Vu, enregistré le 2 décembre 1996, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 21 novembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Lille, avant de statuer sur les conclusions de la demande de la société anonyme Sabe tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1980, 1981, 1982 et 1984, a décidé, par application de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question de savoir si, "lorsque les redressements sont soumis à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le vice de forme entachant la régularité dudit avis ou l'erreur de celle-ci sur l'étendue de sa compétence doivent demeurer sans sanction ou sont de nature à vicier la procédure d'imposition et, par voie de conséquence, à entraîner la décharge des impositions" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bonnot, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
1. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : "Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis, soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code. Les commissions peuvent également être saisies à l'initiative de l'administration".
L'article L. 59 A du livre des procédures fiscales dispose que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient, notamment, "1° Lorsque le désaccord porte, soit sur le montant du bénéfice industriel et commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition, soit sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application du 6° et du 1 du 7° de l'article 257 du code général des impôts".
Dans sa rédaction antérieure à celle qui lui a été donnée par l'article 10-I de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987, l'article 192 du livre des procédures fiscales était ainsi libellé : "Si la base d'imposition retenue par l'administration à la suite d'un redressement est conforme à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou à celui de la commission départementale de conciliation saisies en application de l'article L. 59, la charge de la preuve incombe au contribuable. Dans le cas contraire, elle incombe à l'administration". Dans sa rédaction issue de l'article 10-I de la loi du 8 juillet 1987, dont les dispositions sont applicables aux contentieux relatifs à des impositions établies sur le fondement de rectifications ou de redressements à propos desquels l'une des commissions visées à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales a fourni un avis postérieurement au 9 juillet 1987, le même article L. 192 dispose : "Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. - Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. - Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L.69".
2. La demande présentée devant le tribunal administratif de Lille et dont celui-ci a transmis le dossier au Conseil d'Etat, en application de l'article 12 de la loi du31 décembre 1987, portant réforme du contentieux administratif, pose la question de savoir si, lorsque, dans un avis émis postérieurement au 9 juillet 1987, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'est à tort déclarée incompétente pour connaître, au titre du 1° précité de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, des éléments de fait du désaccord entre un contribuable et l'administration, l'erreur ainsi commise est ou non de nature à vicier la procédure d'imposition, et par voie de conséquence, à entraîner la décharge de l'imposition contestée.
3. Il résulte des dispositions, précitées, des articles L. 59 et L. 192 du livre des procédures fiscales que :
1°) Lorsqu'un contribuable demande que le désaccord qui l'oppose à l'administration et qui relève de la compétence consultative de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires au titre, notamment, du 1° de l'article 59 A du livre des procédures fiscales, soit soumis à cette commission, l'administration est tenue de la saisir et satisfait à l'obligation qui lui est ainsi faite en la saisissant régulièrement ;
2°) Le sens de l'avis émis par la commission ne peut avoir d'autre effet que de modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve dans les termes prévus par l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.
Ainsi, lorsque la commission se déclare incompétente pour examiner les questions de fait qui lui ont été soumises en les regardant à tort comme des questions de droit, et se méprend de la sorte sur l'étendue du domaine d'intervention que lui attribuent, notamment, les dispositions du 1°) de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, cette erreur n'affecte pas la régularité de la procédure d'imposition et n'est, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition contestée. Il en serait, d'ailleurs, de même dans le cas où l'avis émis par la commission serait entaché d'un vice de forme.
Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Lille, à la société anonyme Sabe et au ministre de l'économie et des finances. Il sera publié au Journal officiel de la République française.