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29/12/1997 | FRANCE | N°146753

France | France, Conseil d'État, 7 /10 ssr, 29 décembre 1997, 146753


Vu la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 2 avril 1993, présentée pour la SOCIETE CIVILE DES NEO-POLDERS, dont le siège est à "La Ferme", Créances (50170), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE CIVILE DES NEO-POLDERS demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 3 février 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, a, sur le recours du ministre de l'équipement, réformé le jugement du 21 mars 1989 du tribunal administratif de Caen condamnant l'Etat à réparer le préjudice que lui a causé la résiliation du contra

t d'endigage qu'elle avait conclu le 12 novembre 1952 avec l'Etat ; ...

Vu la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 2 avril 1993, présentée pour la SOCIETE CIVILE DES NEO-POLDERS, dont le siège est à "La Ferme", Créances (50170), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE CIVILE DES NEO-POLDERS demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 3 février 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, a, sur le recours du ministre de l'équipement, réformé le jugement du 21 mars 1989 du tribunal administratif de Caen condamnant l'Etat à réparer le préjudice que lui a causé la résiliation du contrat d'endigage qu'elle avait conclu le 12 novembre 1952 avec l'Etat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Edouard Philippe, Auditeur,
- les observations de Me Capron, avocat de la SOCIETE CIVILE DES NEO-POLDERS,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Nantes qu'en vertu d'un contrat d'endigage conclu le 12 novembre 1952 avec l'Etat, la SOCIETE CIVILE DES NEO-POLDERS s'était engagée à effectuer des travaux d'endigage portant sur 427 ha de terrains maritimes situés dans le havre de Lessay, dont la propriété lui serait acquise au fur et à mesure de leur soustraction à l'action des eaux ; que les projets d'exécution devaient être autorisés avant réalisation ; que la société disposait d'un délai de trente ans pour soustraire les terrains à l'action de la mer ; qu'après avoir réalisé une première tranche de travaux, la SOCIETE CIVILE DES NEO-POLDERS a demandé l'autorisation d'effectuer des travaux sur les 331 ha restant à exonder ; que cette autorisation lui a été refusée, le 1er avril 1980, par le directeur départemental de l'équipement, au motif que le classement des terrains concernés par le plan d'occupation des sols de la commune de Créances, rendu public, et par les plans d'occupation des sols, en cours d'élaboration, des communes de Lessay et de Saint-Germain-sur-Ay, était incompatible avec la réalisation d'un endigage ;
Sur le pourvoi principal de la société :
Considérant que, pour réformer le jugement du tribunal administratif de Caen, qui avait prescrit une expertise sur le préjudice dont la SOCIETE CIVILE DES NEO-POLDERS demandait réparation, en ce qu'il y avait inclus les bénéfices dont cette société avait été privée, la cour a relevé : "que le préjudice dont la SOCIETE CIVILE DES NEO-POLDERS est fondée à demander la réparation comprend la totalité des dépenses qu'elle a engagées devenues inutiles et se rattachant directement à l'exécution du contrat, déduction faite des recettes qu'elle a pu encaisser au titre de l'opération ; qu'en revanche elle ne peut prétendre à l'indemnisation de la valeur des terres dont elle n'est jamais devenue propriétaire ni, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, des bénéfices d'exploitation, que le contrat n'avait pas pour objet de lui procurer, dont elle aurait été privée" ;
Considérant que la société, qui demandait la réparation du préjudice résultant de l'inexécution par l'Etat, auteur, en l'espèce, de la réglementation d'urbanisme, de ses obligations contractuelles, avait droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice, direct et certain, sans qu'y fissent obstacle les dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ; qu'en excluant, par principe, du calcul du préjudice les terres dont la société n'est jamais devenue propriétaire, la cour a commis une erreur de droit ; qu'en excluant aussi de ce calcul les bénéfices d'exploitation, elle a dénaturé les clauses du contrat ; qu'il y a lieu d'annuler dans cette seule mesure l'arrêt attaqué ; que c'est, en revanche, sans erreur de droit, que la cour a estimé qu'il fallait déduire du préjudice les recettes effectivement perçues par la société ;
Sur le pourvoi incident du ministre :
Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement et des transports, la cour n'a pas dénaturé les mémoires de laSOCIETE CIVILE DES NEO-POLDERS, et par suite, admis une indemnisation sur un fondement non invoqué ;

Considérant qu'en admettant l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et les faits imputés à l'Etat co-contractant, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits, exempte de toute dénaturation ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que l'Etat n'est pas fondé à invoquer la violation, par l'arrêt attaqué, des dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ;
Considérant que l'expertise ordonnée par le tribunal administratif ne figure pas au dossier ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de renvoyer l'affaire à la cour administrative d'appel de Nantes ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la SOCIETE CIVILE DES NEO-POLDERS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à l'Etat la somme que ce dernier demande, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 3 février 1993, est annulé, en tant qu'il écarte du préjudice indemnisable toute prise en compte des terres dont la SOCIETE CIVILE DES NEO-POLDERS n'est pas devenue propriétaire, ainsi que des bénéfices dont elle aurait été privée.
Article 2 : Le pourvoi incident du ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement et des transports est rejeté.
Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes, dans les limites définies à l'article 1er ci-dessus.
Article 4 : Les conclusions du ministre qui tendent à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE DES NEO-POLDERS, au ministre de l'équipement, des transports et du logement et président de la cour administrative d'appel de Nantes.


Synthèse
Formation : 7 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 146753
Date de la décision : 29/12/1997
Sens de l'arrêt : Annulation partielle renvoi
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME - PERMIS DE CONSTRUIRE - PREJUDICE - Contrat d'endigage - Classement des terrains par le P - O - S - incompatible avec la réalisation des travaux d'endigage - Evaluation du préjudice - Indemnisation intégrale du préjudice direct et certain sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article L - 160-5 du code de l'urbanisme.

60-02-05-01-03, 68-01-01-02-04 Société ayant conclu un contrat d'endigage avec l'Etat portant sur 427 hectares, dont la propriété lui serait acquise au fur et à mesure de leur soustraction à l'action des eaux, chaque projet d'exécution devant être au préalable autorisé. Refus d'autorisation opposé à une demande de la société au motif que le classement des terrains concernés par le plan d'occupation des sols, dont l'Etat était l'auteur, était incompatible avec la réalisation d'un endigage. La société avait droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice, direct et certain, sans qu'y fissent obstacle les dispositions de l'article L.160-5 du code de l'urbanisme. La cour, en excluant, par principe, du calcul du préjudice les terres dont la société n'est jamais devenue propriétaire, a commis une erreur de droit. En excluant aussi de ce calcul les bénéfices d'exploitation, elle a dénaturé les clauses du contrat.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - APPLICATION DES REGLES FIXEES PAR LES P - O - S - COMPATIBILITE AVEC LE P - O - S - DE DIVERSES OPERATIONS OU TRAVAUX - Contrat d'endigage - Réalisation des travaux incompatible avec le P - O - S - Evaluation du préjudice - Indemnisation intégrale du préjudice direct et certain sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article L - 160-5 du code de l'urbanisme.


Références :

Code de l'urbanisme L160-5
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 1997, n° 146753
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. E. Philippe
Rapporteur public ?: Mme Bergeal

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:146753.19971229
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