Vu le recours, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 17 février 1987, présenté par le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE L'EMPLOI, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 9 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, à la demande de la compagnie "union des assurances de Paris" (UAP) annulé d'une part la décision en date du 13 octobre 1983 par laquelle l'inspecteur du travail du Gard a rejeté comme irrecevable le règlement intérieur de l'entreprise applicable à son établissement de Nîmes, d'autre part les décisions implicites résultant de leur silence gardé pendant plus de quatre mois par lesquelles le directeur régional du travail et de l'emploi du Languedoc-Roussillon et le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale ont rejeté les recours hiérarchiques présentés par la compagnie "Union des assurances de Paris" contre la décision précitée ;
°2) rejette les demandes présentées par la compagnie "union des assurances de Paris" devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fraisse, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Célice, avocat de la compagnie "Union des assurances de Paris",
- les conclusions de M. Robineau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 122-33 du code du travail : "L'établissement d'un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements industriels, commerciaux ou agricoles ... où sont employés habituellement au moins vingt salariés. Des dispositions spéciales peuvent être établies pour une catégorie de personnel ou une division de l'entreprise ou de l'établissement" ; qu'aux termes de l'article L. 122-34 du même code : "Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement : -Les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement ; - les règles générales et permanentes relatives à la discipline, et notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur ..." ; qu'aux termes de l'article L. 122-35 : "Le règlement intérieur ne peut contenir de clause contraire aux lois et règlements ainsi qu'aux dispositions des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise ou l'établissement ..." ; qu'aux termes de l'article L. 122-36 : "Le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, à l'avis des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l'avis du comité d'hygiène et de sécurité ... Le règlement intérieur, accompagné de l'avis du comitéd'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et, le cas échéant, du comité d'hygiène et de sécurité est communiqué à l'inspecteur du travail" ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 122-37 : "L'inspecteur du travail peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux articles L. 122-34 et L. 122-35", et que, selon l'article L. 122-38, "La décision de l'inspecteur du travail ... peut faire l'objet dans les deux mois d'un recours auprès du directeur régional du travail et de l'emploi ..." ;
Considérant, d'une part, que les textes précités n'interdisent pas à une entreprise comportant plusieurs établissements où sont employés habituellement au moins vingt salariés d'établir un règlement intérieur unique pour l'ensemble de ces établissements dès lors que ceux-ci ne présentent pas, au regard des prescriptions des articles L. 122-34 et L. 122-35, de particularités exigeant l'édiction de dispositions propres à l'un ou plusieurs d'entre eux ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article R. 45 du code des tribunaux administratifs, les litiges relatifs à la législation régissant la réglementation du travail relèvent, lorsque la décision attaquée n'a pas un caractère réglementaire, de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve l'établissement dont l'activité est à l'origine du litige ; que, dans le cas où une entreprise a établi un règlement intérieur unique pour l'ensemble de ses établissements, le tribunal compétent pour connaître des litiges relatifs à ce règlement est celui dans le ressort duquel se trouve le siège de ladite entreprise ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société "Union des assurances de Paris", dont le siège social est à Paris, et qui comporte plusieurs établissements occupant habituellement au moins vingt salariés, a élaboré pour l'ensemble de ses établissements un règlement intérieur unique ; que, dès lors, le tribunal administratif de Montpellier n'était pas territorialement compétent pour statuer sur les demandes de ladite société dirigées contre les décisions administratives relatives à ce règlement intérieur ; qu'il y a lieu, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du recours d'annuler le jugement attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de la société "Union des assurances de Paris" devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Considérant que, dans le cas où un règlement intérieur unique est établi comme il a été dit ci-dessus par une entreprise, seul l'inspecteur du travail dans le ressort duquel se trouve le siège social de l'entreprise est compétent pour exercer le contrôle prévu par l'article L. 122-37 du code du travail ; que l'inspecteur du travail du Gard, dans le ressort duquel se trouve un des établissements de la société "Union des assurances de Paris", a demandé le 13 octobre 1983 à la société de soumettre ledit règlement à l'avis du comité d'établissement de Nîmes et, sur le fondement de l'article L. 122-37 du code du travail, de le modifier sur certains points ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que cette décision émanait d'une autorité territorialement incompétente ; que le directeur régional du travail et de l'emploi du Languedoc-Roussillon et le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, en rejetant par leur silence gardé pendant plus de quatre mois les recours hiérarchiques formés contre ladite décision, ont eux-mêmes pris des décisions entachées d'excès de pouvoir ; que, par suite, la société "Union des assurances de Paris" est fondée à demander l'annulation de ces trois décisions ;
Article 1er : Le jugement du 9 décembre 1986 du tribunal administratif de Montpellier, la décision de l'inspecteur du travail du Gard en date du 13 octobre 1983 et les décisions implicites par lesquelles le directeur régional du travail et de l'emploi du Languedoc-Roussillon et le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale ont confirmé cette décision sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions du recours du ministre des affaires sociales et de l'emploi est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société "Union des assurances de Paris" et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.