Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 août et 12 décembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COURREGELONGUE dont le siège est à Saint-Pradoux du Breuil, représentée par ses dirigeants en exercice domiciliés en cette qualité audit siège ; la SOCIETE COURREGELONGUE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 16 mai 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, réformant le jugement du 5 octobre 1989 du tribunal administratif de Bordeaux, 1°) condamné la requérante à verser au département de la Gironde la somme de 3 186 682 F avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 1987 en réparation des fautes contractuelles commises dans la construction d'un bâtiment supplémentaire à la maison de promotion sociale à Artigues, 2°) rejeté le surplus de ses conclusions tendant à être garantie solidairement par le bureau d'études Masse et la société Fayat, 3°) condamné la requérante à verser la somme de 3 000 F à la société Fayat au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner , avocat de la SOCIETE COURREGELONGUE,
- de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du département de la Gironde, - de Me Choucroy, avocat de l'entreprise Fayat,
- et de la SCP Defrénois, Lévis, avocat du bureau d'études techniques Masse,
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le département de la Gironde :
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 13 juillet 1967 en vigueur à la date à laquelle l'entreprise COURREGELONGUE a été mise en règlement judiciaire : "Le jugement qui prononce le règlement judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, assistance obligatoire du débiteur par le syndic pour tous les actes concernant l'administration et la disposition de ses biens. Si le débiteur ou les dirigeants refusent de faire un acte nécessaire à la sauvegarde du patrimoine, le syndic peut y procéder seul, à la condition d'y être autorisé par le juge commissaire" ; que, toutefois, la règle ainsi posée portant interdiction au débiteur, postérieurement au jugement prononçant le règlement judiciaire, de faire seul, sans l'assistance du syndic, un des actes visé par ce texte, n'est édictée que dans l'intérêt de la masse des créanciers ; que, dès lors, seul le syndic peut se prévaloir de cette disposition pour exciper de l'irrecevabilité du débiteur à se pourvoir contre un jugement préjudiciable à ce dernier ; que, par suite, le département de la Gironde n'est pas recevable à soutenir que l'entreprise COURREGELONGUE, mise en règlement judiciaire le 6 novembre 1984, n'a pas qualité pour introduire seule un recours en cassation, qui a d'ailleurs fait l'objet d'une reprise d'instance par le syndic, contre l'arrêt rendu le 16 mai 1991 par la cour administrative d'appel de Bordeaux ;
Sur la requête de la SOCIETE COURREGELONGUE :
Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Bordeaux a ramené à 3 186 682 F avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 1987 la somme de 4 272 799 F que la SOCIETE COURREGELONGUE a été condamnée, par le tribunal administratif de Bordeaux, à verser au département de la Gironde en réparation des fautes contractuelles commises dans la construction d'un bâtiment supplémentaire à la maison de promotion sociale d'Artigues et rejeté le surplus des conclusions de ladite société tendant à la condamnation du bureau d'études technique Masse et de la société Fayat ; que cet arrêt est insuffisamment motivé sur les responsabilités respectives de la SOCIETE COURREGELONGUE et de la société Fayat ; que, par suite, il doit être annulé en tant qu'il statue sur la responsabilité de ces sociétés ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond dans l'intérêt d'une bonneadministration de la justice ;
Considérant que si les conclusions présentées par la SOCIETE COURREGELONGUE devant la cour administrative d'appel de Bordeaux doivent être regardées comme tendant à la condamnation de l'entreprise Fayat à indemniser le département, ces conclusions formées par un constructeur contre d'autres constructeurs sans constituer un appel en garantie sont comme telles irrecevables ;
Sur le pourvoi incident du département de la Gironde :
Considérant que le département de la Gironde conteste l'arrêt susvisé de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il a laissé sa charge le quart des conséquences dommageables des désordres constatés ; qu'en justifiant cette solution par le fait que ces désordres ont été rendu possibles par la carence et le manquement caractérisé du département en son devoir de surveillance des travaux sans rechercher si la faute ainsi commise était d'une gravité suffisante pour engager la responsabilité du maître d'oeuvre, la cour administrative d'appel a insuffisamment motivé son arrêt sur ce point ; que le département de la Gironde est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a laissé à sa charge le quart des conséquences dommageables des désordres constatés ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;
Considérant que les conclusions d'appel de la SOCIETE COURREGELONGUE devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ne contenaient aucune conclusion tendant à la mise en jeu de la responsabilité du département de la Gironde en sa qualité de maître d'oeuvre ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu de laisser à la charge du maître d'oeuvre une part quelconque de responsabilité dans la survenance des désordres en cause ;
Sur les conclusions du bureau d'études techniques Massé tendant à la condamnation de la SOCIETE COURREGELONGUE sur le fondement des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner la SOCIETE COURREGELONGUE sur le fondement des prescriptions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 à verser au bureau d'études techniques Massé la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les articles 1 et 2 de l'arrêt susvisé du 16 mai 1991 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ainsi que l'article 3 en tant qu'il concerne la responsabilité de la société Fayat sont annulés.
Article 2 : La requête présentée par la SOCIETE COURREGELONGUE devant la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'elle concerne la responsabilité de la SOCIETE COURREGELONGUE et de la société Fayat est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du bureau d'études techniques Massé tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE COURREGELONGUE, au département de la Gironde, à la société Fayat, au bureau d'études techniques Massé et au ministre de l'intérieur.