Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 21 novembre 1990, et le mémoire ampliatif, enregistré le 21 mars 1991, présentés pour le département de la Manche, représenté par le président de son conseil général, à ce habilité par délibération du bureau de ce conseil du 22 octobre 1990 ; le département demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 27 juillet 1990 par lequel le tribunal administratif de Caen a, sur la demande de la commune de Flamanville, annulé la délibération de son conseil général du 27 novembre 1986 fixant, pour l'année 1986, la répartition des ressources du fonds départemental de la taxe professionnelle ;
2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Flamanville devant le tribunal administratif de Caen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Foussard, avocat du département de la Manche,
- les conclusions de M. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1648 A du code général des impôts : "I. Lorsque, dans une commune les bases d'imposition d'un établissement, divisées par le nombre d'habitants, excèdent deux fois la moyenne des bases de taxe professionnelle par habitant constatée au niveau national, il est perçu directement, au profit d'un fonds départemental de la taxe professionnelle, un prélèvement égal au produit du montant des bases excèdentaires par le taux en vigueur dans la commune ... II. Les ressources du fonds sont réparties par le conseil général si les communes concernées sont situées dans les limites d'un même département ... La liste des communes concernées est arrêtée par le conseil général du département ..." ; que le 2. a) du même II de l'article 1648 A dispose qu'une partie des ressources du fonds est répartie "entre les communes qui sont situées à proximité de l'établissement lorsqu'elles ou leurs groupements subissent, de ce fait, un préjudice ou une charge quelconque et, en particulier, lorsqu'une partie des salariés de cet établissement y réside, le nombre de ceux-ci étant un élément déterminant de la répartition" ; qu'aux termes du III de l'article 1648 A : "Lorsque l'excèdent provient d'un établissement produisant de l'énergie ou traitant des combustibles, ... la répartition de la fraction mentionnée au 2° du II, établie par le ou les départements concernés dans les conditions prévues au II, est soumise à l'accord, à la majorité qualifiée, des communes d'implantation et des communes concernées, telles qu'elles ont été définies au 2° du II ..." ; que, selon l'article 327 D de l'annexe II au code général des impôts, alors applicable, "les établissements mentionnés à l'article 1648 A-III du code général des impôts sont notamment ceux qui ont pour objet : la production d'électricité, la fabrication du gaz, le raffinage des hydrocarbures, le traitement des combustibles nucléaires" ;
Considérant que, pour annuler la délibération du 27 novembre 1986 par laquelle le conseil général de la Manche a fixé, en application du II de l'article 1648 A, la répartition des ressources du fonds départemental de la taxe professionnelle pour l'année 1986, le tribunal administratif de Caen s'est fondé sur ce que, contrairement aux prescriptions du III du même article, la répartition de la fraction des ressources du fonds provenant du "grand chantier de la centrale électronucléaire de Flamanville" n'avait pas été soumise à l'accord, à la majorité qualifiée, des communes d'implantation et des communes concernées ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que les ressources ainsi réparties provenaient de l'écrêtement des bases de taxe professionnelle, non de la centrale nucléaire de Flamanville, qui, comme l'a d'ailleurs relevé lui-même le tribunal administratif, n'a été mise en service que dans le courant de l'année 1986, mais des entreprises participant au "grand chantier" de construction de la future centrale, qui ne sont pas au nombre des établissements que visent le III de l'article 1648 A et l'article 327 D de l'annexe II ; que le département de la Manche est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler sa délibération du 27 novembre 1986, le tribunal administratif a fait droit au moyen tiré par la commune de Flamanville de ce que la règle de procédure fixée par le III de l'article 1648 A aurait été méconnue ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la commune de Flamanville au soutien de sa demande devant le tribunal administratif ;
Considérant que les dispositions précitées du II. 2. a) de l'article 1648 A du code général des impôts, éclairées par l'ensemble de celles de cet article et par l'objet même de la péréquation qu'elles organisent, ne peuvent être entendues comme excluant de la répartition des ressources des fonds départementaux de la taxe professionnelle les communes d'implantation des établissements, elles-mêmes, lorsqu'elles remplissent les conditions qui ouvrent droit à une dotation ; que, par suite, la commune de Flamanville est fondée à soutenir que la délibération contestée du 27 novembre 1986 est entachée d'une erreur de droit, en ce que le conseil général de la Manche a, contrairement aux années précédentes, estimé devoir l'exclure du bénéfice de la répartition des ressources du fonds départemental provenant du chantier de construction de la centrale de Flamanville, au seul motif que ce chantier était situé sur son propre territoire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de la Manche n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé pour excès de pouvoir la délibération précitée ;
Article 1er : La requête du département de la Manche est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au département de la Manche, à la commune de Flamanville et au ministre de l'économie et des finances.