Vu 1°), sous le numéro 89 598, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 20 juillet 1987 et 20 novembre 1987, présentés pour la S.A. "Continental Investment Development", dont le siège social était ... V à Paris (75008) ; la société demande que le Conseil d'Etat :
- réforme le jugement en date du 18 mai 1987 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre des années 1976 à 1979 ;
- prononce la décharge totale de ces impositions ;
Vu 2°), sous le numéro 90 221, la requête de la même société représentée par M. Charles X..., directeur et tendant aux mêmes fins que la requête n° 89 598 et au remboursement des frais exposés ; Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. de Longevialle, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la S.A. Continental Investment Development,
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les deux requêtes de la S.A. Continental Investment Development ont trait au même litige ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, postérieurement à l'introduction des pourvois, le directeur des services fiscaux de Paris-Nord a prononcé un dégrèvement de 347 506 F, en droits et pénalités ; que les requêtes sont devenues sans objet à concurrence de cette somme ;
Sans qu'il y ait lieu de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre à certaines des conclusions de la requête n° 90 221 :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la S.A. Continental Investment Development (CID) n'a pas été en mesure, lors de la vérification de sa comptabilité, de présenter au vérificateur différents livres dont la tenue est exigée des sociétés commerciales, ainsi que de nombreuses pièces justificatives ; que, par suite et alors même que ces documents auraient été égarés au cours d'un déménagement, l'administration était en droit, en application des dispositions de l'article 58 du code général des impôts, de rectifier d'office les bénéfices déclarés par la société au titre des exercices clos en 1976, 1977, 1978 et 1979 ; que la société supporte, en conséquence, la charge d'établir l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la déduction de certaines charges :
Considérant que la société "S.A. Continental Investment Development" n'établit pas, même en produisant les doubles, établis par les fournisseurs, de factures de travaux et de frais de surveillance et de gardiennage, que les dépenses correspondantes, de 7 770 F et de 51 568 F, lui incombaient, dès lors que ces factures n'ont pas été établies à son nom, qu'elles avaient été adressées à une tierce entreprise et que les pièces produites portent un cachet qui ne permet pas de vérifier l'identité du payeur ; que la société ne justifie pas davantage d'un remboursement de frais de 14 000 F, en se bornant, sur ce point, à de simples allégations ; qu'elle doit, en revanche, être regardée comme établissant, par les différents documents qu'elle produit, la réalité des charges de 116 930 F et de 150 000 F comptabilisées par elle en 1975 et correspondant, respectivement, à des frais d'administration dus par elle à la S.A.R.L. "Chesterfield Ronson Promotion" et à la fraction, avancée par cette dernière, pour son compte, d'une commission due à l'intermédiaire immobilier, auquel la location d'un immeuble lui appartenant avait été confiée ; que la déduction, au titre de l'exercice clos en 1975, de ces deux dernières charges augmentant le déficit qu'elle était en droit de reporter sur l'exercice clos en 1976, la S.A. Continental Investment Development est fondée à demander que ses bases d'imposition, au titre de l'année 1976, soient réduites de 266 930 F ;
En ce qui concerne les amortissements :
Considérant que la S.A. Continental Investment Development, qui a absorbé en 1972, la société Comipa, a inscrit à l'actif de son bilan une "créance" de 437 000 F que la société Comipa détenait sur la S.A. du "Garage souterrain de l'avenue Foch", titulaire d'une concession trentenaire de construction et d'exploitation d'emplacements de stationnement en sous-sol ; que, dans le dernier état des conventions qui les liaient, le concessionnaire avait reconnu à la société Comipa, en contrepartie du versement, par cette dernière, de la somme de 437 000 F, la jouissance, jusqu'au terme de la concession, de dix-neuf emplacements de stationnement ; que la valeur de ce droit diminuant d'un trentième tous les ans, la société S.A. Continental Investment Development pouvait inclure dans ses amortissements réputés différés, au titre des exercices clos en 1972, 1973, 1974 et 1975, les sommes de 55 434,99 F 14 565,76 F, 14 565,76 F et 14 566 F correspondant à la dépréciation, constatée à la clôture de chacun de ces exercices, de la valeur de ce droit et de comptabiliser à ce titre à la clôture de son exercice 1976 un amortissement de 3 642 F ; que la société est, dès lors, fondée à demander que ses bases d'imposition, au titre de l'année 1976 soient diminuées du total de ces amortissements, soit de 102 774,50 F ;
En ce qui concerne les loyers provenant de la location d'un immeuble à l'Association pour l'emploi des cadres :
Considérant que la société n'apporte aucune justification à l'appui de sa contestation du redressement de 14 440 F opéré, de ce chef, par l'administration ;
En ce qui concerne les intérêts d'une créance de la société "Chesterwood Properties" :
Considérant que la S.A. Continental Investment Development a porté à l'actif de son bilan de l'exercice clos en 1976 une créance de 1 107 378 F sur la société "Chesterwood Properties" ; que l'administration a regardé cette créance comme ayant la nature d'une avance consentie sans contrepartie par une filiale à sa société-mère ; qu'elle a, en conséquence, rehaussé les bases d'imposition de la S.A. Continental Investment Development, au titre des années 1976, 1977 et 1978, des intérêts estimés à 69 211 F, 142 113 F et 138 422 F qu'elle aurait dû exiger de son débiteur ; que, si la société conteste le caractère d'avance de la somme de 1 107 378 F et soutient que la société "Chesterwood Properties" s'était engagée à la lui régler aux lieu et place d'un tiers débiteur, elle n'appuie, en tout état de cause, cette allégation d'aucun commencement de preuve ; que dès lors, ses conclusions en décharge des intérêts en litige ne peuvent être accueillies ;
En ce qui concerne la dotation à la réserve spéciale des plus-values à long terme :
Considérant que la S.A. Continental Investment Development, qui a été imposée au taux de 15 % sur une plus-value de cession d'immeuble réalisée en 1976, a doté, en 1977, un compte de réserve spéciale d'une somme égale aux 85/100è du montant de cette plus-value ; que l'administration, estimant que la réserve spéciale prévue par le 1 de l'article 209 quater du code général des impôts avait été, en l'espèce, irrégulièrement constituée, a rapporté aux résultats de la société une partie de la dotation que celle-ci avait effectuée ; que le litige ne porte plus que sur la fraction de cette dotation, qui a été opérée par prélèvement sur les comptes "primes d'émission" et "prime d'apport", à concurrence, respectivement, de 850 F et 8 297 200 F ;
Considérant, d'une part, que le 1 de l'article 209 quater du code ne prévoit pas d'autre mode de constitution de la réserve spéciale des plus-values à long terme que l'affectation à cette réserve, à hauteur du montant net de la plus-value, des bénéfices réalisés ; qu'ainsi la société n'est pas fondée à prétendre que la loi fiscale l'autorisait à constituer la réserve contestée par prélèvement sur les comptes susmentionnés ;
Considérant, il est vrai, qu'une instruction 4-I-1-73 du 26 décembre 1972, publiée au BODGI le 2 janvier 1973, a, en vue de permettre aux entreprises dont les résultats comptables sont déficitaires ou insuffisants de conserver, néanmoins, le bénéfice du taux réduit d'imposition des plus-values à long terme, autorisé celles-ci à constituer la réserve spéciale prévue par le 1. de l'article 209 quater, d'abord sur les bénéfices reportés à nouveau, puis "sur les réserves ordinaires libérées de l'impôt sur les sociétés" et, "à défaut, comme en cas d'insuffisance de ces pertes, sur la réserve légale", enfin, "en tant que de besoin, en équilibrant l'inscription au crédit de la réserve spéciale par la création d'un compte d'ordre provisoire à l'actif du bilan, dans la mesure où la société intéressée justifie, sur les éléments de son actif, de plus-values latentes d'un montant au moins égal à celui du compte d'ordre ainsi créé" ;
Mais considérant qu'il ressort des termes mêmes de cette instruction que l'énumération des modalités de constitution de la réserve spéciale qu'elle admet, en plus de celle qui est prévue par le 1 de l'article 209 quater, a un caractère limitatif et que l'imputation sur les comptes de "prime d'apport" et "de prime d'émission" n'est pas au nombre des modalités ainsi admises ; que, contrairement à ce que soutient la S.A. Continental Investment Development, "les primes d'apport" et "primes d'émission" ne peuvent être assimilées aux "réserves ordinaires libérées de l'impôt sur les sociétés", visées par l'instruction 4-I-1-73 ; qu'ainsi la société ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation de la loi fiscale contenue dans l'instruction du 26 décembre 1972 ; qu'elle n'est pas davantage fondée à soutenir que l'instruction 4-I-1-73 aurait méconnu la portée du 1 de l'article 209 quater, dès lors que, comme il a été dit, ce texte ne prévoit la constitution de la réserve spéciale qu'à partir des bénéfices réalisés ; qu'enfin, le moyen tiré par la société d'une interprétation administrative prévoyant, en cas de fusion ou d'apport partiel d'actif, la reprise, au passif de la société absorbante ou bénéficiaire de l'apport, de la réserve spéciale de plus-value à long terme constituée par la société absorbée ou apporteuse, est, en tout état de cause, inopérant, le litige ne portant pas sur une telle reprise ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société S.A. Continental Investment Development est seulement fondée à demander la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a maintenu dans ses bases d'imposition, au titre de l'année 1976, la somme de 369 704,50 F, total de celles, ci-dessus indiquées, de 266 930 F et 102 774,50 F ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes de la société S.A. Continental Investment Development à concurrence d'une somme de 347 506 F.
Article 2 : Les bases de l'impôt sur la société dû par la S.A. Continental Investment Development au titre de l'année 1976 sont réduites de 369 704,50 F.
Article 3 : La S.A. Continental Investment Development est déchargée des droits et pénalités correspondant à cette réduction de ses bases d'imposition.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 18 mai 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société S.A. Continental Investment Development est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la S.A. Continental Investment Development et au ministre du budget.