Vu, enregistré le 14 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'arrêt du 10 décembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, avant de statuer sur l'appel de la société FRANCE TELECOM tendant à l'annulation du jugement du 5 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Nancy, sur la demande du syndicat "Sud-PTT 54", a annulé la décision du directeur régional de FRANCE TELECOM de Nancy regroupant l'ensemble des agents de l'unité "infrastructures-réseau" sur le site de Champigneulles, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cet appel au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1° L'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, introduit par la loi du 26 juillet 1996 et créant un comité paritaire auprès du président de FRANCE TELECOM, a-t-il eu pour effet d'abroger implicitement les dispositions de l'arrêté du 28 juillet 1983 en tant qu'il institue un comité technique paritaire auprès de chaque direction régionale des télécommunications ?
2° En cas de réponse affirmative à la question précédente, les attributions du comité paritaire, telles qu'elles sont fixées par l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990 et l'article 6 du décret du 27 décembre 1996, doivent-elles être regardées comme s'appliquant aux mesures de réorganisation dont l'étendue n'excède pas le ressort d'une direction régionale de FRANCE TELECOM ?
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 90-668 du 2 juillet 1990, modifiée par la loi n°96-660 du 26 juillet 1996 ;
Vu le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 ;
Vu le décret n° 92-451 du 21 mai 1992 ;
Vu le décret n° 96-1179 du 27 décembre 1996 ;
Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, notamment son article 12 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ribadeau Dumas, Auditeur,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de FRANCE TELECOM,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;
1°) Aux termes de l'article 9 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : "Les fonctionnaires participent par l'intermédiaire de leurs délégués siégeant dans les organismes consultatifs à l'organisation et au fonctionnement des services publics (...)" ;
S'agissant de la fonction publique de l'Etat, l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984 dispose que : "Dans toutes les administrations de l'Etat et dans tous les établissements publics de l'Etat ne présentant pas un caractère industriel ou commercial, il est institué un ou plusieurs comités techniques paritaires. Ces comités connaissent des problèmes relatifs à l'organisation et au fonctionnement des services (...)". L'article 17 de la même loi renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer la compétence, la composition, l'organisation et le fonctionnement des comités techniques paritaires, ainsi que les modalités de désignation de leurs membres. En application du décret ainsi prévu en date du 28 mai 1982, maintenu en vigueur et modifié par celui du 25 octobre 1984, les comités techniques paritaires de l'administration des postes et télécommunications ont été institués par un arrêté interministériel du 28 juillet 1983, dont l'article 6 crée notamment de tels comités auprès des directeurs régionaux des télécommunications.
La loi du 2 juillet 1990 qui érige FRANCE TELECOM en personne morale de droit public dispose en son article 29 que les personnels de cet "exploitant public" sont régis par des statuts particuliers pris en application des lois du 13 juillet 1983 et du 11 janvier 1984. L'article 36 de la même loi prévoit l'existence d'un comité technique paritaire placé auprès du directeur général de FRANCE TELECOM. L'organisation et le fonctionnement de ce comité ont été fixés par le décret n° 92-451 du 21 mai 1992 relatif au comité technique paritaire de FRANCE TELECOM qui ne prévoit pas le maintien des comités techniques paritaires locaux alors en place et doit être regardé comme s'étant entièrement substitué à l'arrêté interministériel du 28 juillet 1983, dont les dispositions ont été ainsi implicitement abrogées avant même l'intervention de la loi du 26 juillet 1996 modifiant la loi du 2 juillet 1990 ;
2°) La loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 modifiant la loi du 2 juillet 1990 a transformé FRANCE TELECOM en société anonyme. Aux termes du second paragraphe de l'article 29-1 qu'elle introduit dans la loi du 2 juillet 1990 : "En vue d'assurer l'expression collective des intérêts du personnel, il est créé auprès du président de FRANCE TELECOM, par dérogation à l'article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, un comité paritaire. Ce comité est informé et consulté, notamment sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, ainsi que sur les questions relatives au recrutement des personnels et les projets de statuts particuliers. (...)./ Un décret en Conseil d'Etat précise les attributions et les modalités de fonctionnement de ce comité, ainsi que sa composition." Le décret n° 96-1179 du 27 décembre 1996 relatif au comité paritaire de FRANCE TELECOM, pris pour l'application de ces dispositions, prévoit que ce comité est consulté notamment sur l'organisation de l'entreprise, la gestion et la marche générale de celle-ci, ainsi que sur l'organisation du travail. Eu égard à la généralité de ces attributions et à la circonstance que la loi du 26 juillet 1996 introduit également dans la loi du 2 juillet 1990 un article 31-1 qui prévoit que FRANCE TELECOM doit établir des instances locales de concertation, consultées notamment sur l'organisation et les conditions de travail, il n'est pas légalement nécessaire de consulter le comité paritaire sur les mesures de réorganisation dont l'étendue n'excède pas le ressort d'une direction régionale de FRANCE TELECOM, sauf si, par leur ampleur ou leur nature, ces mesures ont une incidence sur la marche générale de l'entreprise.
Le présent avis sera notifié à la cour administrative d'appel de Nancy, à la société FRANCE TELECOM, au syndicat "Sud-P.T.T. 54", au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.