Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la S.A.R.L. LE MAZURIER, dont le siège est ..., en liquidation judiciaire, représentée par son mandataire judiciaire, Maître X... ; la S.A.R.L. LE MAZURIER demande au Conseil d'Etat l'annulation de l'arrêt en date du 18 mai 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 5 décembre 1991 du tribunal administratif de Montpellier rejetant ses demandes en décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 1985 et 1986, d'autre part, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er septembre 1984 au 31 décembre 1986 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1177 du24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Collin, Auditeur,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la S.A.R.L. LE MAZURIER,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, devant les juges du fond la S.A.R.L. LE MAZURIER a demandé la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 1985 et 1986 et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er septembre 1984 au 31 décembre 1986 en soutenant que ces impositions avaient été établies à la suite d'une procédure irrégulière dès lors que la notification de redressements qu'elle avait reçue le 10 mai 1988 était incomplète et par suite incompréhensible ;
Considérant que la nature de la procédure contradictoire de redressement implique que les notifications de redressements adressées par l'administration au contribuable soient suffisamment motivées pour permettre à l'intéressé de formuler utilement ses observations ; que le caractère suffisamment motivé d'une notification de redressements s'apprécie, en principe, par rapport au document adressé par le service au contribuable ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir constaté le caractère incomplet de la notification de redressements adressée à la S.A.R.L. LE MAZURIER et relevé que la page introductive de cette notification ne mentionnait pas le nombre de feuillets intercalaires, ne pouvait pas, sans erreur de droit, se fonder sur la seule circonstance que la requérante s'était abstenue de s'assurer auprès du vérificateur du contenu matériel de la notification, pour écarter le moyen que la société tirait de l'insuffisante motivation de la notification qu'elle avait effectivement reçue ; qu'il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision administrative statuant en dernier ressort peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressements adressée à la S.A.R.L. LE MAZURIER ne comportait ni les motifs, ni le montant des redressements envisagés par le vérificateur ; que sur la page introductive, la mention du nombre des feuillets intercalaires avait été rayée ; que, par suite, cette notification de redressements ne permettait pas à la société de formuler utilement ses observations ; que, par suite, la société est fondée à soutenir que la procédure d'imposition suivie à son égard a eu un caractère irrégulier et à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en décharge des impositions contestées ;
Article 1er : L 'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 18 mai 1993 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 5 décembre 1991 est annulé.
Article 3 : La S.A.R.L. LE MAZURIER est déchargée des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1985 et 1986, de la pénalité qui lui a été infligée en application de l'article 1763 A du code général des impôts et mise en recouvrement le 31 mai 1989 et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période allant du 1er septembre 1984 au 31 décembre 1986 par avis de mise en recouvrement du 17 mai 1989.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la S.A.R.L. LE MAZURIER et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.