Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 février 1988 et 10 juin 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X..., demeurant ... et M. Y..., demeurant ... ; les requérants demandent que le Conseil d'Etat annule une décision en date du 9 septembre 1987 par laquelle la commission créée par l'article 24 de la loi du 3 juillet 1985 modifiée relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprêtes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle a fixé la rémunération due par les discothèques et activités similaires ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la communauté économique européenne ;
Vu l'ordonnance 59-2 du 2 janvier 1959 ;
Vu la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Bechtel, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, avocat de M. Gérard X... et de M. Jean Y... et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du ministre de la culture et de la francophonie,
- les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;
Sur la violation des dispositions de l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 :
Considérant que les requérants font valoir que les droits voisins fixés par la décision contestée s'assimilent pour partie à une taxe affectée au soutien de certaines activités qui, conformément aux dispositions de l'article 4 de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959, ne pouvait être instituée que par décret en Conseil d'Etat ; que c'est, toutefois, la loi du 3 juillet 1985, par ses articles 24 et 38, qui institue le principe de l'affectation d'une partie des droits dont la décision attaquée a pour seul objet de définir l'assiette et le taux ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement invoquer la violation de l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;
Sur la violation de la loi et du principe de l'égalité devant l'impôt :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la loi du 3 juillet 1985 les "utilisations des phonogrammes publiés à des fins de commerce, quel que soit le lieu de fixation de ces phonogrammes, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs. Cette rémunération est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce ... Elle est assise sur les recettes de l'exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas prévus à l'article 35 de la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 précitée" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'en prévoyant que l'assiette de la rémunération due par l'enseble des discothèques et activités similaires comprend "l'ensemble des recettes brutes produites par les entrées ainsi que par la vente des consommations ou la restauration", la commission instituée à l'article 24 de la loi du 3 juillet 1985 a fait une exacte application de la loi ; qu'ainsi MM. X... et Y... qui ne peuvent en tout état de cause utilement faire valoir que les recettes provenant de la vente de consommation ou de la restauration, dont ils ne contestent pas qu'elles constituent des recettes de l'exploitation, ne pouvaient être prises en compte dès lors qu'elles seraient étrangères à l'utilisation des phonogrammes dans une discothèque, ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée en date du 9 septembre 1987 serait entachée d'illégalité au regard des dispositions de la loi du 3 juillet 1985 ;
Considérant qu'en instituant un système de rémunération assis sur l'ensemble des recettes de l'exploitation et applicable à la totalité des exploitants de discothèques et lieux similaires, la décision attaquée qui traite de manière identique l'ensemble des assujettis n'a pas porté atteinte au principe de l'égalité devant l'impôt fixé par l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Sur la violation des stipulations du traité instituant la communauté économique européenne :
Considérant en premier lieu que les requérants soutiennent que la rémunération des droits voisins dont le principe a été fixé par l'article 22 de la loi du 3 juillet 1985, a pour effet d'instituer une taxe d'effet équivalent au sens de l'article 12 du traité ainsi qu'une imposition indirecte au sens du 2° alinéa de l'article 95 du même traité dès lors qu'une partie des droits versés par les utilisateurs est affectée, en vertu de l'article 38 de la loi, à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation d'artistes ; que toutefois ce moyen ne peut être utilement invoqué à l'encontre des dispositions de l'article 5 de la décision attaquée, dès lors que leur unique objet est de fixer l'assiette et le taux de la rémunération due par les discothèques et activités similaires ;
Considérant en second lieu qu'en faisant valoir à l'encontre de la décision attaquée le fait qu'elle placerait les utilisateurs de discothèques sises sur le territoire français dans une situation défavorable par rapport aux exploitants d'autres Etats membres, les requérants, qui se bornent à relever que l'utilisation des phonogrammes ne donnerait lieu à aucune rémunération dans d'autres Etats membres, contestent en réalité le principe même de l'existence d'une rémunération assise sur l'utilisation des phonogrammes ; qu'il ressort clairement des stipulations de l'article 86 du traité instituant la communauté économique européenne que ce principe n'est pas contraire aux règles instituées par ledit article ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, sans faire droit aux conclusions de MM. X... et Y... tendant à la saisine de la CJE par voie de question préjudicielle, de rejeter la requête ;
Article 1er : La requête de MM. X... et Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à MM. X... et Y..., au ministre de la culture et de la francophonie et au ministre de la communication.