Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 octobre 1986 et 21 janvier 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Pierre X..., demeurant ... et M. Richard Y..., demeurant ... ; M. X... et M. Y... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 août 1986 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes dirigées contre la décision implicite et la décision du 4 février 1985 par lesquelles l'inspecteur du travail de Montceau-les-Mines a autorisé la société Munzing à licencier pour motif économique les requérants, membres du comité d'entreprise de l'usine de Blanzy, en Saône-et-Loire,
2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Kessler, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. Jean-Pierre X... et M. Richard Y...,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que MM. X... et Y... avaient soutenu devant le tribunal administratif que les décisions de l'inspecteur du travail n'étaient pas motivées ; que le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant ; qu'il y a lieu dès lors d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il concerne les autorisations du 4 février 1985 ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur les demandes de MM. X... et Y... devant le tribunal administratif de Dijon en tant qu'elles concernent les autorisations du 4 février 1985 ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des demandes :
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article L. 425-1 du code du travail, en ce qui concerne les délégués du personnel, titulaire ou suppléant, et de l'article L. 436-1 dudit code, en ce qui concerne les membres titulaires et suppléants des comités d'entreprise, que tout licenciement envisagé par l'employeur de ces salariés est obligatoirement soumis pour avis au comité d'entreprise et qu'il ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; qu'en vertu de ces dispositions, ces salariés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec ls fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la société Munzing n'a effectué aucune recherche spécifique de reclassement en ce qui concerne MM. X... et Y... ; que la protection dont ceux-ci bénéficiaient faisait obligation à l'inspecteur du travail de contrôler si une telle recherche avait été effectuée ; qu'ainsi en se bornant à indiquer que le reclassement des salariés n'était pas possible, l'inspecteur du travail n'a pas donné un fondement légal à ses décisions ; que MM. X... et Y... sont donc fondés à en demander l'annulation ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 20 août 1986 est annulé en tant qu'il statue sur lesdécisions de l'inspecteur du travail en date du 4 février 1985.
Article 2 : Les décisions de l'inspecteur du travail en date du 4 février 1985 autorisant le licenciement de MM. X... et Y... sont annulées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à MM. X..., Y..., à la société Munzing et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.