Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 17 avril et 5 août 1998, présentés pour Mme Yamina X..., demeurant ... Algérie ; Mme X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 février 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé, à la demande du ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre 1996, et, d'autre part, rejeté la demande présentée par Mme X... devant ce tribunal tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 1994 par laquelle le ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville a rejeté sa demande de réintégration dans la nationalité française ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ribadeau Dumas, Auditeur,
- les observations de Me Choucroy, avocat de Mme X...,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, sur recours du ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé, le 27 février 1998, le jugement du tribunal administratif de Nantes "en date du 19 décembre 1996", alors que le jugement attaqué, qui annulait, à la demande de Mme X..., la décision du ministre rejetant sa demande de réintégration dans la nationalité française, était en réalité daté du 6 mars 1997 ; que cette erreur matérielle est susceptible d'avoir une influence sur le sens et la portée de l'arrêt, qui doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie"; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond;
Considérant qu'aux termes de l'article 24-1 du code civil : "La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation" ; qu'il résulte des dispositions du même code relatives à la naturalisation que nul ne peut être naturalisé s'il ne remplit les conditions fixées aux articles 21-16 à 21-24 de ce code ; que si ces conditions ne sont pas remplies, le ministre est tenu de refuser la naturalisation, la demande étant déclarée irrecevable ; que si elles le sont, il n'est cependant pas tenu de prononcer la naturalisation ; qu'il lui appartient, lorsqu'il exerce le pouvoir dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'accorder ou non la naturalisation sollicitée, de tenir compte de toutes les circonstances de l'affaire, y compris de celles qui ont été examinées pour statuer sur la recevabilité de la demande ;
Considérant qu'aux termes de l'article 21-26 du code civil : "Est assimilé à la résidence en France, lorsque cette résidence constitue une condition de l'acquisition de la nationalité française : 1° Le séjour hors de France d'un étranger qui exerce une activité professionnelle publique ou privée pour le compte de l'Etat français ou d'un organisme dont l'activité présente un intérêt particulier pour l'économie ou la culture française ( ...)" ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par Mme X... en se fondant sur le motif que l'intéressée résidait en Algérie, pays dont elle était ressortissante, et ne justifiait pas de liens particuliers avec la France, alors même qu'il n'était pas contesté qu'elle remplissait la condition de résidence à laquelle était subordonnée la recevabilité de sa demande ; qu'ainsi, le ministre de l'emploi et de la solidarité est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du 15 mars 1994 rejetant la demande de réintégration de Mme X... ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X... ;
Considérant que Mme X... n'a soulevé, en première instance, puis en appel, que des moyens relatifs à la légalité interne de la décision attaquée ; que si elle se prévaut pourla première fois devant le Conseil d'Etat de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée, ce moyen, qui relève d'une cause juridique distincte de celles des moyens qui ont étésoulevés dans les délais du recours contentieux, n'est pas recevable ;
Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre ait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que Mme X... ne justifiait pas de liens particuliers avec la France qui auraient pu justifier sa réintégration dans la nationalité française ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'emploi et de la solidarité est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 6 mars 1997, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 15 mars 1994 ;
Article 1er : L'arrêt du 27 février 1998 de la cour administrative d'appel de Nantes, ainsi que le jugement du 6 mars 1997 du tribunal administratif de Nantes, sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Yamina X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.