Vu 1°) sous le n° 93 979, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 janvier 1988 et 4 mai 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la ville de Caen, représentée par son maire en exercice ; la ville de Caen demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement en date du 29 septembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé l'arrêté en date du 9 mars 1984 par lequel le commissaire de la République du département du Calvados a fixé l'indemnité représentative de logement des instituteurs pour la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1984, en tant que cet arrêté concerne les indemnités versées aux instituteurs chargés de la formation pédagogique, et a, d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions ;
- d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral du 9 mars 1984 ;
Vu 2°) sous le n° 94 029, le recours sommaire et le mémoire complémentaire présentés par le ministre de l'intérieur enregistrés les 5 janvier 1988 et 5 mai 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement en date du 29 septembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé l'arrêté en date du 9 mars 1984 par lequel le commissaire de la République du département du Calvados a fixé l'indemnité représentative de logement des instituteurs pour la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1984, en tant que cet arrêté concerne les indemnités versées aux instituteurs chargés de la formation pédagogique et a d'autre part rejeté le surplus des conclusions de la ville de Caen ;
- de rejeter la demande présentée par la ville de Caen devant le tribunal administratif de Caen ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi du 30 octobre 1886 et la loi du 19 juillet 1889 modifiée par la loi du 25 juillet 1893 ;
Vu le décret du 18 janvier 1887 ;
Vu le décret du 25 octobre 1894 ;
Vu le décret n° 83-367 du 2 mai 1983 ;
Vu le décret n° 77-87 du 26 janvier 1977 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Hirsch, Auditeur,
- les observations de Me Vincent, avocat de la ville de Caen,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le recours et la requête susvisés sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
Sur le moyen tiré de l'incompétence du préfet du Calvados :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 19 juillet 1889, modifié par la loi de finances du 30 avril 1921 : " ... indépendamment de leur traitement, les instituteurs et institutrices titulaires et stagiaires ont droit au logement ou à l'indemnité communale en tenant lieu. Cette indemnité sera fixée par le préfet, après avis du conseil départemental, dans les limites établies par un règlement d'administration publique." ;
Considérant que les dispositions de l'article 1er de la loi du 2 mars 1982 selon lesquelles : "Les communes, les départements et les régions s'administrent librement par des conseils élus" n'ont eu ni pour objet ni pour effet d'abroger les dispositions de l'article 7 de la loi du 19 juillet 1889 aux termes desquelles le législateur a habilité le préfet à fixer le montant de l'indemnité représentative de logement due aux instituteurs ; qu'ainsi la ville de Caen n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté préfectoral du 9 mars 1984 aurait été pris par une autorité incompétente ;
Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de la loi du 2 mars 1982 et de la loi du 7 janvier 1983 :
Considérant que si l'article 5 de la loi du 7 janvier 1983 prévoit que les transferts de compétences sont accompagnés du transfert concomitant par l'Etat aux communes des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences, l'obligation faite aux communes d'assurer le logement des instituteurs trouve son origine dans les dispositions de la loi du 30 octobre 1886 et ne résulte pas d'un transfert de compétences ;
Considérant que si l'article 94 de la loi du 2 mars 1982 susvisée et l'article 35 de la loi de finances du 29 décembre 1982 qui l'a remplacé ont établi une procédure de compensation des charges résultant pour les communes de l'obligation de loger les instituteurs ou de leur verser une indemnité représentative de logement, cette procédure est sans incidence sur l'indemnité représentative de logement qui est due aux instituteurs et dont le montant est fixé par le préfet en application des articles 1 à 3 du décret du 2 mai 1983 ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté préfectoral attaqué des dispositions législatives susmentionnées doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de l'illégalité des dispositions de l'article 2 du décret du 2 mai 1983 relatives aux instituteurs chargés des remplacements dans les classes des écoles et aux instituteurs chargés de la formation pédagogique dans les écoles :
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 30 octobre 1886 : "Sont également des dépenses obligatoires dans toute école régulièrement créée, le logement de chacun des membres du personnel enseignant attaché à ces écoles ..." ; qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 19 juillet 1889, modifiée notamment par la loi de finances du 28 décembre 1908 : "Sont à la charge des communes ... 2° ... le logement des maîtres ou les indemnités représentatives ..." ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 de la loi du 19 juillet 1889, modifié par la loi de finances du 30 avril 1921 : " ... indépendamment de leur traitement, les instituteurs et institutrices titulaires et stagiaires ont droit au logement ou à l'indemnité communale en tenant lieu. Cette indemnité sera fixée par le préfet, après avis du conseil départemental, dans les limites établies par un règlement d'administration publique." ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 2 mai 1983 : "L'indemnité communale prévue au premier alinéa de l'article 7 de la loi du 19 juillet 1889 susvisée est versée dans les conditions fixées par le présent décret aux instituteurs exerçant dans les écoles publiques des communes, à défaut par celles-ci de mettre à leur disposition un logement convenable." ; que selon les dispositions du deuxième alinéa de l'article 2 du même décret, les instituteurs non logés chargés des remplacements dans les classes des écoles perçoivent l'indemnité communale qui est mise à la charge de la commune où se situe la résidence administrative des intéressés et que les instituteurs non logés chargés de la formation pédagogique dans les écoles perçoivent l'indemnité communale qui est mise à la charge de la commune du chef-lieu de circonscription de l'inspecteur départemental de l'éducation nationale ;
Considérant qu'à défaut d'habilitation législative autorisant dans ce cas la création par voie réglementaire d'une dépense à la charge des communes, les dispositions de l'alinéa 1er de l'article 2 du décret du 2 mai 1983 concernant le logement des instituteurs chargés de la formation pédagogique et des remplacements sont illégales en tant qu'elles mettent le logement ou l'indemnité dus aux instituteurs à la charge d'une commune autre que celle sur le territoire de laquelle se situent l'école ou les écoles auxquelles le bénéficiaire est attaché ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Calvados, agissant en vertu de l'article 7 de la loi du 19 juillet 1889, a, par un arrêté du 9 mars 1984, fixé le taux de l'indemnité représentative de logement que les communes du département étaient tenues de verser aux instituteurs non logés, durant l'année 1985 ; qu'en application des dispositions susrappelées du décret du 2 mai 1983, cet arrêté s'appliquait notamment aux instituteurs chargés de la formation pédagogique dans les écoles, dont l'indemnité était mise à la charge des communes chef-lieu de circonscription de l'inspecteur départemental de l'éducation nationale et aux instituteurs chargés des remplacements dans les classes des écoles, dont l'indemnité était mise à la charge de communes où se situait leur lieu de résidence ; que, dès lors, la ville de Caen, qui était recevable à exciper de l'illégalité des dispositions de l'article 2 du décret du 2 mai 1983 à l'encontre des dispositions de l'arrêté préfectoral du 26 mars 1985 mettant à sa charge le versement d'une indemnité aux instituteurs chargés de la formation pédagogique dans les écoles, était fondée à soutenir que cet arrêté, pris en application des dispositions illégales du décret du 2 mai 1983, est lui-même entaché d'excès de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ville de Caen est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet du Calvados en date du 9 mars 1984 en tant qu'il concerne l'indemnité représentative de logement due aux instituteurs chargés des remplacements et que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, ce tribunal a annulé cet arrêté en tant qu'il concerne les indemnités versées aux instituteurs chargés de la formation pédagogique ;
Sur le moyen tiré de l'illégalité des dispositions de l'article 2 du décret du 2 mai 1983 relatives aux instituteurs assurant des fonctions d'aide psychopédagogique auprès des élèves des écoles :
Considérant que selon les dispositions du deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 2 mai 1983, les instituteurs assurant des fonctions d'aide psychopédagogique auprès des élèves des écoles perçoivent l'indemnité communale qui est mise à la charge de la commune où est implanté le groupe d'aide psychopédagogique ; que ces instituteurs interviennent à l'intérieur des écoles et assurent la prévention des inadaptations scolaires pour certains enfants ; qu'ils font à ce titre partie du personnel enseignant attaché aux écoles maternelles et élémentaires publiques auquel les lois du 30 octobre 1886 et du 19 juillet 1889 réservent le bénéfice du droit au logement ou de l'indemnité en tenant lieu à la charge des communes ; qu'ainsi la ville de Caen n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet du Calvados du 9 mars 1984 en tant qu'il fixe, pour l'année 1984, le montant de l'indemnité représentative de logement due aux instituteurs assurant des fonctions d'aide psychopédagogique auprès des élèves des écoles ;
Sur le moyen tiré de l'illégalité des dispositions de l'article 4 du décret du 2 mai 1983 relatives à la majoration de l'indemnité due aux instituteurs mariés avec ou sans enfant à charge et instituteurs célibataires, veufs ou divorcés, avec enfant à charge :
Considérant qu'aux termes de l'article 48 de la loi susvisée du 19 juillet 1889 modifié par la loi du 25 juillet 1893 : "Il est statué par des règlements d'administration publique ... 15° sur le taux des indemnités représentatives de logement prévues à l'article 4 paragraphe 2 pour le personnel enseignant des écoles primaires de tout ordre, et sur les conditions dans lesquelles cette indemnité serait relevée dans le cas où il serait démontré que l'instituteur est dans l'impossibilité de se loger convenablement moyennant l'indemnité réglementaire" ; que l'habilitation ainsi conférée au pouvoir réglementaire l'autorisait à prendre en considération la situation de famille des agents pour relever, le cas échéant, l'indemnité représentative de logement dont ils bénéficient, en instituant une majoration d'un quart de l'indemnité de logement due aux instituteurs mariés avec ou sans enfant à charge et aux instituteurs célibataires, veufs ou divorcés, avec enfant à charge ; que la circonstance que la dotation de fonctionnement versée à la ville de Caen ne compensait pas la charge supplémentaire qu'elle avait à supporter au titre de cette majoration est sans influence sur la légalité de l'article 4 du décret du 2 mai 1983 et des arrêtés préfectoraux pris sur son fondement ; que, dès lors, la ville de Caen n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 9 mars 1984 en tant qu'il prévoit des majorations de l'indemnité représentative de logement en fonction des charges de famille ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 29 septembre 1987 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la ville de Caen tendant à l'annulation des dispositions de l'arrêté du préfet du Calvados en date du 9 mars 1984 relatives à l'indemnité de logement due aux instituteurs chargés des remplacements dans les classes des écoles.
Article 2 : Les dispositions de l'arrêté du préfet du Calvados en date du 9 mars 1984 relatives à l'indemnité de logement due aux instituteurs chargés des remplacements dans les classes des écoles sont annulées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la ville de Caen et le recours du ministre de l'intérieur sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au maire de Caen, au ministre de l'intérieur, au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale et au ministre d'Etat, ministre de la fonction publique et de la modernisation administrative.