Vu le recours enregistré le 15 avril 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du budget, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement, en date du 8 décembre 1981, par lequel le tribunal administratif de Nice a accordé à M. Paul X..., demeurant Résidence "le Mirabeau", à Monté-Carlo Principauté de Monaco , la décharge de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu des personnes physiques à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1969 dans les rôles de la commune de Beausoleil ;
2° remette intégralement l'imposition contestée à la charge de M. X...,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Turquet de Beauregard, Maître des requêtes,
- les observations de Me Ryziger, avocat de M. Paul X...,
- les conclusions de Mme Latournerie, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X..., président-directeur général de la société anonyme "Etablissements Radiophon", créée en 1935, dont il détenait 3 586 actions sur les 3 600 qui composent le capital, a cédé à la société "General Radio Company" G.R.C. dont le siège est aux Etats-Unis, 2 520 de ses actions en 1968, puis 1 065 actions en 1971, la dernière de ses actions étant cédée en 1972 ; qu'au cours de la même année 1968 M. X... a créé une tierce société, dénommée société d'"Etudes électroniques", dont il était le principal actionnaire et le président-directeur général ; qu'après avoir acheté à la société G.R.C. d'une partie du fonds de commerce de la société anonyme des "Etablissements Radiophon", notamment son nom commercial, la société d'"Etudes électroniques" est devenue, le 31 mai 1969, la société "Etablissements Radiophon", tandis que la première société est devenue société "General radio France" ; que l'administration, en s'appuyant sur les dispositions de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts, a estimé que, sous couvert de cessions d'actions, M. X... avait dissimulé en fait une véritable cession d'entreprise impliquant, au 31 mai 1969, la dissolution de la société "Etablissements Radiophon" et, par suite, a imposé M. X... à l'impôt sur le revenu des personnes physiques, dans la catégorie des revenus mobiliers, en regardant comme un boni de liquidation au sens de l'article 161 la valeur lui revenant pour les 1 066 titres dont il était encore alors détenteur, valeur qui s'élevait, après déduction du prix d'acquisition de ses droits sociaux, à la somme non contestée de 936 958 F ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts : "Les actes dissimulant la portée véritable d'un contrat ou d'un convention sous l'apparence de stipulations .... déguisant, soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus .... ne sont pas opposables à l'administration, laquelle supporte la charge de la preuve du caractère réel de ces actes devant le juge de l'impôt lorsque, pour restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse, elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif dont la composition est indiquée à l'article 1653 C" ; que, lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour pouvoir écarter certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et ses activités réelles ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en dépit de la cession, dans un délai de trois ans, de la totalité des actions de M. X... à de nouveaux actionnaires, la société "Etablissements Radiophon" n'a pas été dissoute, a conservé sa forme juridique comme son objet social et a poursuivi les mêmes activités professionnelles, sous réserve de l'abandon d'une branche secondaire desdites activités ; que, si elle a changé de nom, pour prendre celui de la société devenue majoritaire et a également changé de siège social, ces circonstances, eu égard à la poursuite de l'activité principale après la cession d'actions, ne permettent pas de constater qu'il y a eu en l'espèce création d'un être moral nouveau impliquant la dissolution de la société "Etablissments Radiophon" ; que, dans ces conditions, la preuve n'est pas apportée par le ministre que la cession des actions détenues par M. X... a dissimulé une cession d'entreprise qui aurait entraîné, en 1969, la liquidation de la société des Etablissements Radiophon, faisant apparaître entre les mains de l'actionnaire un boni de liquidation ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé à M. X... la décharge de l'imposition litigieuse ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L' ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... etau ministre de l'économie, des finances et du budget.