Vu la requête, enregistrée le 4 décembre 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. François X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement en date du 21 septembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, saisi sur renvoi de la cour d'appel de Limoges de l'appréciation de la déclaration implicite d'autorisation de son licenciement pour motif économique, a rejeté l'exception d'illégalité ;
2°) déclare que cette décision est entachée d'illégalité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de la Verpillière, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Urtin-Petit, Rousseau-Van Troeyen, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.511-1 du code du travail, le tribunal administratif compétent pour apprécier la légalité d'une décision administrative autorisant un licenciement pour motif économique était tenu de statuer dans un délai de trois mois à compter de sa saisine par le conseil de prud'hommes ; qu'en vertu des mêmes dispositions, si le tribunal ne s'était pas prononcé à l'issue de ce délai, le litige devait être porté devant le Conseil d'Etat afin qu'il soit statué par lui ;
Considérant que, par un arrêt en date du 10 avril 1989, la cour d'appel de Limoges, statuant en matière prud'hommale, a sursis à statuer sur l'instance pendante entre M. X... et la société Matière et a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand de la question de l'appréciation de la légalité de la décision implicite autorisant la société Matière à licencier M. X... pour motif économique ; que cet arrêt de renvoi a été enregistré au greffe du tribunal administratif le 14 avril 1989 ; que, par suite, le jugement en date du 21 septembre 1989 par lequel le tribunal administratif a statué sur cette question préjudicielle est intervenu postérieurement à l'expiration du délai de trois mois fixé par les dispositions précitées de l'article L.511-1 du code du travail ; que, dès lors, le tribunal administratif se trouvait dessaisi ; qu'il suit de là que son jugement doit être annulé et qu'il appartient au Conseil d'Etat de statuer sur la question préjudicielle renvoyée par la cour d'appel de Limoges au tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Considérant qu'il ne ressort pas du dossier que l'inspecteur du travail aurait omis de procéder à l'examen de la réalité du motif économique invoqué par la société ; que la circonstance, à la supposer vérifiée, que l'enquête n'aurait pas été contradictoire serait en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse ;
Considérant que le poste occupé par M. X... consistait à assurer la commercialisation d'un procédé de fabrication de canalisations en béton armé, dont la société Matière détenait l'exclusivité ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'inspecteur du travail a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer que la substitution du poste occupé par M. X..., dont les compétences et l'expérience étaient strictement commerciales, par un poste dont le titulaire aurait une formation d'ingénieur, n'avait pas pour objet de dissimuler un licenciement fondé sur des motifs personnels, et représentait une modification substantielle du poste de travail de nature à établir la réalité du motif économique du licenciement ; qu'il n'appartenait pas à l'inspecteur du travail d'apprécier l'opportunité des conséquences que l'entreprise a pu tirer, en termes de définition du poste occupé par M. X..., des résultats obtenus par lui ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déclarer légale la décision administrative ayant autorisé le licenciement de M. X... ;
Sur les conclusions additionnelles de M. X... tendant à l'annulation de la décision implicite autorisant son licenciement :
Considérant que M. X... n'est pas recevable dans le cadre du litige né de la saisine du juge administratif par le juge judiciaire à faire trancher par le juge administratif des questions autres que celles qui font l'objet de cette saisine ; qu'ainsi, les conclusions à fins d'annulation de l'acte dont la légalité doit être appréciée doivent être rejetées ;
Sur les conclusions additionnelles de M. X... tendant à ce que la société Matière et l'Etat soient condamnés aux entiers dépens :
Considérant que les conclusions de M. X... doivent être regardées comme tendant à ce que lui soient remboursés les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que toutefois ces conclusions, faute d'être chiffrées, sont en tout état de cause irrecevables ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 21 septembre 1989 est annulé.
Article 2 : La décision par laquelle l'autorité administrative a implicitement autorisé la société Matière à licencier M. X... pour cause économique est déclarée légale.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. X... sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au greffe de la cour d'appel de Limoges, à M. X..., à la société Matière et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.