Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 18 juillet et 20 novembre 1989, présentés pour Mme Dominique Y..., demeurant ... ; Mme RIO demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 2 mai 1989 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant à l'annulation :
a) de la décision implicite de rejet du sous-préfet, commissaire-adjoint de la République de Dreux, sur le recours présenté le 7 décembre 1986 contre l'arrêté en date du 17 septembre 1986 par lequel le maire de Dreux a nommé M. Joël X... en qualité de directeur de l'école de musique de Dreux ;
b) de la décision du 8 avril 1987 du maire de Dreux lui interdisant l'accès aux locaux de l'école de musique ;
c) de l'arrêté en date du 17 juin 1987 prévoyant sa mise à disposition auprès du conseil général d'Eure-et-Loir à compter du 15 septembre 1986 ;
d) de l'arrêté en date du 10 juin 1987 la suspendant de ses fonctions de directrice de l'école municipale de musique de Dreux ;
e) de l'arrêté du 21 juillet 1987 par lequel le maire de Dreux l'a révoquée de ses fonctions à compter du 1er août 1987 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 85-1081 du 8 octobre 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Hoss, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de Mme Dominique Y... et de Me Cossa, avocat de la ville de Dreux,
- les conclusions de M. Frydman, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué du tribunal administratif d'Orléans :
Considérant qu'il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué du tribunal administratif d'Orléans en date du 2 mai 1989, que le moyen tiré de ce que le jugement ne contiendrait pas les visas et l'analyse des moyens des demandes de première instance manque en fait ; que les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de ce qu'aucun vote n'aurait eu lieu lors de la réunion du conseil de discipline ;
Sur la décision implicite de rejet du Sous-Préfet de Dreux refusant de déférer au tribunal administratif d'Orléans l'arrêté du maire de Dreux en date du 17 septembre 1986 nommant M. X... directeur de l'école de musique de Dreux :
Considérant qu'en vertu du 1er alinéa de l'article 3 de la loi du 2 mars 1982 sur les droits et libertés des communes, des départements et des régions, le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission ; qu'en vertu du 1er alinéa de l'article 4 de la même loi une personne qui s'estime lésée par un acte mentionné aux paragraphes II et III de l'article 2 peut, sans préjudice du recours direct dont elle dispose devant le tribunal administratif, demander au représentant de l'Etat dans le département de mettre en oeuvre la procédure susanalysée de l'article 3 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Dominique Y... a demandé au sous-préfet de Dreux, sur le fondement des dispositions susanalysées de la loi du 2 mars 1982 de déférer au tribunal administratif l'arrêté du maire de Dreux du 17 septembre 1986 nommant M. Joël X... directeur de l'école municipale de musique de Dreux ; que cette demande n'ayant pas eu pour effet de priver Mme RIO de la faculté d'exercer un recours direct contre cet acte, le refus du sous-préfet de Dreux de déférer celui-ci au tribunal administratif n'a pas constitué une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, dès lors, les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du sous-préfet de Dreux sont irrecevables ;
Sur l'arrêté du maire de Dreux en date du 17 septembre 1986 nommant M. Joël X... directeur de l'école de musique de Dreux :
Considérant que Mme Dominique Y... a été, à compter du 15 septembre 1986, et d'ailleurs sur sa demande, mise à la disposition du département d'Eure-et-Loir dans les conditions prévues par le décret susvisé du 8 octobre 1985 ; que l'article 13 dudit décret prescrivant qu'à la fin de sa mise à disposition, le fonctionnaire, s'il ne peut être affecté dans les fonctions qu'il exerçait avant sa mise à disposition dans son administration d'origine, est affecté dans des fonctions d'un niveau hiérarchique comparable, le moyen de Mme RIO tiré de ce que le maire n'aurait pu affecter M. X... dans les fonctions de directeur de l'école de musique de Dreux qu'en qualité d'intérimaire et pour une durée limitée à celle de sa propre absence ne saurait être accueilli ;
Considérant que les dispositions de l'article 23 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée et celles de l'article 41 de la même loi ne sont pas applicables, le statut particulier d'un corps comprenant l'emploi de directeur d'école municipale de musique n'ayant pas été édicté à la date de la décision attaquée ; qu'ainsi, et en tout état de cause, le moyen de Mme RIO tiré de ce que l'arrêté nommant M. X... serait illégal faute pour le centre de gestion compétent d'avoir été informé est inopérant ;
Sur l'arrêté du maire de Dreux en date du 17 juin 1987 mettant Mme RIO à disposition du département d'Eure et Loir à compter du 15 septembre 1986 :
Considérant que l'arrêté susvisé du maire de Dreux en date du 17 juin 1987, pris au vu de la convention intervenue entre le maire et le président du conseil général, après que le bureau du conseil général eût donné son accord au cours de sa réunion du 26 juin 1987, a eu pour objet de régulariser la mise à disposition de Mme RIO intervenue à compter du 15 septembre 1986 en dehors de tout acte administratif ; que, dans ces conditions, il n'est pas entaché d'une rétroactivité illégale ;
Sur la décision du maire de Dreux en date du 8 avril 1987 interdisant à Mme RIO l'accès de l'école de musique :
Considérant que le maire de Dreux a, par un arrêté du 17 septembre 1986devenu définitif, nommé M. X... aux fonctions de directeur de l'école municipale de musique de Dreux ;que Mme RIO, qui occupait ces fonctions avant sa mise à disposition auprès du département d'Eure-et-Loir, n'avait aucun titre, à la fin de sa mise à disposition de ce département, à exercer les fonctions de son successeur et à s'installer dans le bureau de ce dernier, contrairement aux instructions du maire de Dreux ; que, par suite, le maire de Dreux, agissant en qualité d'employeur de Mme RIO, a pu légalement, par la décision attaquée du 8 avril 1987, enjoindre à l'intéressée, dans l'intérêt du service, de ne plus se rendre à l'école de musique et lui demander de prendre contact avec l'inspecteur départemental afin que lui soient définies de nouvelles fonctions d'un niveau hiérarchique comparable à celles qu'elle détenait antérieurement à sa mise à disposition ;
Sur l'arrêté du 10 juin 1987 prononçant la suspension de fonctions de Mme RIO :
Considérant que la mesure de suspension prononcée à l'encontre de Mme RIO est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire ; que le maire n'était pas tenu de communiquer à l'intéressée les griefs retenus à son encontre avant de prendre cette décision ;
Considérant que les moyens dirigés contre l'arrêté du 21 juillet 1987 portant révocation de Mme RIO sont inopérants à l'égard des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 1987 la suspendant de ses fonctions ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Sur l'arrêté du 21 juillet 1987 prononçant la révocation de Mme RIO :
Considérant qu'en vertu de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984, le conseil de discipline est composé de fonctionnaires d'un grade au moins égal à celui du fonctionnaire déféré devant lui et qu'elle doit comprendre en nombre égal des représentants des collectivités territoriales et des représentants du personnel ;
Considérant que la circonstance que la liste des noms parmi lesquels a été effectué le tirage au sort des représentants du personnel au conseil de discipline appelé à se prononcer sur le cas de Mme RIO, aurait comporté des omissions ou erreurs involontaires, n'a pas constitué, eu égard au nombre des noms figurant sur cette liste et à la composition finale du conseil qui satisfaisait aux conditions susanalysées de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984, une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'avis du conseil ; que l'existence, alléguée par la requérante, de différends antérieurs entre elle-même et certains membres du conseil, ne suffit pas à démontrer que ceux-ci ont, dans l'exercice de leurs fonctions, fait preuve de partialité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la réunion du conseil de discipline, que le directeur du service du personnel de la ville de Dreux n'a pas participé aux délibérations du conseil ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, la sanction prononcée à son encontre n'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts ; qu'eu égard aux refus d'obéissance répétés de Mme RIO aux instructions que lui a adressées le maire de Dreux et aux perturbations causées par son comportement au fonctionnement de l'école de musique, le maire de Dreux a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, prendre une décision de révocation ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme RIO n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes susvisées ;
Sur les conclusions de la ville de Dreux tendant à la condamnation de Mme RIO en application de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 :
Considérant que le décret du 2 septembre 1988 ayant été abrogé par le décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991, les conclusions de la ville de Dreux doivent être regardées comme demandant la condamnation de Mme RIO sur le fondement de l'article 75-I de ladite loi ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 75- de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions précitées de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner Mme RIO à payer à la ville de Dreux la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mme Dominique Y... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la ville de Dreux tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme RIO, à la ville de Dreux et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.