Cour d’appel du Manitoba[7], à la p. 125. Dans cet arrêt-là encore, le Ministère public s’était fondé sur le contenu des publications elles-mêmes pour prouver leur obscénité. La défense a convoqué un témoin pour témoigner à l’égard des normes de moralité de la collectivité. Encore là, il n’y a aucun indice dans les jugements rendus qu’en droit, il incombait au Ministère public de présenter une preuve de ce genre. Le juge d’appel Freedman a déclaré que, en tranchant la question de l’obscénité, les normes contemporaines de tolérance devraient être appliquées; mais il semble que dans sa conclusion sur cette question, il ne s’est pas fondé sur les témoignages de la défense mais sur son propre examen du contenu des publications.
Dans l’affaire R. v. Great West News Ltd., Mantell and Mitchell[8], la Cour d’appel du Manitoba a décidé que les magazines en litige étaient obscènes. Le principal point soulevé par la défense a été que le Ministère public ne pouvait avoir gain de cause puisqu’il n’avait pas fait la preuve des normes en vigueur dans la collectivité. Le juge d’appel Dickson, (comme il était alors), avec qui le juge Smith, juge en chef du Manitoba, était d’accord, a décidé (à la p. 314) qu’une telle preuve est recevable mais qu’elle n’est pas essentielle. Le juge d’appel Freedman, l’autre membre de la Cour, bien qu’il ait rédigé des motifs distincts qui ne traitent pas de cette question, a souscrit au rejet de l’appel des défendeurs.
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Indépendamment du bien-fondé de la question soulevée par les appelants, je ne crois pas qu’on la retrouve en l’espèce. Les appelants ont soulevé cette question à la fin de la présentation de la preuve par le Ministère public dans une requête pour rejet de l’accusation, mais, lorsque la requête a été refusée, les appelants n’ont pas invoqué cette question mais ont plutôt choisi de convoquer des témoins. Le Ministère public a ensuite appelé en contre‑preuve un agent d’administration du Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Loisirs, qui était secrétaire du Advisory Board on Objectionable Publications en Alberta. Il témoigna que cette commission (Advisory Board) avait examiné la publication en question de même que d’autres numéros du même périodique et qu’elle les avait jugés répréhensibles.
En conséquence, le juge de première instance a eu l’avantage d’entendre des témoignages des deux parties sur cette question des normes de la collectivité.
Je suis d’avis de rejeter la requête d’autorisation d’appeler.
Requête en annulation accueillie et requête pour autorisation d’appeler rejetée, le JUGE EN CHEF LASKIN et le JUGE SPENCE étant dissidents.
Procureurs des appelants: L. Harris McDonald, Edmonton, et Aubrey E. Golden, Toronto.
Procureur de l’intimée: W.F. McLean, Calgary.
[1] [1974] 6 W.W.R. 137, 20 C.C.C. (2d) 129, 52 D.L.R. (3d) 222.
[2] [1962] R.C.S. 681.
[3] (1963), 40 C.R. 109, 42 W.W.R. 65.
[4] [1964] R.C.S. 251.
[5] [1962] R.C.S. 681.
[6] [1964] R.C.S. 251.
[7] (1963), 40 C.R. 109.
[8] [1970] 4 C.C.C. 307.
Parties
Demandeurs :
Provincial News Co.Défendeurs :
Sa Majesté la ReineProposition de citation de la décision:
Provincial News Co. c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 89 (19 décembre 1974)
Origine de la décision
Date de l'import :
06/04/2012Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1974-12-19;.1976..1.r.c.s..89