Vu le recours du ministre du Budget, enregistré le 20 décembre 1978 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1° annule le jugement en date du 24 novembre 1978 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du ministre de la Défense du 16 février 1971 rejetant la demande de révision de pension de réversion présentée par Mme X... et renvoyé celle-ci devant le ministre pour qu'il soit procédé au rétablissement de ses droits ; 2° rejette la demande présentée par Mme X... devant le Tribunal administratif de Poitiers ;
Vu la Constitution ; Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite issu de la loi du 20 septembre 1948 ; Vu les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 et la loi du 13 avril 1962 ; Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 ; Vu le code des tribunaux administratifs ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que la demande de Mme X... devant le Tribunal administratif de Poitiers doit être regardée comme dirigée contre deux décisions en date des 14 août et 21 octobre 1974 rejetant ses recours hiérarchiques contre une décision par laquelle le comptable assignataire du paiement de sa pension à Alger a, en 1964 substitué à ce paiement le versement d'une indemnité dont le taux est bloqué sur la base des tarifs en vigueur à la date du 3 juillet 1962 ; qu'aucune disposition des articles R. 37 à R. 50 du code des tribunaux administratifs ne donne compétence à un tribunal administratif pour connaître de cette demande ; que, dès lors, en application de l'article 2-5° du décret du 30 septembre 1953, le Conseil d'Etat est compétent pour en connaître en premier et dernier ressort ; qu'il lui appartient, après avoir annulé le jugement du Tribunal administratif de Poitiers attaqué par le ministre du Budget, de se prononcer sur la demande de Mme X... ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que les décisions dont Mme X... demande l'annulation lui aient été notifiées ; que les délais de recours contentieux contre ces décisions n'ont, dès lors, jamais commencé à courir ; qu'ainsi le ministre du Budget n'est pas fondé à soutenir que la demande de Mme X... est tardive et, par suite, irrecevable ;
Considérant que, si aux termes de l'article 55 de la constitution "les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie", il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier si, et dans quelle mesure, les conditions d'exécution par l'autre partie d'un traité ou d'un accord sont de nature à priver ce traité ou accord de l'autorité prévue par cet article ; que le ministre des Affaires Etrangères est seul compétent pour se prononcer sur une telle question ;
Considérant que la solution du litige soulevé par Mme X... dépend de la question de savoir si, en 1964, époque de la décision attaquée, les conditions dans lesquelles les autorités algériennes appliquaient les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962, rendues applicables par la loi du 13 avril 1962, étaient de nature, comme le soutient le ministre du Budget, à priver de l'autorité prévue par l'article 55 de la Constitution les stipulations de l'article 15 de la déclaration relative à la coopération économique et financière, qui garantissent les droits à pension acquis auprès d'organismes français ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, avant dire droit sur la demande de Mme X..., de renvoyer cette question préjudicielle au ministre des Affaires Etrangères ;
DECIDE : Article 1er - Le jugement du Tribunal administratif de Poitiers, en date du 24 novembre 1978, est annulé. Article 2 - Il est sursis à statuer sur la requête de Mme X... jusqu'à ce que le ministre des Affaires Etrangères se soit prononcé sur la question de savoir si en 1964, les conditions dans lesquelles les autorités algériennes appliquaient les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 étaient de nature à priver de leur autorité les stipulations de l'article 15 de la déclaration relative à la coopération économique et financière qui garantissent les droits à pension acquis auprès d'organismes français. Article 3 - La présente décision sera notifiée à Mme X..., au Premier ministre, au ministre de la Défense, au ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du budget et au ministre des relations extérieures.