Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. François X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 1987 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la contestation qu'il avait formée à la suite de l'acte de signification de vente, décerné à son encontre le 27 septembre 1984 et confirmé par la décision du 3 décembre 1984 du trésorier-payeur général de la Moselle qui a rejeté sa réclamation, pour avoir paiement de la somme de 324 303,35 F à raison d'arriérés d'impôts au titre des années 1975 à 1982, de la redevance télévision pour 1981 et d'une amende au titre de 1976 ;
2°) d'annuler les décisions contestées et de le décharger des obligations de payer ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le décret n 82-971 du 17 novembre 1982 ;
Vu l'ordonnance n 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Roger, avocat de M. François X...,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne l'amende prononcée par jugement du tribunal de grande instance de Sarreguemines en date du 17 septembre 1975 :
Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur une contestation relative à une amende prononcée par le juge judiciaire ; que par suite, le tribunal administratif a jugé à bon droit que les conclusions par lesquelles M. X... contestait son obligation de payer l'amende prononcée par le tribunal de grande instance de Sarreguemines étaient portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
En ce qui concerne les impositions directes et la redevance en litige :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise personnelle de M.
X...
a été mise en règlement judiciaire le 21 février 1975, puis en liquidation de biens le 23 janvier 1976 ; qu'après la reddition des comptes du syndic à la liquidation de biens le 15 avril 1981, le comptable public de Forbach a émis à l'encontre de M. X... deux commandements de payer les 28 juillet et 20 octobre 1981 puis lui a fait notifier un acte de signification de vente en date du 27 septembre 1984 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que pour rejeter la demande dont il était saisi, le tribunal administratif a estimé que la réclamation formée le 5 octobre 1984 par M. X... auprès du trésorier-payeur général de la Moselle était tardive dès lors que la signification de vente en date du 27 septembre 1984 faisait suite aux commandements des 28 juillet et 20 octobre 1981 que l'intéressé n'avait pas contestés ; que toutefois le tribunal ne pouvait opposer cette tardiveté sans examiner le moyen soulevé devant lui et auquel il n'a pas répondu, tiré de ce que la prescription de l'action en vue du recouvrement des impositions était acquise le 27 septembre 1984 ; que le jugement attaqué doit, dans cette mesure, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Strasbourg qui sont relatives aux cotisations d'impôts directs et à la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision ;
Sur la prescription :
Considérant que les impositions sur le revenu mises à la charge de M. X... au titre des années 1971 à 1973 ont été mises en recouvrement les 8 et 31 décembre 1975, la majoration exceptionnelle au titre de 1973 le 15 février 1976, l'impôt sur le revenu au titre de 1981 le 31 décembre 1982, les taxes d'habitation au titre des années 1978 à 1982, celle concernant l'année 1978 le 30 novembre 1979, les autres au cours de leur année d'imposition ; que la prescription de l'action en recouvrement des sommes dues au titre des années 1976 et antérieures a été interrompue par leur production, et leur admission, les 25 mars et 3 décembre 1976, en passif du règlement judiciaire prononcé à l'encontre de M. X... puis converti en liquidation de biens le 23 janvier 1976 ; que le délai de prescription n'a recommencé à courir qu'à compter du 15 mars 1981, date de clôture de cette procédure ;
En ce qui concerne les cotisations d'impôts directs :
Considérant, en premier lieu, que M. X... soutient que la notification des commandements des 28 juillet et 20 octobre 1981 n'était pas de nature à interrompre la prescription dès lors qu'elle lui a été faite de façon irrégulière ; que, toutefois, les moyens du requérant tirés de la méconnaissance des articles 635 et suivants du nouveau code de procédure civile sont inopérants alors que les commandements lui ont été notifiés par la poste, conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 1843 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable ; que, par ailleurs, il ressort des mentions portées sur ces commandements, régulièrement attestées par le préposé et par le receveur des postes, que ces actes ont été déposés à la mairie de Forbach respectivement les 30 juillet et 23 octobre 1981 et que M. X... en a été avisé ;
Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, les commandements dont il s'agit, ne peuvent être regardés comme des actes inexistants ;
Considérant, en troisième lieu, que si M. X... allègue que les irrégularités dont la forme des commandements serait entaché, est de nature à priver ces actes de leur effet interruptif de prescription, il n'appartient qu'au juge judiciaire, saisi par la personne poursuivie dans les conditions fixées par l'article 1846 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable, d'apprécier la validité en la forme des actes de poursuite ; que M. X... ne soutient pas avoir fait opposition aux commandements devant le juge judiciaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que les commandements des 28 juillet et 20 octobre 1981 n'ont pas interrompu à son égard la prescription de l'action en recouvrement du comptable du trésor ;
En ce qui concerne la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 74-1131 du 30 décembre 1974, relatif au recouvrement de la redevance pour droit d'usage des postes récepteurs de radiodiffusion ou de télévision alors en vigueur : "Les sommes impayées et les frais qui s'y ajoutent sont recouvrés en vertu d'une contrainte administrative décernée par l'agent comptable du service de la redevance ... Après la notification du commandement, le recouvrement est poursuivi comme en matière de contributions directes soit par les régisseurs de recettes du service de la redevance, soit, à la requête de ceux-ci, par le comptable direct du trésor du domicile des débiteurs ..." ; qu'en vertu de l'article 4 du même décret, les réclamations relatives aux poursuites exercées par le comptable du trésor sont présentées, dans les conditions fixées aux articles 1846 et 1910 du code général des impôts, au trésorier-payeur général du département du domicile du débiteur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le commandement du 23 juillet 1981 relatif à la redevance due par M. X... a été émis à son encontre par le comptable de trésor de Forbach, saisi d'une contrainte administrative en date du 17 juillet précédent ; qu'il n'est pas contesté que ce commandement a été régulièrement notifié au redevable ; que, par suite, cette notification a régulièrement interrompu la prescription ;
Sur la régularité de la signification de vente du 27 septembre 1984 :
Considérant qu'il n'appartient qu'au juge judiciaire d'apprécier la validité en la forme des actes de poursuite ;
Sur la recevabilité des moyens de la réclamation du 5 octobre 1984 qui ne sont pas relatifs à la signification de vente du 27 septembre 1984 :
Considérant que les commandements des 28 juillet et 20 octobre 1981, régulièrement notifiés à M. X..., constituent les premiers actes qui procèdent de la contrainte au sens des dispositions de l'article 1846 du code général des impôts ; que les moyens de la réclamation de M. X... qui ne sont pas propres à la signification de vente du 27 septembre 1984 ont été présentés tardivement dès lors qu'ils l'ont été dans la réclamation du 5 octobre 1984, soit postérieurement à l'expiration du délai d'un mois qui était alors imparti à l'intéressé pour former une opposition à contrainte contre ces commandements ; qu'ils sont, par suite, irrecevables ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il y ait lieu de prescrire la mesure d'instruction sollicitée que les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg par M. X... et relatives aux cotisations d'impôts directs et à la redevance pour droit d'usage d'appareils récepteurs de télévision qui lui ont été réclamées doivent être rejetées ;
Article 1er : Le jugement du 20 octobre 1987 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande de M. X... tendant à l'annulation de la décision du 3 décembre 1984 du trésorier-payeur général de la Moselle rejetant sa réclamation relative aux cotisations d'impôts directs et à la redevance pour droit d'usage d'appareils récepteurs de télévision.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Strasbourg et tendant à l'annulation de la décision du 3 décembre 1984 du trésorier-payeur général de la Moselle rejetant sa réclamation relatives aux cotisations d'impôts directs età la redevance pour droit d'usage d'appareils récepteurs de télévision et le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. François X... et au ministre du budget.