Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire du ministre délégué chargé de la mer enregistrés les 21 mai 1991 et 18 septembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 27 mars 1991 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision implicite refusant d'accorder à la société anonyme Compagnie malouine de pêche (SA Comapêche) deux licences pour la pêche au cabillaud dans la zone économique française située au large de l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon pour la période du 1er octobre 1990 au 31 décembre 1990 pour deux navires ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société anonyme Compagnie malouine de pêche (SA Comapêche) devant le tribunal administratif de Rennes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret du 9 janvier 1852 modifié notamment par les lois du 22 mai 1985 et du 3 janvier 1986 sur l'exercice de la pêche maritime ;
Vu la loi 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone économique au large des côtes du territoire de la République ;
Vu l'ordonnance n° 77-1108 du 26 septembre 1977 portant extension au département de Saint-Pierre et Miquelon de dispositions législatives intéressant la navigation et la pêche maritime ;
Vu le décret 77-169 du 25 février 1977 ;
Vu le décret 87-182 du 19 mars 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Stahl, Auditeur,
- les observations de Me Ryziger, avocat de la société anonyme Compagnie malouine de pêche et de Me Odent avocat de l'association Interpêche,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de la société des Pêches de l'archipel (Interpêche) :
Considérant que la société des Pêches de l'archipel (Interpêche) a intérêt à l'annulation du jugement attaqué ; que par suite son intervention est recevable ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 19 mars 1987 pris en application du décret susvisé du 9 janvier 1852 et fixant les mesures de gestion et de conservation des ressources halieutiques dans les eaux territoriales et la zone économique exclusive aux larges des côtes de Saint-Pierre et Miquelon : "L'exercice du chalutage, du dragage ou la pose de filets sont subordonnés à l'octroi d'une licence annuelle propre à chaque navire à partir duquel sont pratiquées ces activités. - Les licences sont délivrées par le ministre chargé des pêches maritimes ou par le Commissaire de la République pour les navires à partir desquels est pratiquée la pêche au saumon et sont valables pour une année civile. - Le ministre peut en considération des ressources halieutiques limiter le nombre des licences susceptibles d'être accordées et les attribuer en tenant compte : a) des prélèvements totaux de capture autorisés dans les eaux définies à l'article 1er et de leur répartition en quotas comme il est dit à l'article 5 ci-après ; b) de la longueur, de la puissance ou du tonnage des navires au profit desquels les licences sont demandées ; c) et, subsidiairement, des conditions antérieures d'exercice de la pêche dans lesdites eaux" ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret : "Pour assurer la gestion et la conservation des ressources halieutiques, le ministre chargé des pêches maritimes peut, par arrêté pris après avis de l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, fixer des prélèvements totaux de capture autorisés. Ces prélèvements valent pour une année civile" ;
Considérant que la société anonyme Compagnie malouine de pêche (SA Comapêche) a demandé le 10 mai 1990 au ministre délégué chargé de la mer, en application des dispositions précitées, de lui délivrer deux licences aux fins de permettre à ses navires, "La grande Hermine" et le "Joseph X... II", de pratiquer la pêche au cabillaud dans la zone économique française située au large de Saint-Pierre et Miquelon entre le 1er octobre et le 31 décembre 1990 ; que la décision implicite de rejet de cette demande, née du silence gardé pendant quatre mois par le ministre délégué chargé de la mer, a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Rennes, en date du 27 mars 1991 ;
Considérant que le montant des prélèvements totaux de captures autorisés dans ce secteur de pêche a été réduit pour les années 1989, 1990 et 1991, en raison notamment des divergences opposant la France et le Canada quant à la délimitation des zones économiques exclusives dans ce secteur et à l'exploitation des ressources halieutiques ; qu'à la suite du conflit d'intérêts résultant de cette réduction entre les armements de Saint-Pierre et Miquelon et la société anonyme Compagnie malouine de pêche (SA Comapêche) qui pêchaient habituellement dans cette zone, le Premier ministre, dès le mois de janvier 1989, a appliqué une "clause de sauvegarde" en faveur des pêches de Saint-Pierre et Miquelon, qui s'est notamment traduite par le retrait en 1989 de la zone de pêche d'un navire de la société Comapêche ; qu'à cette occasion, une priorité dans l'exploitation de la ressource de pêche a été reconnue aux armements de Saint-Pierre et Miquelon dans la zone la plus proche de l'archipel afin de garantir un seuil minimal d'activité aux navires et aux usines de transformation de poisson ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des indications fournies devant le tribunal administratif que la décision attaquée, qui refuse toute licence à la société Comapêche pour l'année 1990 dans la zone considérée, où les seules licences accordées à des armements français l'ont été au profit de navires de Saint-Pierre et Miquelon, était destinée à garantir l'activité desdits navires en raison de l'importance pour la collectivité de Saint-Pierre et Miquelon de la pêche et des industries de transformation qui en dépendent ; que ce motif n'est pas au nombre de ceux qui, aux termes des dispositions précitées du décret du 19 mars 1987, peuvent légalement fonder les décisions d'attribution des licences nécessaires à l'exercice du chalutage dans les eaux territoriales et la zone exclusive au large des côtes de Saint-Pierre et Miquelon ; que dès lors le ministre délégué chargé de la mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision attaquée ;
Article 1er : L'intervention de la société des Pêches de l'archipel (Interpêche) est admise.
Article 2 : Le recours du ministre délégué chargé de la mer est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Compagnie malouine de pêche (SA Comapêche) et au ministre de l'agriculture et de la pêche.