Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 janvier 1992 et 6 mai 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne) ; la commune de Boissy-Saint-Léger demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 5 novembre 1991 en tant qu'il a mis hors de cause la société SERI-Renault Ingénierie et l'Etat et qu'il a limité à 691 095,18 F l'indemnité mise à la charge des architectes, MM. Z..., X... et Y... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la commune de Boissy-Saint-Léger et de Me Baraduc-Bénabent, avocat de la Société Renault-Automation,
- les conclusions de M. Fratacci, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant qu'il ressort des mentions de la minute de l'arrêt attaqué que l'audience à laquelle a été appelée l'affaire était publique et que l'arrêt a été prononcé en audience publique ; que cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêt attaqué a été rendu en méconnaissance des dispositions des articles R. 195, R. 199 et R. 200 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant que la cour administrative d'appel a annulé les condamnations de la société SERI-Renault Ingénierie envers la commune de Boissy-Saint-Léger sur le terrain de sa responsabilité décennale :
Considérant que pour annuler les condamnations prononcées à l'encontre de la société SERI-Renault Ingénierie vis-à-vis de la commune de Boissy-Saint-Léger, maître d'ouvrage, la cour administrative d'appel a relevé que la mission d'études qui avait été confiée à ladite société par l'Etat à une date à laquelle celui-ci n'était pas maître d'ouvrage délégué de la commune de Boissy-Saint-Léger, s'était achevée avant la date de réalisation d'un prototype de piscine et que ladite société n'était pas intervenue dans la construction de l'ouvrage litigieux ; qu'en estimant ainsi, au vu des pièces du dossier qui lui était soumis, que la société SERI-Renault Ingénierie s'était bornée à établir, à la demande de l'Etat, en 1970, un projet destiné à permettre la réalisation éventuelle d'un prototype, que sa mission s'était achevée avant même la réalisation de ce dernier et qu'elle n'avait jamais été liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage, relatif à la construction des piscines, la cour n'a pas dénaturé les faits qui ressortaient des pièces du dossier ; qu'elle a pu légalement déduire de ces constatations que la responsabilité de la société SERI-Renault Ingénierie ne pouvait être engagée envers la commune de Boissy-Saint-Léger sur le terrain de sa garantie décennale ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant que la cour administrative d'appel a réduit les condamnations prononcées contre les architectes au profit de la commune de Boissy-Saint-Léger :
Considérant que la commune de Boissy-Saint-Léger a délégué à l'Etat la maîtrise d'ouvrage pour la construction de la piscine litigieuse par des conventions conclues les 19 janvier et 2 février 1977 ; que, dès lors, les fautes commises par l'Etat en sa qualité de maître d'ouvrage délégué sont opposables à la commune de Boissy-Saint-Léger ; qu'eu égard au rôle de l'Etat dans le choix et la mise en oeuvre du procédé de construction retenu, la cour a pu légalement estimer que ces fautes étaient de nature à atténuer la responsabilité des architectes ; que, par suite, la commune de Boissy-Saint-Léger n'est pas fondée à contester l'arrêt attaqué sur ce point ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les héritiers de M. Z... ont seuls, par la voie de l'appel provoqué, présenté des conclusions tendant à ce que la cour administrative d'appel atténue la responsabilité que le tribunal administratif de Paris leur a attribué solidairement avec les architectes MM. X... et Y... pour les désordres affectant la piscine du type "Caneton" sur le territoire de la commune de Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne) ; que, dès lors, et en l'absence de représentation mutuelle des débiteurs "in solidum", la cour administrative d'appel a statué au-delà des conclusions dont elle était saisie en ramenant, par l'article 2 de l'arrêt attaqué, à 691 095,18 F l'indemnité que MM. X... et Y... ont été condamnés à verser à la commune de Boissy-Saint-Léger, solidairement avec M. Z... ; que l'article 2 de l'arrêt attaqué doit, par suite, être annulé en tant qu'il concerne MM. X... et Y... ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt attaqué en tant que la cour administrative d'appel a rejeté les demandes tendant à la condamnation de l'Etat envers la commune de Boissy-Saint-Léger :
Considérant que la cour administrative d'appel n'a commis aucune erreur de droit en estimant qu'après la réception définitive de l'ouvrage, qui valait quitus pour le maître d'ouvrage délégué, la responsabilité de l'Etat à l'égard de la commune de Boissy-Saint-Léger ne pouvait plus être recherchée, sur le fondement de l'article 2262 du code civil, que dans l'hypothèse où le maître d'ouvrage délégué aurait eu un comportement fautif qui, par sa nature et sa gravité, serait assimilable à une fraude ou à un dol ; qu'après avoir relevé les faits survenus et souverainement apprécié l'absence d'intention dolosive alléguée, elle n'a pas commis d'erreur de qualification en déniant à ces faits le caractère de faute assimilable à une fraude ou à un dol ; que, par suite, la commune de Boissy-Saint-Léger n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'a été écartée la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'alors même qu'il a imposé un procédé de construction de l'ouvrage litigieux et contrôlé sa mise en oeuvre, l'Etat est intervenu en sa qualité de maître d'ouvrage délégué par la commune de Boissy-Saint-Léger ; que, dès lors, la cour administrative d'appel a pu légalement décider que l'Etat n'avait pas la qualité de constructeur dont la responsabilité peut être recherchée sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Sur les conclusions de la société Renault-Automation tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner la commune de Boissy-Saint-Léger à verser la somme de 6 000 F demandée par la société Renault-Automation au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 5 novembre 1991 est annulé en tant qu'il concerne MM. X... et Y....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Boissy-Saint-Léger est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la société Renault-Automation tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Boissy-Saint-Léger, à Mme Veuve Z..., à M. Pierre Jack Z..., à Mlle Agnès Z..., à M. Jean-Paul X..., à M. Franck Y..., à la société Renault-Automation et au ministre délégué à la jeunesse et aux sports.