Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 26 décembre 1995 et le 25 avril 1996, présentés pour la SOCIETE TOMAWAK FM, dont le siège est ... ; la SOCIETE TOMAWAK FM demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 septembre 1995 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rejeté sa candidature en vue de l'exploitation d'un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne, dans les zones de Haguenau, Saverne, Sarrebourg, Wissembourg, Obernai et Strasbourg ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Blanc, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de la SOCIETE TOMAWAK FM,
- les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 26 septembre 1995 en tant qu'elle concerne les zones de Wissembourg et de Strasbourg :
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
Considérant qu'aucune disposition de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, ni aucune disposition réglementaire, n'impose au Conseil supérieur de l'audiovisuel de mettre en oeuvre une procédure contradictoire pour la sélection des candidats à l'exploitation d'un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne ; que si le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé en 1991 une précédente décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel rejetant la candidature de la SOCIETE TOMAWAK FM pour la zone de Strasbourg, cette circonstance est sans influence sur les obligations légales pesant sur le Conseil supérieur de l'audiovisuel lors de la sélection des dossiers ;
Considérant que, pour rejeter la candidature de la SOCIETE TOMAWAK FM, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a joint à la lettre notifiant cette décision un tableau présentant la motivation du rejet ; que cette motivation, alors même qu'elle ne figurait pas dans le texte de la décision elle-même, permettait à la société requérante de connaître et, le cas échéant, de discuter les motifs sur lesquels le Conseil supérieur de l'audiovisuel s'était fondé pour rejeter sa candidature ; que le moyen tiré d'une insuffisance de la motivation de la décision attaquée doit, en conséquence, être rejeté ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes des huitième et neuvième alinéas de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, le Conseil supérieur de l'audiovisuel "accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels, la diversification des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence./ Il tient également compte : 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse" ; que si le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut, en vertu de ces dispositions, tenir compte, lorsqu'il accorde une autorisation, de l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication, il ne peut légalement déduire de la seule circonstance qu'un candidat n'est pas présent dans la zone concernée qu'il ne satisfait pas au critère précité, qui est relatif au professionnalisme des opérateurs, ni retenir la candidature d'un autre opérateur pour le seul motif que ce dernier est déjà présent dans cette zone ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la candidature de la SOCIETE TOMAWAK FM dans la zone de Wissembourg, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a indiqué que ladite société était "non présente sur la zone" et que "le critère de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels conduit le conseil à retenirRadio Eval (A) et Radio mélodie (B), en fréquence partagée, le programme de ces deux radios étant de nature à mieux assurer l'expression des différents courants socioculturels de cette zone que NRJ Strasbourg" ; que, si le motif tiré de la "non présence sur la zone" de la SOCIETE TOMAWAK FM qui n'est susceptible de se rattacher à aucun des critères fixés par l'article 29 précité de la loi du 30 septembre 1986 modifiée est entaché d'erreur de droit, il ressort des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l'audiovisuel, s'il n'avait retenu que le second motif avancé, aurait pris la même décision ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à en demander l'annulation ;
Considérant que, pour rejeter la candidature de la SOCIETE TOMAWAK FM dans la zone de Strasbourg, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a indiqué que "le programme NRJ qui ne fait pas appel à la publicité locale est retenu en catégorie D à Strasbourg, de préférence à la candidature de NRJ Strasbourg (C), compte tenu de la faiblesse des possibilités de partage des ressources publicitaires sur la zone" ; que, si la SOCIETE TOMAWAK FM soutient que cette motivation est dépourvue de base légale, il ressort des termes précités de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée que l'étroitesse du marché publicitaire local fait partie des motifs légaux qui peuvent conduire le Conseil supérieur de l'audiovisuel à écarter une candidature ;
Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas entendu écarter la candidature de la SOCIETE TOMAWAK FM pour un motif tiré de l'insuffisante expérience locale de ladite société ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le Conseil supérieur de l'audiovisuel aurait commis une erreur de droit doit être écarté ;
Considérant que si la SOCIETE TOMAWAK FM soutient que la décision attaquée méconnaît le principe d'égalité, elle n'apporte à l'appui de ce moyen aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE TOMAWAK FM n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 26 septembre 1995 en tant qu'elle rejette sa candidature dans les zones de Wissembourg et de Strasbourg ;
Sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 26 septembre 1995 en tant qu'elle concerne les zones de Saverne, Sarrebourg, Haguenau et Obernai :
Considérant que, pour rejeter la candidature de la SOCIETE TOMAWAK FM dans la zone de Haguenau, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a indiqué que ladite société était "non présente sur la zone" et que "le critère de l'expérience acquise conduit le Conseil à retenir Radio Eval, Radio Mélodie, ainsi que Radio plus, dont l'opérateur bénéficie d'une bonne expérience sur la zone. Par ailleurs, le Conseil retient Top Music qui bénéficie d'une expérience acquise sur ce format musical destiné aux jeunes à Strasbourg, contrairement à NRJ Strasbourg, qui n'a pas d'antériorité dans cette catégorie" ; que, pour rejeter la candidature de la SOCIETE TOMAWAK FM dans la zone de Saverne, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a indiqué que ladite société était "non présente sur la zone", que "le programme proposé par NRJ Strasbourg vise un public jeune, cette cible est également visée par Top Music qui bénéficie d'une bonne expérience sur la zone" ; que, pour rejeter la candidature de la SOCIETE TOMAWAK FM dansla zone de Sarrebourg, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a également indiqué qu'elle était "non présente sur la zone" et que le critère de l'expérience acquise conduit le conseil à "renouveler l'autorisation des opérateurs et les formats suivants : Radio Jéricho, Europe 2 Sarrebourg et RTL 2" ; que pour la zone d'Obernai, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a indiqué que "le critère de l'expérience acquise conduit le conseil à renouveler l'autorisation de deux radios présentes sur la zone : Radio Dreyeckland-vivre au pays et X... Iris" ; que les motifs ainsi énoncés sont entachés d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE TOMAWAK FM est fondée à demander l'annulation de la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel, en tant qu'elle rejette sa candidature dans les zones de Haguenau, Saverne, Sarrebourg et Obernai ;
Article 1er : La décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 26 septembre 1995 est annulée en tant qu'elle rejette la candidature de la SOCIETE TOMAWAK FM dans les zones de Saverne, Sarrebourg, Hagueneau et Obernai.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE TOMAWAK FM, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.