Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 juillet 1981 et 27 novembre 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Joseph X..., demeurant ... (06000), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 25 mai 1981 en ce qu'il rejette sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel il a été assujetti au titre de la période du 1er juillet 1971 au 30 juin 1975 par un avis de mise en recouvrement en date du 20 janvier 1977,
2°) lui accorde la décharge sollicitée,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Quandalle, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. Joseph X...,
- les conclusions de Mme de Saint-Pulgent, Commissaire du gouvernement ;
Sur la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période du 1er juillet 1971 au 30 juin 1975, M. X..., qui exploitait une boulangerie et un dépôt de pain à Nice, confondait, dans l'enregistrement de ses recettes au jour le jour, les ventes réglées par chèques et les ventes réglées en espèces, ce qui empêchait de vérifier la régularité et l'exactitude du compte de caisse ; qu'eu égard à l'importance des ventes réglées en espèces dans une entreprise telle que celle du requérant, la comptabilité ainsi tenue ne peut être regardée comme régulière et probante ; que cette situation suffit à justifier le recours par l'administration à la procédure de rectification d'office du chiffre d'affaires déclaré du 1er juillet 1971 au 30 juin 1975 ; qu'il suit de là qu'est inopérant le moyen que tire le requérant de ce que l'administration, eu égard aux irrégularités qui entacheraient le procès-verbal dressé par des agents chargés du contrôle des infractions à la législation économique, ne peut utilement pour justifier le recours à la rectification d'office se fonder sur l'existence d'achats sans facture qui ressort des constatations de ce procès-verbal ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que, lorsque l'imposition a été régulièrement établie par voie de rectification d'office, le contribuable ne peut obtenir, devant le juge de l'impôt, la décharge ou la réduction de l'imposition qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases retenues ;
Considérant qu'eu égard aux irrégularités de la comptabilité, M. X... ne peut apporter cette preuve que par la voie extra-comptable ;
Considérant que, pour déterminer le montant du chiffre d'affaires imposable, le vérificateur s'est fondé sur les mentions d'un procès-verbal du service du contrôle économique qui font apparaître que M. X..., en mai et en juin 1973, a reçu des livraisons de farine d'un poids de 25,5 quintaux, tandis que les factures produites pour la même période ne font mention que de l'achat de 9,5 quintaux ; qu'il a reconstitué les achats de farine de la période allant du 1er juillet 1971 au 30 juin 1973 en appliquant aux achats comptabilisés de farine le coefficient de majoration qui découle de cette constatation et en supposant que les achats sans facture sont restés proportionnellement constants ; qu'il a ensuite déterminé le montant du chiffre d'affaires taxable en appliquant, d'une part, au montant des achats de farine de la période du 1er juillet 1971 au 30 juin 1973, reconstitué comme il a été dit ci-dessus, et, d'autre part, au montant des achats comptabilisés durant la période du 1er juillet 1973 au 30 juin 1975, des coefficients de bénéfice brut sur achats variant de 2,58 à 2,84 en ce qui concerne les produits fabriqués et fixés à 1,35 en ce qui concerne les produits revendus en l'état ;
Considérant, en premier lieu, que l'administration, qui a régulièrement obtenu communication du procès-verbal susmentionné, était en droit d'en mettre à profit les constatations en vue de reconstituer le chiffre d'affaires ; que, ce procès-verbal ne constituant pas un élément de la procédure d'imposition, M. X... ne peut se prévaloir utilement de l'irrégularité qui l'entacherait au regard des exigences de l'article 7 de l'ordonnance du 30 juin 1945 alors en vigueur ; que M. X... n'établit ni que les auteurs du procès-verbal ont donné une relation déformée des faits qu'ils y ont consignés, ni qu'ils se sont mépris sur la nature de ces faits ;
Considérant, en second lieu, que le requérant ne critique ni les coefficients employés, ni la répartition faite par le service entre les produits fabriqués et les produits revendus en l'état, mais soutient que la méthode suivie par le service pour reconstituer le montant des achats de la période du 1er juillet 1971 au 30 juin 1973 aboutit à un résultat invraisemblable eu égard au nombre des salariés qu'il employait ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que cette méthode a conduit le service à retenir, pour chacun des deux exercices inclus dans ladite période, un montant d'achats du même ordre de grandeur que celui qui a été comptabilisé par le requérant au titre de l'exercice clos en 1974, au cours duquel l'effectif de ses employés n'a pas été augmenté ; que, si M. X... fait valoir que le montant des achats de farine retenu par le service dépasse ce qu'impliquent ses achats de sel et de levure et sa consommation d'électricité, il n'apporte aucun commencement de justification à l'appui de ses allégations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'apporte pas la preuve de l'exagération des bases d'imposition ;
Sur les pénalités :
Considérant, en premier lieu, que l'administration établit que, jusqu'au 30 juin 1973, M. X... a, de propos délibéré, dissimulé une partie de ses ventes et tenu une comptabilité qui tendait à accréditer des déclarations minorées ; que, par suite, l'administration était en droit, comme elle l'a fait, d'appliquer les pénalités dues en cas de manoeuvres frauduleuses ;
Considérant, en second lieu, que, si l'administration soutient que les droits éludés du 1er juillet 1973 au 30 juin 1975 l'ont été de mauvaise foi, elle ne l'établit pas en se bornant à faire valoir l'importance de l'excédent du chiffre d'affaires qu'elle a reconstitué sur celui que M. X... avait déclaré ; qu'il convient, par suite, de substituer sur ce point l'indemnité de retard à l'amende fiscale mise en recouvrement, dans la limite de celle-ci ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en décharge d'une partie des pénalités dont ont été assortis les droits litigieux ;
Article 1er : L'indemnité de retard est substituée à l'amende fiscale au taux de 60 % mise à la charge de M. X... à raison du complément de taxe sur la valeur ajoutée établi au titre dela période du 1er juillet 1973 au 30 juin 1975 sans pouvoir excéder le montant de l'amende.
Article 2 : M. X... est déchargé de la différence entre le montant des pénalités calculé comme il est dit à l'article 1er et le montant des pénalités qui lui a été réclamé.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 25 mai 1981 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.