Numéro de dossier 38427
Juges Moldaver, Michael J.; Côté, Suzanne; Brown, Russell; Rowe, Malcolm; Martin, Sheilah
En appel de Alberta
L’appel interjeté contre l’arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta (Edmonton), numéro 1703-0318-A, 2018 ABCA 363, daté du 30 octobre 2018, a été entendu le 26 avril 2019 et la Cour a prononcé oralement le même jour le jugement suivant :
La juge Martin — L’accusé a été acquitté d’une accusation d’agression sexuelle au terme d’un procès devant une juge seule en Cour provinciale de l’Alberta. La Couronne a fait appel de l’acquittement devant la Cour d’appel de l’Alberta, qui a unanimement fait droit à l’appel et substitué une déclaration de culpabilité à l’acquittement. L’accusé se pourvoit de plein droit devant notre Cour.
Nous sommes d’avis de rejeter le pourvoi et de confirmer la déclaration de culpabilité, essentiellement pour les motifs exposés par la Cour d’appel. Nous tenons cependant à ajouter qu’il n’était pas selon nous nécessaire de se reporter au dossier et aux interactions de la juge du procès avec les procureurs, pour cerner une erreur de droit. Au contraire, des erreurs de droit sont apparentes à la simple lecture des motifs de la juge.
La juge du procès a accepté le témoignage du témoin comme étant véridique et fiable quant aux [traduction] « questions fondamentales », soit le fait qu’il a vu son père, l’accusé, traîner la plaignante de la chambre de celle-ci jusqu’au salon et se livrer à des activités sexuelles avec elle à plusieurs occasions. La juge de première instance a accepté cette preuve, mais a conclu que, [traduction] « vu la déposition [du témoin], une inférence qui peut être tirée est que [la plaignante] ne consentait pas aux relations sexuelles avec l’accusé, mais il doit s’agir de la seule inférence raisonnable si la Couronne entend prouver hors de tout doute raisonnable l’absence de consentement » (motifs de la juge du procès (C. prov. Alb.), 1er décembre 2017).
À notre avis, le fait de traîner la plaignante alors qu’elle était endormie et droguée est incompatible avec toute forme de consentement. Aucune preuve, ou absence de preuve, n’appuyait quelque inférence raisonnable à part le non-consentement. Aucune autre inférence n’a été soumise à la juge du procès dans les observations, et celle-ci n’a cité aucune autre inférence dans ses motifs.
En l’espèce, la juge du procès a non seulement mal appliqué le droit concernant la preuve circonstancielle à la déposition du témoin, qu’elle a acceptée, mais elle a aussi mal appliqué le droit relatif au consentement. La plaignante était légalement incapable de donner son consentement, et toute conclusion différente sur ce point constituait clairement une erreur de droit.
Nous sommes par conséquent d’avis de confirmer la décision de la Cour d’appel d’inscrire un verdict de culpabilité relativement à l’accusation d’agression sexuelle et de renvoyer l’affaire au tribunal de première instance pour détermination de la peine.