Vu le recours du MINISTRE DU BUDGET, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 2 avril 1991 tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 29 janvier 1991, par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du directeur régional des impôts de Haute-Normandie, en date du 9 août 1985, refusant d'accorder à la S.A. Seram le bénéfice de l'agrément prévu à l'article 266 de l'annexe III du code général des impôts, en vue de bénéficier de la réduction des droits de mutation, prévue à l'article 265 de ladite annexe, droits exigibles lors de sa reprise des actifs de la société Julin ;
2°) rejette la demande de la S.A. Soneram, venant aux droits de la S.A. Seram, et tendant à l'annulation de la décision de refus précitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Le Roy, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence du Conseil d'Etat :
Considérant qu'aux termes du décret n° 92-245 du 17 mars 1992 relatif aux compétences des cours administratives d'appel : "A compter du 1er septembre 1992, les cours administratives d'appel seront compétentes pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs rendus sur les recours (...) contre les décisions non réglementaires prises en matières d'impôts et taxes" ;
Considérant que le ministre du budget a interjeté appel le 2 avril 1991 du jugement susvisé annulant le refus d'agrément opposé à la S.A. Seram ; que dès lors, contrairement à ce que soutient la S.A. Soneram, venant aux droits de cette société, le Conseil d'Etat est bien compétent pour statuer en appel sur ce recours ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'en vertu des articles 697 et 721 du code général des impôts dans leur rédaction alors applicable, le taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement et le droit de mutation à titre onéreux prévus respectivement aux articles 683 et 719 pouvaient être réduits à 2 % pour les acquisitions immobilières ou de fonds de commerce et de clientèle tendant à faciliter l'adaptation à l'évolution économique des structures des entreprises industrielles et commerciales et le développement de la recherche scientifique et technique ; qu'aux termes de l'article 265 de l'annexe III au code général des impôts pris pour l'application de ces dispositions : "I - Le taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement prévu à l'article 683 du code général des impôts est réduit à 2 p. 100 pour les acquisitions immobilières effectuées en vue des opérations ci-après : ... 2° Reprises d'établissements industriels en difficulté ou reconversions d'établissements industriels susceptibles de permettre la poursuite durable de l'activité et le maintien de l'emploi ... II - Le droit établi par l'article 719 du code général des impôts est réduit à 2 p. 100 pour les acquisitions de fonds de commerce ou de clientèle réalisées dans le cadre d'opérations ... de reprise d'établissements industriels en difficulté susceptibles de permettre la poursuite durable de l'activité et le soutien de l'emploi ..." ; que l'article 266 de l'annexe III au même code subordonne l'application des dispositions précitées à un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies du code général des impôts ; que ce dernier article autorise le ministre de l'économie et des finances à définir par arrêtés, "compte tenu de l'importance, de la nature et du lieu d'exercice des activités considérées, les conditions des agréments auxquels des exonérations fiscales sont attachées" ; qu'enfin, selon les dispositions combinées des articles 4-1° et 9° de l'arrêté du 16 décembre 1983 pris sur le fondement de l'article 1649 nonies précité, les reprises d'établissements industriels en difficulté doivent comporter le maintien de trente emplois au moins dans les communes situées dans une unité urbaine d'au moins 15 000 habitants ;
Considérant qu'il ressort des termes mêmes de sa décision que pour justifier le refus de l'agrément sollicité par la S.A. Seram qui a repris directement 17 des 477 salariés que la société Julin employait avant sa mise en liquidation, le directeur régional des impôts de Rouen ne s'est pas fondé sur le fait que la société n'avait pas maintenu la totalité des emplois de cette entreprise mais sur l'importance insuffisante de l'effectif repris et a opposé le non respect du seuil fixé par les dispositions précitées de l'arrêté du 16 décembre 1983 ; que dès lors c'est à tort que pour annuler ce refus le tribunal administratif a estimé qu'il ne pouvait trouver de base légale ni dans la loi du 15 mars 1963, ni dans les dispositions réglementaires précitées ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les moyens présentés par la S.A. Seram ;
Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée du directeur régional des impôts, dont les termes ont été rappelés ci-dessus, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la justifient ; que par suite elle était suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, qui prescrit la motivation des "décisions refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir" ;
Considérant, en deuxième lieu, que si l'article 4-1° de l'arrêté du 16 décembre 1983, qui pouvait légalement subordonner la délivrance de l'agrément à la condition que l'établissement en difficulté faisant l'objet d'une reprise comporte un nombre d'emplois minimal, prévoit que "les opérations de reprise doivent permettre le maintien de l'effectif permanent au niveau justifié par le plan de redressement de l'entreprise", ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de déroger à l'obligation faite à la société qui sollicite ledit agrément de satisfaire à la condition relative au nombre d'emplois repris ;
Considérant, enfin, que pour apprécier si la condition relative au nombre minimum d'emplois prévue par l'article 4-1° de l'arrêté du 16 décembre 1983 est remplie, il n'y a lieu de tenir compte que des emplois maintenus dans l'établissement repris par la société qui sollicite l'agrément ; que par suite la S.A. Seram ne peut utilement soutenir que l'un de ses actionnaires aurait repris 35 emplois de la société Julin et que dès lors, même si elle n'avait elle-même maintenu que 17 emplois de cette entreprise, le seuil de 30 emplois prévu par les dispositions précitées était respecté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 9 août 1985 du directeur régional des impôts de Rouen ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la S.A. Soneram devant le tribunal administratif de Rouen venant aux droits de la S.A. Seram est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la S.A. Seram et au ministre du budget.