Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 mars 1981 et 23 juillet 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Fernand Y..., demeurant ... à Rueil-Malmaison 92500 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°- réforme un jugement, en date du 8 janvier 1981, en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d'imposition à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1966, 1967 et 1968 à raison de l'excédent de distribution de la société à responsabilité limitée "Y... et Compagnie", dont il est gérant ;
2°- lui accorde la décharge des impositions contestées ;
3°- décide qu'il sera sursis à l'exécution du jugement attaqué,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu la loi du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984, notamment son article 93-II ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Teissier du Cros, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Labbé, Delaporte, avocat de M. Fernand Y...,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les revenus qui ont servi de base aux impositions supplémentaires mises à la charge de M. Y..., soit 24 350 F, 21 440 F et 32 000 F pour les années 1966, 1967 et 1968 respectivement, proviennent uniquement des redressements qui ont été apportés aux bénéfices imposables de la Société à responsabilité limitée "Delattre et Compagnie" dont le montant a été regardé comme ayant été appréhendé par M. Y..., gérant salarié de ladite société, et, par suite, comme devant être compris dans les bases de l'imposition personnelle de M. Y... à l'impôt sur le revenu des personnes physiques au titre des années 1966, 1967 et 1968 ; que, par le jugement attaqué, dont M. Y... fait appel, le tribunal administratif a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge de celles de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes dont il n'a pas été accordé dégrèvement à la suite d'une erreur commise dans le calcul du quotient familial du contribuable ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Sur la charge de la preuve :
Considérant que, pour soutenir que la preuve est à la charge du contribuable l'administration n'invoque aucune circonstance tirée de la procédure d'imposition poursuivie à l'égard de M. Y... mais se prévaut, seulement, d'une part, de la circonstance que la Société "Delattre et compagnie" a, sur invitation qui lui en avait été faite par l'administration, en application des dispositions de l'article 117 du même code, désigné M. X... comme étant le bénéficiaire des profits occultes regardés par elle comme distribués, et d'autre part, de la procédure d'imposition qu'elle a suivie à l'égard de ladite société ;
Considérant, en premier lieu, que si la circonstance que M. Y..., gérant salarié a été désigné par la Société comme bénéficiaire de l'excédent de distribution en application de l'article 117 du code général des impôts serait de nature à établir, à défaut de preuve contraire, que l'intéressé aurait appréhendé des profits occultes, elle ne saurait, en revanche, dispenser l'administration d'apporter la preuve dont elle a la charge de l'existence et du montant des profits dont s'agit ;
Considérant, en second lieu, que, ni la circonstance, invoquée par l'administration, que les irrégularités qui, selon elle, entachaient la comptabilité de la Société "Delattre et compagnie" auraient justifié la détermination de ses bénéfices taxables par voie de rectification d'office, ni celle, relevée par les premiers juges, que l'imposition desdits bénéfices a été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne peuvent exercer d'influence sur l'imputation de la charge de la preuve dans un différend relatif à l'imposition personnelle du dirigeant de ladite société ;
Considérant que, de ce qui précède, il résulte que le requérant est fondé à soutenir que l'administration a la charge de prouver qu'il a appréhendé les profits litigieux ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'en admettant même que la comptabilité de la Société "Delattre et compagnie" ait été, au cours des exercices clos en 1966, 1967 et 1968, dépourvue de valeur probante, et que M. Y..., désigné comme bénéficiaire de l'excédent de distribution allégué en application de l'article 117, puisse être regardé comme ayant appréhendé les profits occultes dont s'agit, ces circonstances n'autoriseraient l'administration à imposer ce dernier à raison de l'existence desdits profits que dans la mesure où elle établirait que leur montant s'élève au moins aux sommes alléguées de 24 350 F, 21 440 F et 32 000 F au titre de chacun des exercices susmentionnés ; que l'administration qui ne donne aucune précision sur la méthode qu'elle a suivie pour reconstituer les bénéfices ayant servi de base aux impositions contestés n'apporte pas sur ce point la preuve qui lui incombe ; que M. Y... est, dès lors, fondé à demander la
Article ler : Il est accordé à M. Y... la décharge des droits supplémentaires restant à sa charge des impositions à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1966, 1967 et 1968.
Article 2 : Le jugement, en date du 8 janvier 1981, du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au ministre de l'économie, des finances et du budget.