Vu la requête, enregistrée le 6 mai 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Claude X..., demeurant à Saint-Laurent-de-la-Conche par Montrond-les-Bains (42210) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 15 décembre 1994 par laquelle la commission nationale d'aménagement foncier a attribué à la commune de L'Hôpital-le-Grand la parcelle ZD 51, lieu-dit Les Raveaux, et, au requérant, la parcelle ZC 32, lieu-dit L'Etang ;
2°) d'ordonner la réattribution de la parcelle C 118 au requérant ;
3°) à défaut, de condamner la commune de L'Hôpital-le-Grand à lui verser une somme de 100 000 F ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Le Bihan-Graf, Auditeur,
- les observations de Me Ricard, avocat de M. X... et de Me Parmentier, avocat de la commune de L'Hôpital-le-Grand,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission nationale d'aménagement foncier, en date du 15 décembre 1994 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 123-27 du code rural : "Dans toute commune où un remembrement rural a été ordonné, les terrains nécessaires à l'exécution ultérieure des équipements communaux ( ...) peuvent, à la demande du conseil municipal, être attribués à la commune dans le plan de remembrement dans les conditions définies aux articles L. 123-29 et L. 123-30 ..." ;
Considérant que, si la commune de L'Hôpital-le-Grand soutient qu'elle avait manifesté, dès l'année 1980, son intention de demander l'attribution de la parcelle C 118 appartenant à M. Claude X..., dans le cadre du remembrement ordonné par un arrêté préfectoral du 5 octobre 1978, et qu'elle a autorisé les travaux d'aménagement de cette parcelle en terrain de sports par une délibération de son conseil municipal en date du 18 octobre 1983, il est constant que la demande expresse à la commission communale, requise par les dispositions précitées, n'a été formulée par le conseil municipal que par une délibération du 21 octobre 1993, alors que le plan de remembrement a été arrêté en 1982 ; qu'ainsi ladite délibération est intervenue après l'adoption dudit plan ; que, par suite, la condition posée par le code rural pour l'attribution à une commune des terrains nécessaires à la réalisation ultérieure d'équipements communaux à l'occasion du remembrement n'était pas, en l'espèce, satisfaite ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que, par la décision attaquée du 15 décembre 1994, la commission nationale d'aménagement foncier a décidé d'attribuer la parcelle litigieuse à la commune ; que, dès lors, M. X... est fondé à demander l'annulation de ladite décision ;
Sur les conclusions à fin de restitution de la parcelle C 118 :
Considérant qu'en demandant que le Conseil d'Etat ordonne la restitution de la parcelle C 118, M. X... entend invoquer le bénéfice de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980, modifiée par la loi du 8 février 1995, qui dispose que : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir cette décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ;
Considérant, cependant, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 122-11 du code rural : "Lorsque la commission nationale d'aménagement foncier est saisie, dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 121-11, d'un litige en matière de remembrement rural et qu'elle constate que la modification du parcellaire qui serait nécessaire pour assurer intégralement par des attributions en nature le rétablissement dans ses droits du propriétaire intéressé aurait des conséquences excessives sur la situation d'autres exploitations et compromettrait la finalité du remembrement, elle peut, à titre exceptionnel et par décision motivée, prévoir que ce rétablissement sera assuré par le versement d'une indemnité à la charge de l'Etat dont elle détermine le montant" ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la restitution de la parcelle C 118 ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme la conséquence nécessaire de la présente décision ; qu'ainsi, les conclusions en ce sens ne sauraient être accueillies ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 : "Sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours contre une décision, et ce dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ( ...)" ;
Considérant que si M. X... demande qu'à défaut de la restitution de la parcelle C 118, la commune de L'Hôpital-le-Grand soit condamnée à lui verser une indemnité de 100 000 F, il ne ressort, en tout état de cause, pas des pièces du dossier que M. X... ait saisi la commune d'une demande préalable en ce sens ; que ces conclusions sont, par suite, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés" ; que l'article 43 de la même loi autorise le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75 précité, la partie perdante "au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés" ; que l'article 37 de la même loi dispose que "( ...) l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat ; mais que l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement àson profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
Considérant, d'une part, que M. X..., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. X... n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. X... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la commune de L'Hôpital-le-Grand la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du 15 décembre 1994 de la commission nationale d'aménagement foncier est annulée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la commune de L'Hôpital-le-Grand tendant à se voir reconnaître le bénéfice de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Claude X..., à la commune de L'Hôpital-le-Grand et au ministre de l'agriculture et de la pêche.