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11/11/1976 | CJUE | N°123-75

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 11 novembre 1976., Berthold Küster contre Parlement européen., 11/11/1976, 123-75


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 11 NOVEMBRE 1976 ( 1 )

Monsieur le Président

Messieurs les Juges,

Par affichage du 12 mars 1974, il a été annoncé, au Parlement européen, que le poste de chef de division, de grade A 3, auprès de la direction générale commissions et délégations interparlementaires était à pouvoir. Le requérant a posé sa candidature. Le poste n'a pas été pourvu par voie de promotion ou de mutation mais, le 18 novembre 1974, une annonce a indiqué qu'un concours interne A/51 serait or

ganisé. L'avis de vacance, comme déjà l'avis de concours, décrivait en détail des tâches liées à...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 11 NOVEMBRE 1976 ( 1 )

Monsieur le Président

Messieurs les Juges,

Par affichage du 12 mars 1974, il a été annoncé, au Parlement européen, que le poste de chef de division, de grade A 3, auprès de la direction générale commissions et délégations interparlementaires était à pouvoir. Le requérant a posé sa candidature. Le poste n'a pas été pourvu par voie de promotion ou de mutation mais, le 18 novembre 1974, une annonce a indiqué qu'un concours interne A/51 serait organisé. L'avis de vacance, comme déjà l'avis de concours, décrivait en détail des tâches liées à ce
poste et indiquait les capacités et connaissances requises. Mais, tandis que, dans le premier avis, des connaissances approfondies de la langue danoise étaient exigées, il était dit qu'aux fins du concours uniquement, la connaissance de la langue danoise était souhaitable pour des raisons pratiques. Le requérant également prit part à ce concours. Après avoir effectué les examens nécessaires le jury a établi son rapport, le 18 avril 1975. Selon ce document, neuf candidats figuraient sur la liste
d'aptitude: le candidat désigné en première place avait un total de 56,5 points; celui, cité en second lieu, M. G., 50,25 points, et le requérant venait à la sixième place avec 46,25 points. Sur la base de cette liste, le président du Parlement a nommé, le 29 avril 1975, M. G. au poste déclaré vacant, avec effet du 1er mars 1975.

Le 18 juin 1975, le requérant a adressé une réclamation formelle à l'autorité investie du pouvoir de nomination, en demandant que la décision de nomination soit annulée et qu'il soit lui-même nommé chef de division conformément à l'article 29, paragraphe 1, a), conjointement avec l'article 45, paragraphe 1, ou conformément à l'article 29, paragraphe 1, b), du statut des fonctionnaires. A cet égard, il faisait valoir notamment, que, contrairement à M. G., il était apte à être promu, dès le début de
la procédure visant à pourvoir ce poste; que lors du concours antérieur A/43 (qui a fait l'objet de l'affaire 23-74), il avait obtenu davantage de points que M. G., et que ce dernier ne s'était pas présenté à une épreuve visant à constater les connaissances en langue danoise. Cette réclamation étant demeurée sans réponse, le requérant a saisi la Cour de justice, le 16 décembre 1975, et demandé l'annulation de la décision du président du Parlement portant nomination de M. G. au poste de chef de
division.

A l'appui de sa demande, il a allégué toute une série de moyens. Ils concernent l'admissibilité de l'ouverture d'un concours interne, la constitution du jury, la fixation de certains critères d'examen contenus dans l'avis de concours, les examens effectués par le jury ainsi que le contenu de la décision de nomination.

Ces motifs appellent de notre part les observations suivantes:

1. La première question à examiner est celle de savoir si, en l'espèce, le Parlement a omis de tenir compte de l'article 29, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires, selon lequel «en vue de pourvoir aux vacances d'emploi, l'autorité investie du pouvoir de nomination doit d'abord examiner les possibilités de promotion ou de mutation au sein de l'institution». A cet égard, le requérant allègue que — comme il a été montré dans l'affaire 23-74 (Berthold Küster/Parlement européen, arrêt du 12 mars
1975, Recueil 1975, p. 353) — son aptitude à être promu a été reconnue et qu'il était l'unique candidat promouvable au poste déclaré vacant. En conséquence, il aurait été conforme au statut de le promouvoir sans passer à la phase suivante de la procédure visant à pourvoir ce poste.

Un grief analogue a déjà été formulé dans l'affaire 23-74. Nous avons alors soutenu dans nos conclusions qu'il n'était pas possible de parler d'un droit à promotion; le passage à la seconde phase de la procédure de nomination à un poste, prévue à l'article 29, paragraphe 1, b), du statut des fonctionnaires, serait justifié non seulement lorsqu'il n'y a pas de candidats aptes à être promus ou mutés mais encore, lorsqu'il existe d'autres motifs raisonnables. La Cour de justice a alors suivi cette
thèse et elle a reconnu notamment que, lorsqu'il y a plusieurs candidats à une promotion, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut en conclure que l'ouverture d'un concours interne est conforme à l'intérêt du service.

Pareilles considérations nous paraissent également valables dans la présente affaire.

A cet égard, un premier élément important est que l'avis de vacance de mars 1974 exigeait des connaissances approfondies de la langue danoise. Le requérant n'a pas pu prouver qu'il les possédait; son acte de candidature indique seulement que, dans son service à la Communauté, il devrait faire usage de toutes les langues officielles, à l'exception du danois. L'autorité investie du pouvoir de nomination pouvait donc en déduire que le requérant ne possédait pas les qualités requises pour le poste
déclaré vacant, et par conséquent rie pas envisager une promotion. Certes, du fait que l'avis de vacance mentionné n'avait pas eu de succès, les exigences en matière de connaissances linguistiques ont été réduites lors de l'ouverture du concours interne, dans la mesure où il n'a été alors question que de connaissances souhaitables de la langue danoise, et on pouvait se demander si, par conséquent, la procédure destinée à pourvoir le poste n'aurait pas dû être recommencée, c'est-à-dire s'il
n'aurait pas fallu examiner de nouveau, en premier lieu, les possibilités de promotion. Le fait que l'on ait omis de le faire pourra cependant être considéré comme dénué d'importance, parce qu'il pourrait résulter du dossier de candidature que le requérant ne satisfaisait pas non plus à ces exigences restreintes. Au reste, cette impression s'est confirmée après la déclaration du président du jury, entendu comme témoin, selon laquelle le requérant n'avait que des connaissances rudimentaires de la
langue danoise, qui n'auraient pas mérité d'être prises en considération au cours de la procédure de concours.

Indépendamment du fait que — comme le Parlement l'a déclaré au cours de la procédure —, peu de temps après, c'est-à-dire en janvier, d'autres concurrents auraient été aptes à être promus, on peut donc en conclure, qu'en l'espèce, il existait des motifs raisonnables de ne pas prendre en considération le fait que le requérant était promouvable et qu'il est donc impossible d'apercevoir une violation de l'article 29 du statut des fonctionnaires.

2. Au sujet du second grief, celui de la constitution irrégulière du jury par le secrétaire général du Parlement, qui aurait agi sur la base d'une autorisation datant d'octobre 1971, et selon les allégations du requérant, non publiée, nous serons très brefs.

Dans une série d'autres affaires — les affaires 23-74, 77-74 et 80-74 — nous avons déjà recontré ce grief et la conclusion fondée sur lui selon laquelle tous les actes de la procédure de concours qui en découlent seraient nuls. Nous l'avons alors examiné de manière approfondie et nous sommes parvenu à la conclusion qu'il est insoutenable. Nous voudrions y renvoyer et nous y tenir, d'autant plus qu'aucun argument nouveau n'a été invoqué et que l'on peut déduire de l'arrêt de rejet rendu dans
l'affaire 23-74, que la Cour de justice ne partage pas le point de vue du requérant.

3. En revanche, le troisième grief, qui concerne l'avis du concours interne établi par l'autorité investie du pouvoir de nomination et notamment les critères de cotation qui y sont fixés, nous paraît avoir une plus grande importance. Comme nous le savons, il a été prescrit de ne prendre en considération sur les points attribués pour les connaissances linguistiques seuls ceux qui seraient supérieurs à la valeur 5. En outre, il était prévu d'attribuer de 0 à 40 points pour les titres figurant dans le
dossier, c'est-à-dire qu'on leur appliquait le même nombre maximal de points qu'aux résultats de deux épreuves orales. En effet, il était précisé que l'on pourrait attribuer de 0 à 30 points pour une épreuve d'une durée de quinze minutes relative à des sujets concernant les fonctions du poste déclaré vacant et de 0 à 10 points pour une autre épreuve d'une durée de dix minutes portant sur les connaissances linguistiques.

A notre avis, il est évident, et ce fait ne nécessite pas d'autres explications, que la prise en considération limitée de points pour les connaissances linguistiques suscite des objections. En réalité, avec cette méthode de cotation, il n'est pas possible d'apprécier correctement les connaissances requises et, en particulier, ses résultats ne permettent pas de discerner exactement les différences dans les connaissances linguistiques. Nous ne voyons pas comment cela peut se justifier dans une
procédure de concours.

En ce qui concerne la fixation de l'échelle de cotation pour les titres, d'une part, et les épreuves orales, d'autre part, nous rappellerons que, dans les conclusions de l'affaire 23-74, nous avons déjà exprimé des objections quant à l'influence et à l'importance des notes qui ne sont attribuées que sur la base d'un bref entretien. Dans la procédure de concours dont il était alors question, dix critères étaient prévus pour l'examen des titres avec, chaque fois, dix points possibles, mais vingt
points au total pour deux autres critères qui faisaient l'objet d'un entretien. Si cette pondération pouvait déjà paraître critiquable, à plus forte raison doit-il en être de même pour celle qui a été fixée pour le concours A/51. En réalité, il ne semble pas souhaitable d'évaluer de la même manière l'influence de critères objectifs, tels que l'ancienneté, l'âge, les diplômes universitaires, les rapports au titre de l'article 43 du statut des fonctionnaires, etc…, qui souvent mettent en jeu des
périodes de temps assez longues, et celle des résultats d'un entretien d'un durée totale de vingt-cinq minutes. Celui qui a assisté à des épreuves orales sait à quel point les imprévus — choix des questions et forme des candidats — jouent un rôle. Si l'on attribue à leurs résultats la même importance qu'à des titres acquis au cours de longues années, le danger d'une erreur d'appréciation et même d'une manipulation est considérable. On doit donc parler à ce sujet d'une disproportion frappante et
manifeste et critiquer âprement, de ce point de vue, les conditions de l'avis de concours.

Toutefois, il serait prématuré d'en conclure que les résultats du concours sont complètement dénués de pertinence et que la décision de nomination qui les a pris pour base devrait être déclarée nulle.

Ainsi, en ce qui concerne la cotation critiquable des connaissances linguistiques, un élément important est qu'il n'existe des incertitudes à cet égard que pour un seul des candidats inscrits sur la liste d'aptitude, en raison de l'attribution d'aucun point. Mais comme ce candidat figurait sur la liste d'aptitude tant derrière le fonctionnaire nommé que derrière le requérant, on peut dire qu'une correction de cette liste en éliminant la lacune signalée serait complètement dénuée d'importance pour
la décision de nomination attaquée.

En ce qui concerne la pondération inhabituelle des documents du concours et des résultats des épreuves orales, il est possible de procéder directement à une correction sur la base des éléments dont nous disposons. Si on tente de le faire en prenant pour base par exemple un rapport de 4 : 1 pour les titres et l'examen oral, il apparaît que la composition de la liste d'aptitude ne serait que légèrement modifiée — un candidat serait éliminé et un autre prendrait sa place — et qu'aucune modification
fondamentale n'apparaîtrait dans l'ordre des inscrits. Certes, le fonctionnaire nommé ne serait plus à la seconde place, mais à la troisième, mais il viendrait encore avant le requérant qui, du fait de la modification de la pondération, occuperait la quatrième place. Dans ces conditions, il faut admettre que l'autorité investie du pouvoir de décision aurait difficilement pris une autre décision en vue de pourvoir le poste déclaré vacant, c'est-à-dire que l'on doit admettre que le vice mentionné
n'a pas eu d'effet sur la décision attaquée.

C'est pourquoi nous estimerions, qu'en dépit de la critique justifiée dont il a été question, il n'y a pas lieu de déclarer que la procédure de concours est illégale dans son ensemble et notamment d'annuler la décision de nomination qui a été prise à sa suite.

4. Au sujet des autres moyens, nous avons eu l'impression — et nous anticipons ainsi sur le résultat de notre examen — qu'ils n'exigent pas de vastes développements.

a) Commençons par le fait, qu'abstraction faite de son résultat, aucune note n'a été rédigée au sujet de l'épreuve orale à laquelle une si grande importance a été attribuée. Dans l'intérêt du contrôle du déroulement du concours — il ne peut pas, nous le savons, être question de remplacer les notes — nous estimons qu'il n'est pas satisfaisant, même si nous ne voudrions pas aller aussi loin — aucune disposition ne plaidant en ce sens — de considérer comme adéquats des enregistrements sur bande
magnétique. D'autre part, puisque le déroulement des épreuves orales n'a donné lieu à aucune critique et qu'aucun indice d'une incorrection n'est apparu, nous pensons que, pour la raison indiquée, la procédure de concours ne peut pas être déclarée nulle.

b) Nous ne voyons pas non plus d'objection, en ce qui concerne le fait de n'attacher qu'une importance restreinte à l'ancienneté des candidats. A ce sujet, nous renvoyons à nos développements dans les conclusions de l'affaire 23-74, qui concernait une pratique analogue dans un concours antérieur.

c) Nous estimons en outre qu'il est indifférent que le fonctionnaire nommé n'ait pas participé à l'épreuve relative aux connaissances de la langue danoise. A ce propos, on nous a dit qu'il ne possédait pas ces connaissances et que l'autorité investie du pouvoir de nomination le savait. A notre avis, sa nomination pouvait néanmoins être envisagée, parce que les connaissances en langue danoise n'avaient été indiquées que comme souhaitables, et ne constituaient donc pas une condition indispensable
pour occuper le poste en question.

d) Sur toute une série de questions que le requérant a soulevées ou auxquelles le rapport du jury présenté par le Parlement a pu du reste donner lieu, l'audition du témoin a, à notre avis, fourni des réponses satisfaisantes, de sorte qu'il n'y a pas lieu non plus de formuler des critiques à cet égard.

— Il en est ainsi tout d'abord de la question de savoir si un dossier complet concernant le requérant, y compris une lettre de février 1975 et ses annexes — a été présenté au jury. Tel a été le cas, semble-t-il, et il paraît même établi qu'une partie des annexes mentionnées se trouve depuis longtemps dans le dossier personnel du requérant.

— Il en est ainsi également pour la prise en considération du fait que le requérant a exercé provisoirement les fonctions de chef de division; une comparaison avec les résultats du concours A/43, pour laquelle il y a lieu, dans la procédure de concours qui nous intéresse actuellement, de songer surtout au critère no 7, montre qu'il en a été tenu compte.

— Il en est de même pour la question de savoir s'il aurait été indiqué de prendre en considération des inscriptions antérieures sur des listes d'aptitude. A notre avis, l'élément important à ce sujet, est que ces inscriptions effectuées à l'occasion d'autres concours n'ont été prises en considération que dans la mesure où elles ont été faites sur la base de concours avec épreuves et donc pas seulement de concours sur titres.

— Il en est de même également pour la question de savoir s'il a été tenu compte des connaissances du requérant dans la langue danoise, ce qui apparemment a été le cas, mais qui n'a pas abouti à une mention particulière dans la liste d'aptitude, compte tenu de leur caractère rudimentaire.

— Il en est encore de même en ce qui concerne la prise en considération des activités antérieures du requérant dans l'industrie, pour lesquelles le jury n'a pas voulu attribuer des points particuliers, parce qu'il estimait qu'elles ne pouvaient pas être considérées comme une préparation aux tâches propres au poste à pourvoir.

— Il en est de même enfin pour la comparaison faite par le requérant avec les résultats de concours antérieurs et dont on nous a dit qu'elle n'était pas impérative parce que les épreuves s'étaient déroulées différemment.

e) Enfin — et nous parvenons au dernier point — le fait que la décision attaquée se réfère à l'article 45 du statut des fonctionnaires et parle de promotion ne fournit aucun appui pour la demande. En effet, il résulte clairement des motifs de la décision, que la nomination a été faite sur la base d'un concours interne. Il n'est donc pas douteux qu'il n'y ait pas eu de promotion au sens technique de l'article 45 et que la référence à ce dernier n'a été faite que parce qu'il s'agissait d'une montée
de grades et qu'il fallait déterminer en conséquence l'échelon hiérarchique.

5. Après un examen approfondi de la matière du procès, il ne reste qu'à constater qu'aucun des motifs allégués par le requérant n'oblige à annuler la décision de nomination attaquée. Le recours doit donc être rejeté comme non fondé et les dépens, réglés conformément à l'article 70 du règlement de procédure.

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( 1 ) Traduit de l'allemand.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 123-75
Date de la décision : 11/11/1976
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Berthold Küster
Défendeurs : Parlement européen.

Composition du Tribunal
Avocat général : Reischl
Rapporteur ?: Capotorti

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1976:149

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