Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR enregistré le 1er décembre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 15 septembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé, à la demande de M. X... Bouda, l'arrêté d'expulsion prononcé à son encontre le 29 mars 1988 ;
2° annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ratifiée en vertu de la loi du 31 décembre 1973, ensemble le décret de publication du 3 mai 1974 ainsi que les déclarations et réserves formulées par le gouvernement de la République française ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dubos, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X... Bouda,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que si l'article 25, 2°, 3° et 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction résultant des lois du 29 octobre 1981 et 17 juillet 1984 interdisait l'expulsion des étrangers résidant habituellement en France depuis qu'ils ont atteint l'âge de 10 ans, depuis plus de quinze ans ou qui n'ont pas été condamnés définitivement à une peine au moins égale à un an d'emprisonnement sans sursis ou bien à plusieurs peines d'emprisonnement sans sursis au moins égales, ces dispositions ont été modifiées par la loi du 9 septembre 1986 qui a limité d'interdiction "à l'étranger qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ou depuis plus de dix ans et qui n'a pas été condamné définitivement pour crime ou délit à une peine au moins égale à six mois d'emprisonnement sans sursis ou un an avec sursis ou à plusieurs peines d'emprisonnement au moins égales, au total, à ces mêmes durées" ;
Considérant que l'expulsion d'un étranger a le caractère d'une mesure de police exclusivement destinée à protéger l'ordre et la sécurité publics ; que, dès lors, les dispositions précitées de la loi du 9 septembre 1986, publiées au journal officiel le 12 septembre suivant, qui sont entrées en vigueur dans le délai prévu par le décret du 5 novembre 1870 pouvaient dès l'expiration de ce délai être appliquées à des étrangers remplissant les conditions fixées par elles, quelle que fût la date des condamnations retenues à leur encontre ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur la circonstance que les condamnations pénales retenues à l'encontre de M. Nat Bouda étaient antérieures à l'intervention de la loi précitée pour annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 29 mars 1988 prononçant l'expulsion de l'intéressé ;
Considérant toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... Bouda devant le tribunal administratif de Versailles ;
Considérant que l'arrêté attaqué du 29 mars 1988 énonce les considérations de droit et de fait qui lui ont servi de fondement ; que, dès lors, il satisfait aux exigences des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que M. X... Bouda a été définitivement condamné par la juridiction pénale à une peine dont le total excède six mois d'emprisonnement sans sursis ; qu'ainsi il pouvait légalement faire l'objet d'un arrêté d'expulsion ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamemtales, "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance" 2° il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité sociale, à la sûreté publique, au bien-être économique d u pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui" ; que la mesure attaquée, fondée sur la défense de l'ordre public était, eu égard au comportement du requérant et à la gravité des actes commis par lui, nécessaire pour la défense de cet ordre ; que dans ces conditions elle n'a pas été prise en violation de l'article 8 de ladite convention ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 29 mars 1988 prononçant l'expulsion de M. X... Bouda ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 15 septembre 1988 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... Bouda devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... Bouda et au ministre de l'intérieur.