ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
4 mars 2020 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Règlement (UE) no 952/2013 – Soustraction à la surveillance douanière – Vol de marchandises placées sous le régime de l’entrepôt douanier – Article 242 – Responsable de la soustraction – Titulaire de l’autorisation d’entrepôt douanier – Sanction pour infraction à la réglementation douanière – Article 42 – Obligation de payer une somme correspondant à la valeur des marchandises manquantes – Cumul avec une sanction pécuniaire – Proportionnalité »
Dans l’affaire C‑655/18,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie), par décision du 5 octobre 2018, parvenue à la Cour le 19 octobre 2018, dans la procédure
Teritorialna direktsia « Severna morska » kam Agentsia Mitnitsi, venant aux droits de la Mitnitsa Varna
contre
« Schenker » EOOD,
en présence de :
Okrazhna prokuratura – Varna,
LA COUR (huitième chambre),
composée de Mme L. S. Rossi, présidente de chambre, MM. J. Malenovský et F. Biltgen (rapporteur), juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. R. Schiano, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 novembre 2019,
considérant les observations présentées :
– pour la Teritorialna direktsia « Severna morska » kam Agentsia Mitnitsi, venant aux droits de la Mitnitsa Varna, par Mmes S. K. Kirilova et M. F. Bosilkova-Kolipatkova ainsi que par M. B. Borisov, en qualité d’agents,
– pour « Schenker » EOOD, par Me G. Goranov, advokat,
– pour le gouvernement bulgare, par Mmes L. Zaharieva et E. Petranova, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par MM. I. Zaloguin et V. Bottka ainsi que par Mme M. Kocjan, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Teritorialna direktsia « Severna morska » kam Agentsia Mitnitsi (direction territoriale « Côte nord » au sein de l’agence des douanes, Bulgarie, ci-après la « douane de Varna ») à « Schenker » EOOD, au sujet des sanctions infligées à celle-ci en tant que titulaire d’une autorisation d’entrepôt douanier, à la suite du vol de marchandises dont elle avait la garde.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Le considérant 45 du règlement no 952/2013 énonce :
« Il y a lieu de fixer, au niveau de l’Union, les règles régissant la destruction ou toute autre manière de disposer des marchandises par les autorités douanières, dans la mesure où ces domaines relevaient auparavant de la législation nationale. »
4 L’article 42, paragraphes 1 et 2, de ce règlement prévoit :
« 1. Chaque État membre prévoit des sanctions en cas d’infraction à la législation douanière. Ces sanctions sont effectives, proportionnées et dissuasives.
2. Lorsque des sanctions administratives sont appliquées, elles peuvent l’être, notamment, sous l’une ou les deux formes suivantes :
a) une charge pécuniaire imposée par les autorités douanières, y compris, le cas échéant, un règlement en lieu et place d’une sanction pénale ;
b) le retrait, la suspension ou la modification de toute autorisation dont la personne concernée est titulaire. »
5 L’article 79 dudit règlement, intitulé « Dette douanière née en raison d’une inobservation », dispose, à ses paragraphes 1 et 3 :
« 1. Une dette douanière naît à l’importation, dans la mesure où les marchandises sont passibles de droits à l’importation, par suite de l’inobservation :
a) soit d’une des obligations définies dans la législation douanière applicable à l’introduction de marchandises non Union dans le territoire douanier de l’Union, à leur soustraction à la surveillance douanière, ou à la circulation, à la transformation, au stockage, au dépôt temporaire, à l’admission temporaire ou à la disposition de ces marchandises dans ce territoire ;
b) soit d’une des obligations définies dans la législation douanière pour la destination particulière de marchandises dans le territoire douanier de l’Union ;
[...]
3. Dans les cas visés au paragraphe 1, points a) et b), le débiteur est :
a) toute personne appelée à remplir les obligations considérées ;
b) toute personne qui savait ou devait raisonnablement savoir qu’une obligation découlant de la législation douanière n’était pas remplie et qui a agi pour le compte de la personne qui était tenue de remplir l’obligation ou qui a participé à l’acte ayant donné lieu à l’inexécution de l’obligation ;
[...] »
6 L’article 198 de ce même règlement est rédigé comme suit :
« 1. Les autorités douanières prennent toutes les mesures nécessaires, y compris la confiscation et la vente ou la destruction, pour régler la situation des marchandises dans les cas suivants :
a) lorsqu’une des obligations prévues par la législation douanière en ce qui concerne l’introduction de marchandises non Union sur le territoire douanier de l’Union n’a pas été satisfaite ou que les marchandises ont été soustraites à la surveillance douanière ;
[...]
3. Le coût des mesures visées au paragraphe 1 est supporté :
a) dans le cas visé au paragraphe 1, point a), par toute personne appelée à remplir les obligations considérées ou qui a soustrait les marchandises à la surveillance douanière ;
[...] »
7 Aux termes de l’article 242, paragraphe 1, du règlement no 952/2013 :
« Le titulaire d’une autorisation et le titulaire du régime de l’entrepôt douanier ont la responsabilité :
a) d’assurer que les marchandises admises sous le régime de l’entrepôt douanier ne sont pas soustraites à la surveillance douanière ; et
b) d’exécuter des obligations qui résultent du stockage des marchandises se trouvant sous le régime de l’entrepôt douanier. »
Le droit bulgare
8 L’article 233, paragraphe 6, du Zakon za mitnitsite (loi sur les douanes, DV no 15, du 6 février 1998), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la « loi sur les douanes »), énonce :
« Les marchandises faisant l’objet de la contrebande douanière sont saisies au profit de l’État quel que soit leur propriétaire et lorsqu’elles font défaut ou ont été aliénées, il leur est attribué une valeur correspondant à leur valeur en douane ou à leur valeur à l’exportation. »
9 Aux termes de l’article 234a, paragraphes 1 et 3, de la loi sur les douanes :
« 1. Quiconque soustrait des marchandises entreposées temporairement ou des marchandises déclarées sous le régime douanier ou pour une réexportation, sans respecter les conditions fixées par la législation ou par les autorités douanières, est condamné à une amende pour les personnes physiques, ou à une sanction pécuniaire pour les personnes morales et commerçants individuels, dont le montant est de 100 à 200 % de la valeur en douane des biens ou, en cas d’exportation, de la valeur des biens
faisant l’objet de l’infraction.
[...]
3. Dans les cas de figure visés aux paragraphes 1 et 2, les dispositions de l’article 233, paragraphes 6, 7 et 8, s’appliquent en conséquence. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
10 Le 16 mars 2017, Teld Consulting OOD a introduit une déclaration en douane pour la mise sous le régime de l’entrepôt douanier de 13 conteneurs contenant du bois contreplaqué. Cette déclaration a été déposée au nom et pour le compte de Balkantrade Properties EOOD.
11 Après l’accomplissement des formalités douanières de mise en place dudit régime, ces conteneurs devaient être transportés vers un entrepôt douanier exploité et géré par Schenker, conformément à l’autorisation d’entrepôt douanier dont celle-ci est titulaire.
12 Schenker a mandaté Fortis Trade OOD en vue d’assurer ce transport. Cependant, l’un de ces conteneurs a été volé en cours de route, tout comme le véhicule appartenant à Fortis Trade qui le transportait. Par conséquent, les marchandises placées dans ce conteneur n’ont pas été livrées à l’entrepôt de Schenker.
13 À la suite d’un contrôle effectué dans cet entrepôt par l’inspection des douanes de Varna (Bulgarie), il a été constaté que toutes les marchandises faisant l’objet du régime de l’entrepôt douanier ne se trouvaient pas dans ledit entrepôt. Un acte de constat d’infraction administrative pour violation de l’article 234a, paragraphe 1, de la loi sur les douanes a, en conséquence, été dressé à l’encontre de Schenker, au motif que cette société aurait soustrait à la surveillance douanière une partie
des marchandises qui avaient été déclarées sous le régime de l’entrepôt douanier. Sur le fondement de ce constat, le directeur de la douane de Varna a émis une décision par laquelle, conformément à l’article 233, paragraphe 6, et à l’article 234a, paragraphes 1 et 3, de la loi sur les douanes, il a infligé à Schenker une sanction pécuniaire d’un montant de 23826,06 leva bulgares (BGN) (environ 12225 euros) et a ordonné à cette société de payer une même somme, correspondant à la valeur des
marchandises manquantes.
14 Saisi du recours introduit contre cette décision par Schenker, le Varnenski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Varna, Bulgarie) a annulé celle-ci. Il a notamment considéré que le vol constituait un cas de force majeure et qu’aucun lien de causalité n’était établi entre un acte ou une omission illégal de cette société et la conséquence du vol, à savoir l’impossibilité pour les autorités douanières d’accéder aux marchandises placées sous surveillance douanière et d’exercer leur contrôle.
15 La douane de Varna s’est pourvue en cassation devant la juridiction de renvoi, l’Administrativen sad Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie). Elle soutient que l’application du régime de l’entrepôt douanier fait naître une obligation de ne pas soustraire les marchandises à la surveillance douanière et que le vol en question ne constitue pas un cas de force majeure propre à exonérer l’entrepositaire de sa responsabilité.
16 La juridiction de renvoi constate que Schenker s’est vu infliger deux sanctions administratives. Selon elle, la sanction consistant en l’obligation de payer la valeur des marchandises volées ne relève d’aucune des formes de sanction prévues à l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 952/2013 et il ne s’agit pas non plus d’une forme de saisie, telle que prévue par le droit national. La juridiction de renvoi se demande, dès lors, si cette obligation de payer la valeur des marchandises est
conforme à ladite disposition ainsi qu’aux principes d’effectivité et de proportionnalité, compte tenu du fait qu’elle est cumulée à l’infliction d’une sanction pécuniaire.
17 Dans ces conditions, l’Administrativen sad Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Convient-il d’interpréter l’article 242, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 952/2013 en ce sens que le vol de marchandises placées sous le régime de l’entrepôt douanier constitue, dans les circonstances de l’espèce, une soustraction des marchandises au régime de l’entrepôt douanier laquelle justifie d’imposer au titulaire du régime une sanction pécuniaire prévue en cas d’infraction douanière ?
2) L’obligation faite de payer la valeur des marchandises faisant l’objet de l’infraction douanière (la soustraction des marchandises au régime de l’entrepôt douanier) a-t-elle un caractère de sanction administrative au sens de l’article 42, paragraphes 1 et 2, du règlement no 952/2013 ? Une disposition du droit national qui impose une telle sanction simultanément à des sanctions pécuniaires est-elle conforme ? Cette disposition nationale satisfait-elle aux exigences d’effectivité, de
proportionnalité et de dissuasion que l’article 42, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 952/2013 pose pour les sanctions en cas d’infraction à la législation douanière de l’Union ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
Sur la recevabilité
18 Dans ses observations écrites, Schenker considère que la première question est irrecevable, dans la mesure où elle porte exclusivement sur l’application de dispositions de droit national et, notamment, sur le point de savoir si une action ou une omission particulière est constitutive d’une infraction telle que définie dans le droit national.
19 À cet égard, il convient, certes, de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, cette dernière n’a pas compétence pour interpréter le droit national et qu’il appartient au seul juge national de constater et d’apprécier les faits du litige au principal ainsi que de déterminer l’exacte portée des dispositions législatives,
réglementaires ou administratives nationales (arrêt du 3 octobre 2019, Fonds du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale, C‑632/18, EU:C:2019:833, point 48 et jurisprudence citée).
20 En l’occurrence, il ressort toutefois du libellé même de la première question que, par celle-ci, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 242, paragraphe 1, du règlement no 952/2013, et plus particulièrement de la notion de « soustraction à la surveillance douanière » en rapport avec cette disposition, ainsi que sur la question de savoir si le droit de l’Union permet qu’une telle soustraction fasse l’objet d’une sanction pécuniaire.
21 Schenker soutient également que l’issue du litige au principal dépend non pas de l’interprétation de dispositions du droit de l’Union, mais de questions de fait, à savoir la détermination de l’auteur concret de l’infraction concernée, de sa qualité au moment où il a commis celle-ci ainsi que des actes ou des omissions qui seraient constitutifs d’une infraction imputable audit auteur.
22 À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées par les juridictions nationales portent sur
l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 19 et jurisprudence citée). Or, tel est, en l’occurrence, manifestement le cas.
23 Dans ces conditions, la première question est recevable.
Sur le fond
24 À titre liminaire, il importe de relever que l’article 242, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 952/2013, mentionné dans la première question, concerne la responsabilité du titulaire d’une autorisation et du titulaire du régime de l’entrepôt douanier en cas de soustraction des marchandises à la surveillance douanière, alors que cette question porte également sur le point de savoir si le responsable d’une telle soustraction peut se voir infliger une sanction pécuniaire prévue par le droit
national, ce qui a trait à d’autres dispositions de ce règlement.
25 Or, la circonstance que, sur le plan formel, la juridiction de renvoi a limité une question à l’interprétation d’une disposition particulière du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait référence ou non dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments
fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments dudit droit qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige au principal (arrêt du 18 septembre 2019, VIPA, C‑222/18, EU:C:2019:751, point 50 et jurisprudence citée).
26 Par conséquent, il convient de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 952/2013 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, en cas de vol de marchandises placées sous le régime d’entrepôt douanier, le titulaire de l’autorisation d’entrepôt douanier se voit infliger une sanction pécuniaire au titre d’une infraction à la réglementation douanière.
27 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que la notion de « soustraction à la surveillance douanière », telle qu’elle figure dans le règlement no 952/2013, doit être entendue comme comprenant tout acte ou omission qui a pour résultat d’empêcher, ne serait-ce que momentanément, l’autorité douanière compétente d’accéder à une marchandise sous surveillance douanière et d’effectuer les contrôles prévus par la réglementation douanière (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2017, Aebtri, C‑224/16,
EU:C:2017:880, point 93 et jurisprudence citée).
28 Ainsi que la Cour a déjà eu l’occasion de le juger, il est question de « soustraction à la surveillance douanière », au sens dudit règlement, notamment lorsque, comme en l’occurrence, des marchandises placées sous un régime suspensif ont été volées (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Harry Winston, C‑273/12, EU:C:2013:466, point 30 et jurisprudence citée).
29 En ce qui concerne la personne responsable d’une telle soustraction à la surveillance douanière, l’article 242, paragraphe 1, sous a), du règlement no 952/2013 prévoit que le titulaire d’une autorisation a la responsabilité de veiller à ce que les marchandises admises sous le régime de l’entrepôt douanier ne soient pas soustraites à la surveillance douanière.
30 À cet égard, il découle d’une jurisprudence constante de la Cour que la soustraction d’une marchandise à la surveillance douanière présuppose uniquement la réunion de conditions de nature objective, telles que l’absence physique de la marchandise dans le lieu de dépôt agréé au moment où l’autorité douanière entend procéder à l’examen de ladite marchandise (arrêt du 12 juin 2014, SEK Zollagentur, C‑75/13, EU:C:2014:1759, point 31 et jurisprudence citée).
31 Il s’ensuit que la responsabilité du titulaire d’une autorisation d’entrepôt douanier en cas de soustraction à la surveillance douanière de marchandises placées sous le régime d’entrepôt douanier revêt un caractère objectif et est, dès lors, indépendante du comportement de ce titulaire ainsi que de celui de tiers.
32 S’agissant des conséquences d’une telle soustraction à la surveillance douanière pour ledit titulaire, il ressort de la jurisprudence de la Cour que constitue une infraction douanière l’inobservation d’une des obligations définies dans la législation douanière applicable à la soustraction de marchandises à la surveillance douanière, inobservation qui, conformément à l’article 79, paragraphe 1, sous a), du règlement no 952/2013, fait naître une dette douanière à l’importation. En l’absence
d’harmonisation de la législation de l’Union dans le domaine de telles infractions douanières, les États membres sont compétents pour adopter des sanctions appropriées afin d’assurer le respect de la réglementation douanière de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2003, Hannl-Hofstetter, C‑91/02, EU:C:2003:556, points 18 à 20).
33 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que le règlement no 952/2013 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle, en cas de vol de marchandises placées sous le régime d’entrepôt douanier, le titulaire de l’autorisation d’entrepôt douanier se voit infliger une sanction pécuniaire appropriée au titre d’une infraction à la réglementation douanière.
Sur la seconde question
34 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 952/2013 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, en cas de soustraction à la surveillance douanière de marchandises placées sous le régime de l’entrepôt douanier, le titulaire de l’autorisation d’entrepôt douanier est tenu de s’acquitter, en sus d’une sanction pécuniaire, d’une somme correspondant à la valeur de ces
marchandises.
35 À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que, alors que l’article 234a, paragraphe 1, de la loi sur les douanes prévoit, en cas de soustraction à la surveillance douanière, une sanction pécuniaire s’élevant à entre 100 % et 200 % de la valeur des marchandises soustraites, l’article 234a, paragraphe 3, de cette loi, lu en combinaison avec l’article 233, paragraphe 6, de celle-ci, prévoit que la personne responsable de cette soustraction devra s’acquitter d’une somme correspondant à la
valeur de ces marchandises.
36 Dans leurs observations écrites et lors de l’audience devant la Cour, la douane de Varna et le gouvernement bulgare ont fait valoir que cette dernière obligation constitue non pas une sanction, au sens de l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 952/2013, mais une mesure relevant de l’article 198, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, en vertu duquel les autorités douanières doivent prendre toutes les mesures nécessaires, y compris la confiscation et la vente ou la destruction, pour « régler
la situation des marchandises » soustraites à la surveillance douanière. Selon ces intéressés, l’énumération des mesures ainsi visées à cette disposition n’étant pas exhaustive, le paiement, lorsque la présence physique des marchandises concernées ne peut être constatée par les autorités compétentes, de la valeur de celles-ci constituerait un « moyen de régler [leur] situation », au sens de ladite disposition, analogue à une saisie de ces marchandises au profit de l’État.
37 Une telle interprétation ne saurait toutefois être retenue.
38 En effet, l’article 198 du règlement no 952/2013 figure sous le chapitre 4, intitulé « Disposition des marchandises », du titre V de ce règlement. Il en découle que les dispositions regroupées sous ce chapitre portent uniquement sur les mesures à prendre « pour régler la situation » des marchandises dont la présence physique a pu être constatée par les autorités compétentes. Cette interprétation est corroborée par le considérant 45 de ce règlement qui énonce que ce règlement poursuit notamment
l’objectif de fixer, au niveau de l’Union, des règles régissant la destruction ou toute autre manière de disposer des marchandises par les autorités douanières.
39 Or, le paiement de la valeur des marchandises concernées ne saurait être considéré comme étant un moyen de disposer de ces dernières et qui tendrait ainsi à la réalisation de cet objectif.
40 Par conséquent, c’est à juste titre que la juridiction de renvoi qualifie de sanction l’obligation, pour le responsable de l’infraction, de payer, outre une sanction pécuniaire, une somme correspondant à la valeur des marchandises soustraites à la surveillance douanière.
41 Conformément à l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 952/2013, les sanctions prévues par les États membres en cas d’infraction à la législation douanière doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.
42 À cet égard, il convient de rappeler que, en l’absence d’harmonisation de la législation de l’Union dans le domaine des sanctions applicables en cas d’inobservation des conditions prévues par un régime institué par cette législation, les États membres sont compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées. Ils sont toutefois tenus d’exercer leur compétence dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux et, par conséquent, dans le respect du principe de
proportionnalité (arrêt du 16 juillet 2015, Chmielewski, C‑255/14, EU:C:2015:475, point 21 et jurisprudence citée).
43 En particulier, les mesures administratives ou répressives permises par une législation nationale ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par cette législation et, en outre, être démesurées par rapport auxdits objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2017, Euro-Team et Spirál-Gép, C‑497/15 et C‑498/15, EU:C:2017:229, points 40 et 58 ainsi que jurisprudence citée).
44 Or, en l’occurrence, une sanction consistant en l’obligation de payer une somme correspondant à la valeur des marchandises soustraites à la surveillance douanière n’apparaît pas comme étant proportionnée, et cela indépendamment du fait que cette sanction s’ajoute à celle visée à l’article 234a, paragraphe 1, de la loi sur les douanes. En effet, une sanction s’élevant à un tel montant va au-delà des limites de ce qui est nécessaire pour garantir, notamment, que les marchandises admises sous le
régime de l’entrepôt douanier ne soient pas soustraites à la surveillance douanière.
45 Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que les sanctions prévues à l’article 42 du règlement no 952/2013 visent non pas à sanctionner d’éventuelles activités frauduleuses ou illicites, mais toute infraction à la législation douanière (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2015, Chmielewski, C‑255/14, EU:C:2015:475, point 31).
46 Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a relevé dans ses observations écrites, une sanction telle que celle visée à l’article 234a, paragraphe 3, de la loi sur les douanes, lu en combinaison avec l’article 233, paragraphe 6, de celle-ci, apparaît démesurée par rapport à la dette douanière qui est née du fait de la soustraction à la surveillance douanière de marchandises placées sous le régime de l’entrepôt douanier.
47 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 952/2013 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, en cas de soustraction à la surveillance douanière de marchandises placées sous le régime de l’entrepôt douanier, le titulaire de l’autorisation d’entrepôt douanier est tenu de s’acquitter, en sus d’une sanction pécuniaire, d’une somme correspondant à la valeur de ces
marchandises.
Sur les dépens
48 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :
1) Le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle, en cas de vol de marchandises placées sous le régime d’entrepôt douanier, le titulaire de l’autorisation d’entrepôt douanier se voit infliger une sanction pécuniaire appropriée au titre d’une infraction à la réglementation douanière.
2) L’article 42, paragraphe 1, du règlement no 952/2013 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, en cas de soustraction à la surveillance douanière de marchandises placées sous le régime de l’entrepôt douanier, le titulaire de l’autorisation d’entrepôt douanier est tenu de s’acquitter, en sus d’une sanction pécuniaire, d’une somme correspondant à la valeur de ces marchandises.
Signatures
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.