REQUETE du sieur Y..., tendant à l'annulation d'un jugement du 28 février 1964 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du ministre de la Santé publique du 22 septembre 1959 rejetant la demande de licence d'ouverture d'une pharmacie présentée par le sieur X... et un arrêté du Préfet de la Somme du 25 mars 1959 accordant une licence au sieur Y... ;
2° Recours du ministre de la Santé publique et de la population, tendant à l'annulation du même jugement et à ce que soient déclarées légales les décisions prises à l'égard des sieurs X... et Y... ;
Vu le Code de la Santé publique ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; le Code général des impôts.
Considérant que les pourvois susvisés sont dirigés contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées au dossier que le Tribunal administratif n'a pas statué au-delà des limites des conclusions dont il avait été saisi ;
Sur le refus opposé par le ministre de la Santé publique et de la Population à la demande du sieur X..., tendant à obtenir une dérogation pour l'ouverture d'une officine de pharmacie à Amiens, 18 place la Barre :
Considérant que par un arrêté en date du 18 octobre 1962, postérieur à l'introduction de la demande du sieur X... devant le Tribunal administratif, le ministre de la Santé publique et de la Population lui a accordé l'autorisation d'ouvrir, par dérogation aux règles générales applicables en la matière, une officine de pharmacie 18, place la Barre ; qu'ainsi les décisions lui refusant ladite dérogation doivent être regardées comme rapportées ; que les conclusions susvisées de la requête du sieur X... étaient devenues sans objet à la date à laquelle le Tribunal administratif a statué ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du ministre de la Santé publique et de la Population du 5 février 1960, rejetant le recours gracieux du sieur X..., qui tendait au retrait de la décision ministérielle de rejet du 22 septembre 1959 ;
Sur les décisions accordant au sieur Y... une licence à titre dérogatoire pour l'ouverture d'une pharmacie à Amiens, parc d'Etouvie ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes :
Considérant que, lorsque dans le cadre de la procédure prévue à l'avant-dernier alinéa de l'article 571 du Code de la santé publique, le ministre décide d'accorder une dérogation aux règles normales d'attribution des licences, en raison de l'extension nouvelle prise par un quartier d'une ville et de l'accroissement corrélatif des besoins de la population dans ce secteur et que plusieurs candidats demandent à ce titre l'autorisation d'ouvrir une officine, l'administration doit accorder l'autorisation au candidat qui, le premier, a présenté une demande régulière en vue de l'ouverture d'une officine permettant la desserte normale du quartier ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'en 1958, le parc d'Etouvie, tant par sa situation que par le nombre d'immeubles déjà construits et en construction constituait un quartier distinct de celui de Moutières où se trouve la place la Barre ; que, dans ces circonstances, le ministre de la Santé publique a pu légalement estimer, ainsi qu'il l'a fait dans les motifs de sa décision, que les besoins de la population exigeaient la création d'une officine dans ce quartier du parc d'Etouvie ;
Considérant, d'autre part, que le ministre de la Santé publique ayant, par application de l'avant-dernier alinéa de l'article 571 du code, décidé d'autoriser l'ouverture d'une pharmacie dans le quartier du parc d'Etouvie, était tenu d'accueillir la demande du sieur Y... qui avait seul présenté une demande pour ce quartier ; que l'erreur commise par lui en accordant la dérogation par le motif que le sieur Y... avait présenté avant le sieur X... une demande pour l'ensemble de la ville d'Amiens, est sans influence sur la légalité de sa décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le sieur Y... et le ministre de la Santé publique et de la Population sont fondés à soutenir que c'est par une inexacte appréciation des circonstances de l'affaire que le Tribunal administratif a jugé que les décisions avaient été prises en violation des prescriptions de l'article 571 du Code de la santé publique ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, d'examiner les autres moyens présentés en première instance par le sieur X... ;
Cons, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les différents avis exigés par l'article 571 du Code de la santé publique aient été émis d'une manière irrégulière ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le sieur Y... et le ministre de la Santé publique sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a annulé pour excès de pouvoir les décisions attaquées en tant qu'elles accordent au sieur Y... une licence à titre dérogatoire pour l'ouverture d'une pharmacie à Amiens, parc d'Etouvie ; que par voie de conséquence, le recours incident du sieur X... doit être rejeté ;
Sur les dépens de première instance :
Considérant que dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre les dépens de première instance à la charge de l'Etat ;... Annulation du jugement ; non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande du sieur X... tendant à l'annulation des décisions du ministre de la Santé publique des 22 septembre 1959 et 5 février 1960 ; rejet du surplus desdites conclusions du recours incident ; dépens de première instance mis à la charge de l'Etat ; dépens exposés devant le Conseil d'Etat mis à la charge du sieur X... .