Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Daniel X..., demeurant 288, parc des Amandiers à La Gavotte, Les-Pennes-Mirabeau (13170) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération du 27 novembre 1992 du conseil municipal de Marseille fixant à quatorze le nombre de danseurs de l'Opéra de Marseille, d'autre part, à l'annulation de la décision du 20 janvier 1993 par laquelle le maire de Marseille a résilié, à compter du 26 mars 1993, son contrat de danseur à l'Opéra de Marseille, enfin à ce que la ville de Marseille soit condamnée à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du conseil municipal de Marseille en date du 27 novembre 1992 et la décision du maire de Marseille en date du 20 janvier 1993 ;
3°) de condamner la ville de Marseille à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lambron, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Parmentier, avocat de M. Daniel X... et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la ville de Marseille,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, d'une part, que dès lors qu'il rejetait comme non recevables les conclusions de M. X... dirigées contre la délibération du conseil municipal de Marseille en date du 27 novembre 1982, le tribunal administratif n'avait pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens dirigés contre cette délibération ; que, par suite, le jugement ne saurait être regardé comme entaché d'une omission de statuer faute de comporter une réponse au moyen tiré du défaut de consultation du comité technique paritaire ;
Considérant, d'autre part, que le moyen tiré, à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 1993 du maire de Marseille, de l'illégalité de la délibération du 27 novembre 1992 du conseil municipal n'a pas été soulevé en première instance ; que, dès lors, le tribunal administratif n'a pas omis d'y statuer ;
Sur la délibération du conseil municipal de Marseille en date du 27 novembre 1992 :
Considérant que la ville de Marseille produit un certificat du maire attestant que la délibération du conseil municipal en date du 27 novembre 1992 a fait l'objet d'un affichage en mairie du 1er décembre 1992 au 1er janvier 1993 ; que si cet affichage s'est fait sous forme d'extrait, il comportait l'ensemble des éléments permettant d'apprécier le contenu de la délibération ; que cette mesure de publicité a, dès lors, fait courir le délai de recours contentieux prévu à l'article R. 102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'ainsi, les conclusions tendant à l'annulation de cette délibération, enregistrées le 22 mars 1993 au greffe du tribunal administratif, étaient tardives ; que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal les a rejetées comme irrecevables ;
Sur la décision du maire de Marseille en date du 20 janvier 1993 :
Sur le moyen tiré de l'illégalité de la délibération du conseil municipal de Marseille en date du 27 novembre 1992 :
Considérant que si un requérant peut invoquer, à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative, l'illégalité dont serait entaché un règlement devenu définitif, un tel moyen ne peut être utilement présenté que dans la mesure où la décision dont l'annulation est demandée constitue une mesure d'application de celle dont l'illégalité est invoquée par voie d'exception et où sa légalité est subordonnée à celle du premier texte ;
Considérant que la délibération du 27 novembre 1992 du conseil municipal de Marseille, par laquelle il a été décidé de réduire l'effectif du corps de ballet de l'Opéra de Marseille à 14 danseurs et, par suite, de supprimer 15 emplois de ce corps, présente un caractère réglementaire ; que la décision du maire de Marseille en date du 20 janvier 1993 prononçant le licenciement de M. X..., danseur du corps de ballet, constitue une mesure d'application de cette délibération à la légalité de laquelle sa propre légalité est subordonnée ; que, par suite, M. X... est recevable à invoquer par voie d'exception, même après l'expiration du délai ouvert pour en demander l'annulation pour excès de pouvoir, l'illégalité de cette délibération à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision précitée du 20 janvier 1993 prononçant son licenciement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 : "Un emploi ne peut être supprimé qu'après avis du comité technique paritaire ( ...)" ; qu'il ressort des pièces du dossier que le comité technique paritaire de l'Opéra de Marseille a été consulté, le 25 novembre 1992, sur les suppressions d'emplois envisagées ; qu'eu égard à l'objet de la délibération en cause, cette consultation tient lieu de celle du "comité de gestion de l'Opéra municipal de Marseille" créé par l'arrêté préfectoral du 20 septembre 1945 ; que, dès lors, les moyens tirés par M. X... du défaut de consultation du comité technique paritaire et du comité de gestion de l'opéra ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant que si la ville de Marseille, après avoir réintégré M. X... à la suite d'un jugement du tribunal administratif du 19 juin 1992 annulant pour vice de forme la décision prise par le maire le 29 avril 1991 de ne pas renouveler le contrat de l'intéressé, a ultérieurement décidé par la délibération contestée de son conseil municipal de supprimer 15 emplois du corps de ballet eu égard aux besoins de l'Opéra, cette circonstance n'est pas, par elle-même, constitutive d'une violation de la chose jugée par le tribunal administratif ;
Considérant que le détournement de pouvoir n'est pas établi ;
Sur les autres moyens :
Considérant que la décision du maire de Marseille en date du 20 janvier 1993 prononçant le licenciement de M. X... mentionne que "le conseil municipal après consultation du comité technique paritaire de l'Opéra a décidé de supprimer 15 postes en fixant à 14 au lieu de 29 l'effectif des danseurs de l'Opéra" et se réfère aux "besoins actuels de l'Opéra en matière de productions chorégraphiques" ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;
Considérant que la décision du 20 janvier 1993 se borne à faire application de la délibération susmentionnée du conseil municipal de Marseille en date du 27 novembre 1992 ; que M. X..., danseur au ballet de l'Opéra de Marseille, n'est pas fondé à soutenir qu'elle revêt un caractère disciplinaire ou aurait été prise en considération de sa personne et aurait dû, pour ce motif, être précédée de la communication de son dossier ;
Considérant que le requérant étant un agent contractuel et n'ayant pas la qualité de fonctionnaire communal, aucune disposition législative ou réglementaire n'obligeait l'administration à formuler en sa faveur une proposition de reclassement ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil municipal de Marseille ait, en limitant à 14 le nombre de danseurs du corps du ballet de l'Opéra, commis une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne les besoins du service ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 39, 40 et 42 du décret susvisé du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale que l'agent non titulaire engagé pour une durée indéterminée ne peut être licencié par l'autorité territoriale qu'après un préavis dont la durée est de deux mois au moins si la durée des services est égale ou supérieure à deux ans, la date à laquelle le licenciement prend effet devant tenir compte de cette période de préavis ainsi que des droits au congé annuel restant à courir ; que l'article 5 du même décret prévoit que l'agent non titulaire en activité a droit, dans les conditions prévues par le décret du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux, à un congé annuel dont la durée et les conditions d'attribution sont identiques à celles du congé annuel des fonctionnaires titulaires ; qu'après avoir précisé à son article 1er que l'année de service accompli s'entend de la période courant du 1er janvier au 31 décembre, le décret du 26 novembre 1985 dispose en son article 2 que les fonctionnaires qui n'exercent pas leurs fonctions pendant la totalité de la période de référence ont droit à un congé annuel dont la durée est calculée au prorata de la durée des services accomplis ;
Considérant que le maire de Marseille a, par lettre recommandée du 20 janvier 1993, fait savoir à M. X... que son licenciement interviendrait le 26 mars 1993, le point de départ du préavis étant fixé au 26 janvier 1993 ; que si cette décision a tenu compte des préavis de deux mois auquel M. X..., dont la durée de services était supérieure à deux ans, avait droit, elle l'a illégalement privé d'une période de congé rémunéré déterminée en fonction de la durée des services accomplis, laquelle doit tenir compte du préavis ; que cette circonstance, si elle n'est pas de nature à entraîner l'annulation totale de la décision de licenciement, rend celle-ci illégale en tant qu'elle prend effet avant l'expiration du délai de congé rémunéré auquel l'intéressé avait droit ; qu'ainsi, la décision attaquée doit être annulée dans cette mesure ; que le jugement du tribunal administratif de Marseille doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X... dirigées contre la décision du 20 janvier 1993 en tant qu'elle a pris effet avant l'expiration du délai de congé susmentionné ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la ville de Marseille à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 20 mai 1994 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X... dirigées contre la décision du20 janvier 1993 du maire de Marseille en tant qu'elle a pris effet avant l'expiration du délai de congé rémunéré auquel M. X... avait droit.
Article 2 : La décision en date du 20 janvier 1993 du maire de Marseille est annulée en tant qu'elle a pris effet avant l'expiration du délai de congé rémunéré auquel M. X... avait droit.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel X..., à la ville de Marseille et au ministre de l'intérieur.